Malgré la destruction des obstacles, les flotteurs frôlèrent longuement des arêtes rocheuses qui résonnèrent à travers tout le navire et en firent frissonner plus d'un.
Elle afficha l'air le plus serein qu'elle pouvait et fit comme Erwan, comme si de rien n'était, pour que tous ceux l'observant puissent se rassurer en voyant que leurs officiers gardaient leur calme.
Erwan avait raison : il était vraiment pénible de commander et de devoir se surveiller en permanence. Elle s'intéressa, pour se relaxer, à la navigation d'un patrouilleur qui repassait derrière ses deux collègues pour vérifier une dernière fois leurs relevés avant que l'araseur ou le canon entre en jeu.
Erwan la rejoignit avec ce qu'elle reconnut comme une longue-vue. Erwan l'installa sur un trépied, s'assura de sa position et lui fit signe de regarder. À près de trente toises au-dessus de la surface de l'eau, Tranit savait maintenant qu'elle pouvait apercevoir à un peu plus de deux lieues par temps clair.
La longue-vue lui permettait de voir beaucoup plus clairement ce qui se trouvait éloigné ou bien lui permettait de distinguer ce qui se trouvait à l'horizon. Erwan l'avait réglé sur une espèce de piton rocheux qui semblait plus curviligne que les alentours.
Tranit releva immédiatement la tête et regarda le jeune homme qui l'observait.
— Les Sentinelles, confirma-t-il. À cinq lieues et demie.
— Enfin ! s'exclama la jeune femme. Elle regarda à l'extérieur puis des papiers qu'elle venait de consulter.
— Nous y serons donc vers dix-huit heures ? Et notre traction avec son escorte ? L'armée de Saert ? Tu as eu des informations récentes ?
— Nous devrions apercevoir la fin du convoi d'ici peu. Les enseignes arrivent à communiquer par TOP avec l'arrière-garde. Une équipe de reconnaissance a envoyé un message TOP. Des cavaliers ont laissé de grands signes visibles sur des reliefs peu après Fousseret.
Tranit esquissa un sourire. Erwan semblait pouvoir penser à ces chevaliers sans lâcher une série de jurons, c'était bon signe et la jeune femme était fort satisfaite de le voir revenu à une bien meilleure humeur.
— Ils seront tous en retard, précisa-t-il, mais ils arrivent ! C'est déjà ça. Une fois Awèl parmi eux, il reprendra tout ce petit monde en main.
Le cœur de Tranit ne battit pas plus rapidement, mais un peu plus fermement, lui sembla-t-il. Elle pourrait faire débarquer au moins la moitié de ses troupes avant l'obscurité, si on lui trouvait assez d'espace pour y parquer ses bataillons.
— Je pourrais savoir comment est le terrain au pied de la forteresse ?
Erwan opina du chef en lui montra une tablette de cire.
— Adacie a commencé à effectuer des relevés, lorsqu'elle a appris que tu irais par voie terrestre. Les kañvs de reconnaissance effectueront le travail une fois qu'ils auront conduit les dorkis au pied de la forteresse. Il ne nous reste plus qu'à attendre.
— Cinq longues heures !
— Ce seront bien les dernières que nous trouverons, avec tout ce qui nous attend par la suite, plaisanta Erwan. Fais comme moi ! Fais semblant de dormir !
Tranit poussa un long soupir en se rasseyant dans son fauteuil. Elle commençait à en avoir un peu marre. Pourtant, elle ferma les yeux et se laissa bercer par les tremblements du catamaran remontant le courant.
Ainsi, on sentait encore mieux l'inclinaison que devait affronter le navire. Ce qui pouvait passer pour une simple remontée vue de l'extérieur s'avérait en fait une tâche bien pénible.
Et personne ne semblait l'avoir déjà accomplie avec une telle armada, c'était sans doute ce qui rendait Erwan si redoutable. En plus de disposer d'une technologie supérieure à celle des autres, il ne cessait d'imaginer de nouvelles façons de l'utiliser.
Il ne pensait pas que c'était impossible, alors il l'essayait. Cela devait compter pour beaucoup dans ses succès.
Tranit dut somnoler un peu. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, le catamaran remontait toujours le courant. Le grondement du fleuve était devenu en si peu de temps quelque chose d'habituel. Il faisait toujours clair et à première vue le soleil n'avait pas trop avancé dans le ciel.
Mais Tranit avisa deux enseignes près d'Erwan qui la désignait. La jeune femme se sentit aussitôt alerte et sur le qui-vive. Des nouvelles pour elle ? Enfin ?
Erwan lui désigna les deux élèves officiers.
— Message d'Adacie et relevé plus précis des alentours des forteresses.
D'un puissant coup de reins, Tranit était debout, rebouclant son ceinturon.
— Pouvons-nous profiter de ton bureau pour y travailler ?
Erwan lui fit signe de ne pas se gêner et s'alluma une nouvelle clope pour poursuivre sa contemplation du paysage.
Tranit le remercia d'un grand sourire et entraîna les deux enseignes à sa suite.
* * *
Merci pour votre lecture.
Si vous avez aimé, m'offrir un petit vote serait fort sympa.
Vos remarques ou vos commentaires sont toujours les bienvenus.
Vixii
VOUS LISEZ
Les Larmes de Tranit - 6
FantasyDernier couplet (?) de cette aventure, Tranit part finalement en guerre. Un voyage peut-il se dérouler sans aucun incident lorsque des milliers d'hommes en armes errent dans les montagnes sans vraiment savoir où ils vont ? Avec un commandement errat...