Erwan parvint à faire durer une conversation plutôt plate pendant plus d'une demi-heure avant qu'une nouvelle troupe de cavaliers ne soit annoncée. Des hommes apportèrent d'abord assez de bois et de foin pour faire un bon foyer puis des chaises pliantes furent apportées avant qu'une demi-douzaine de chevaliers n'arrive, incrédules.
Erwan reconnut les armes de Tournay que Rowèn avait nommé à la tête de ce corps d'armée. Il esquiva les questions sur sa venue par quelques pirouettes et dès que le lait de noisette corsé fut servi, il laissa Rowèn guider la conversation. Le vieil homme réussit à leur faire raconter leur voyage. C'était bien Saert qui cinq ou six jours plus tôt avait influencé le changement de route en prétextant que ça serait plus facile de passer par la cité militaire de son père.
— Pourtant, ajouta le jeune comte, il n'a pas dit pourquoi nous devions faire halte là-bas, surtout que nous avons vu des troupes de cavalerie, bien plus en hauteur, faire route à l'ouest.
— Quelles troupes ? interrogea le maréchal.
— Saert dit que ce sont les levées hivernales qui rentrent chez elles. Chaque hiver, ils doivent renforcer les garnisons dans la crainte des invasions venues des cimes.
— C'est un peu tard pour les libérer, déclara Erwan qui connaissait bien cette situation. En général, les suzerains libèrent les levées juste après l'équinoxe de printemps. Cela leur coûte trop cher de les garder plus longtemps. Qu'importe ce que Saert a en tête, comte de Tournay, écoutez-nous plutôt. Monsieur, expliquez-lui.
Rowèn ne se formalisa pas et expliqua au jeune noble ce qu'il entendait faire. Celui-ci écouta attentivement, presque soulagé. Erwan comprit que la décision de Saert l'avait plongé dans l'incertitude et que cette visite du maréchal était une délivrance pour lui.
Le merveilleux lait de noisette offert par Erwan, juste renforcé d'un peu de chicorée torréfiée et d'une petite goutte d'eau de vie de l'ouest réchauffe les corps fourbus par de longues journées de cavalcades, réconforta les cœurs tiraillés par les questionnements incessants que les longs trajets amènent.
Après quelques échanges avec ses officiers, Tournay assura le maréchal que dès le lendemain sa division redescendrait pour suivre le cours du ruisseau de Sarremezan qui coulait moins d'une demi-lieue plus bas et menait directement à la Nèze. Erwan se retint de trop manifester sa joie.
Il laissa ses mousquetaires préparer des boissons plus fortes et s'alluma un bâtonnet à fumer. Tranit qui avait assisté à la conversation un peu à l'écart vint lui glisser un message. Awèl venait de répondre par un simple 10-04.
— Et voilà, un nouveau miracle, déclara le jeune prophète. L'aile gauche et l'avant-garde confirment le mouvement sur la vallée de la Nèze, maréchal. Dans trois jours au plus toutes vos troupes seront autour de Fousseret et mes navires vous transborderont.
Rowèn leva sa chope qu'il vida assez rapidement.
— Félicitations, seigneur d'Asasp. Me reconduirez-vous auprès de mon armée ?
— Bien sûr, monsieur, mon plaisir.
Sur un claquement de doigts d'Erwan, les mousquetaires se mirent à ranger leurs affaires et Rowèn prit congé de tous. Tournay et son escorte regardaient les gens d'Erwan ne comprenant pas ce qu'ils faisaient. Rowèn qui l'ignorait aussi faisait semblant.
Son petit-fils vint le voir rapidement et lui glissa quelques mots dans le creux de l'oreille. Rowèn le regarda fièrement et lui tapota la joue avant de rejoindre le kañv. Il remonta dans le chariot et Erwan lui demanda s'il voulait voir à l'extérieur ce qui se passait. Le vieil homme eut un instant d'hésitation avant de faire oui de la tête.
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Les Larmes de Tranit - 6
FantasyDernier couplet (?) de cette aventure, Tranit part finalement en guerre. Un voyage peut-il se dérouler sans aucun incident lorsque des milliers d'hommes en armes errent dans les montagnes sans vraiment savoir où ils vont ? Avec un commandement errat...