Les Larmes de Tranit - 6

CHAPITRE CENT VINGT ET UN .6

Il était convenu qu'une fois les Imprenables prises, la vallée serait ouverte. Il était impossible que Saert ne le sache pas !

La cité militaire du Salat protégeant la frontière orientale du duché était à une quinzaine de lieues plus au sud, en altitude, précédée des forteresses de Roquefort et de Boussens sur le fleuve même !

En face, Tranit avait noté les noms de maisons fortes à Mondavezan ou Gratens qui signalaient la frontière. Comment les seigneurs de Lannemezan pouvaient-ils ignorer la présence de ces Sentinelles au nord de leur territoire, au bord d'une vallée fluviale dont ils tiraient des revenus conséquents. C'était inconcevable.

Le silence dura jusqu'à l'abordage avec un autre navire et comme un ouragan Erwan débarqua suivit d'un couple de druides et d'une douzaine d'enseignes et de mousquetaires transportant des cartes et d'autres documents.

Un moment, Tranit pensa que le jeune prophète manquait de sommeil puis elle remarqua qu'en fait il avait un peu forcé sur la bouteille et qu'il était en colère. C'était ça le plus effrayant ! Erwan en colère !

Sa tenue négligée qui renforçait son aspect colérique lui donnait un air quelque peu effrayant. La jeune femme le vit clairement en voyant Adacie et Cydrac se crisper instinctivement en le voyant entrer dans le carré, clope au bec, les sourcils froncés et de lourdes cernes sous les yeux.

Alors que les druides allaient s'asseoir aux côtés de Cydrac qui les salua de manière classique, signe qu'il les connaissait plutôt bien, les enseignes installaient des cartes sur la paroi et Erwan continuait à fumer, l'esprit ailleurs. Adacie adressa un petit sourire triste à Tranit et lui fit signe de patienter.

La jeune femme lui répondit par un petit sourire et se replongea dans la carte de la région posée devant elle. Il y avait forcément quelque chose de possible à réaliser pour maîtriser ce danger. Parce que ces forteresses étaient une menace directe pour la réussite de leur projet.

Quand tout fut installé, Erwan invita le couple de druide à raconter leurs aventures, lui-même restant de côté, fumant toujours et plongé dans ses pensées.

Le druide parla en premier. Liaig et ancien soldat dans la garde du roi Wélaxix ; c'était un esprit affuté très doué pour remarquer bien des choses. Sa compagne, liaig et brithèm, combinaison assez rare, n'était pas en reste.

Ils avaient sans doute dépassé la quarantaine, mais leur perspicacité était indéniable. S'ils allaient plus souvent vers l'est, vers Carcassonne et des fiefs plus au nord, ils connaissaient pourtant certains seigneurs du Lannemezan ou du Fossat.

Pourtant, n'ayant jamais remonté ce torrent, ils n'avaient jamais entendu parler de ces Sentinelles. Quelques amis du Miélan leur ayant donné des noms de famille auprès desquelles ils pourraient exercer leur art et obtenir des informations, ils avaient entamé la remonté de la Garonne.

Heureusement pour eux, malgré les apparences, leur petit vaisseau possédait une hélice, comme tous les navires d'Erwan et pouvait donc remonter plus facilement le puissant cours d'eau.

Aucun navire classique n'aurait pu remonter plus loin que le Mès ou le Barillou, deux ruisseaux se jetant dans le torrent.

Les druides avaient passé trois jours dans la région, pour faire parler d'eux avant d'annoncer qu'ils allaient voir plus haut si on pouvait avoir besoin de leurs compétences.

Leurs patients leur avaient même remis des lettres d'introductions pour des membres de leurs familles, aussi s'attendaient-ils à une remontée difficile pour leur navire et les dorkis le propulsant, mais sans rien n'imaginer d'autre.

L'arrivée près de la jonction avec l'Arize avait été déroutante. Des fanions d'interdiction avaient été dressés le long des berges par des cavaliers prévenus de leur arrivée et deux flammèches de semonce tirées bien devant le navire.

Les druides avaient donc fait route vers un débarcadère situé au pied de cette forteresse dont ils ignoraient tout, mais on ne leur avait pas permis de poser pied à terre, malgré toutes les recommandations dont ils pouvaient se faire valoir.

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Vixii