CHAPITRE CENT VINGT-HUIT .5

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                    Pourtant, que pouvait-on exiger d'une chose n'existant pas cinquante et quelques jours plus tôt ? Même pas deux mois qu'ils étaient nés d'efforts, de hasard et un soupçon d'intuition de leur commanditaire.

Tranit et ses camarades avaient sans doute créé l'engin qui offrirait une suprématie sans pareille aux troupes d'Erwan.

La jeune femme se dit que, d'ici quelque temps, les chants concernant les kañvs seraient aussi populaires que des chansons de gestes de chevaliers.

En moins de vingt minutes, tout le monde fut équipé, l'armement vérifié et, en toute discrétion, ils montèrent dans un 341. Erwan assura Tranit que Benwan et Allioz étaient parfaitement capables de gérer le bivouac le temps de leur absence. Suwane avait déjà pris l'air dans son petit appareil de chasse et les attendait.

Tranit et Erwan s'installèrent à la porte, juste derrière le siège du copilote, pour observer le terrain. Cydrac vint s'assurer qu'ils avaient bien attaché leurs sangles de sécurité, histoire de ne pas glisser dehors en cas de mouvement brusque du kañv, et Tranit installa sa propre carabine dans un pivot lui permettant de faire feu en cas de nécessité.

Mais dès que Cydrac se fut éloigné, la jeune femme sortit un cahier dans lequel elle avait noté ses questions et les réponses apportées au fur et à mesure par Erwan ou ses hommes.

La jeune femme n'attendit même pas le décollage pour lui faire confirmer tout ce qu'il lui avait précédemment appris. Par chance pour elle, Erwan y consacra toute son attention, bien qu'il regardât à l'extérieur. Tranit se souciait peu des paysages pour le moment.

Oui, découvrir les arbres vus du haut était un superbe spectacle. Oui, les contreforts pyrénéens étaient magnifiques, le gris des roches jaillissant d'une épaisse mer de verdure, d'immenses broussailles déjà vertes de vie, des fleuves d'herbe s'étalant dans toutes les directions.

Le moindre seigneur survolant ces lieux aurait vu une fortune infinie s'offrir à lui. Mais Tranit n'était plus qu'obnubilée par une seule chose : les Imprenables. Lorsque Cydrac vint s'asseoir près d'eux, la jeune femme n'hésita pas à mettre ses souvenirs de guerre à contribution.

À son tour, il lui assura qu'à la distance à laquelle ses troupes seraient engagées, révolvers, pistolets longs comme fusils seraient tous destructeurs jusqu'à vingt-cinq toises.

Ce que Tranit avait prévu : la formation d'une colonne d'assaut lourdement cuirassée pourvue d'une puissance de feu incroyablement supérieure à tout ce qui pouvait exister dans ce monde, ne pouvait que lui apporter la victoire.

À moins de jouer de malchance et de tomber dès les premiers pas sur des escadrons de hallebardiers montés, les chevaliers les plus puissants et les mieux protégés des armées impériales, il n'y aurait pas de problèmes.

Lorsqu'Adacie arriva au bivouac du Durban, leur kañv se posa brièvement et Cydrac alla lui-même aux informations. Erwan et Tranit préféraient se faire discrets pour ne pas émouvoir un peu trop les jeunes gens ayant conduit leurs patrouilles jusqu'ici. Le hussard revint quelques minutes plus tard.

— Voici un peu plus de cinq minutes qu'ils ont obtenu un signal d'une patrouille de mousquetaires. Il faut suivre cette faille, là.

Cydrac montra à Adacie un chemin sur sa carte et lui souffla quelques informations complémentaires, alors que Tranit dévisageait Erwan sans savoir quoi dire.

Ils y étaient. Ils allaient y arriver.

Erwan souriait, mais Tranit le connaissait maintenant suffisamment bien pour savoir que c'était un sourire de façade et qu'en lui tout n'était que concentration, attention.

Un mousquetaire d'Erwan déploya un TOP et échangea quelques signaux avec la patrouille en observation et l'atmosphère s'électrisa. Sur un signe d'Erwan, Cydrac tapa dans ses mains et cria à tout le monde de se mettre en position.

Adacie redécollait, précédée par Suwane. Pendant une petite dizaine de minutes, ils volèrent dans cette faille qui n'offrait rien de particulier à voir, aucune piste ni anfractuosité digne d'intérêt.

La copilote d'Adacie était agrippée à son fusil lourd de calibre 24 tout en vérifiant le chemin dans lequel le kañv s'engageait à vitesse modérée.

En quelques codes, tout fut annoncé : 10-17 pour 15-20.

Le 15-20 était l'objectif, Tranit ne savait pas pourquoi il ne disposait pas d'un code en 10, comme tant d'autres mots usuels, et le 17 signalait qu'il était en vue. Pourtant, la jeune femme se retint de se lever pour voir à travers le cockpit. Elle devait rester calme et concentrée.

— 10-04 pour 10-14. Au temps pour eux ! poursuivit l'écuyère.

Adacie confirma d'un 10-04 bref, les mousquetaires au sol lui signalaient où se poser en toute sécurité.

Après quelques tremblements, Adacie annonça que le kañv était bien posé et ordonna à ses passagers de descendre. Erwan se releva, fut immédiatement encadré par Cydrac et son escorte, avant de descendre par la rampe arrière pour recevoir le salut du jeune lieutenant venu jusqu'ici en dorkis pour reconnaître les lieux.

Tranit calma sa respiration, récupéra sa carabine et sortit à son tour de l'hélico. Erwan était en train de rendre son salut au jeune lieutenant du RCC de Benwan et écoutait les toutes dernières informations obtenues.

—... et trois cadets sont en train d'installer un TOP sur le flanc ouest, Votre Seigneurie : cela permettra d'entrer en contact avec 218 à la nuit tombée. Nous serons invisibles depuis les remparts.

— Bien lieutenant. C'est du bon travail. Alors, où sont-elles ?

— Ce petit sentier mène à une plateforme dégagée. Cinq ou six personnes peuvent s'y tenir, mais pas plus. C'est assez venteux.

Cydrac faisait déjà signe à ses hommes d'aller en reconnaissance et Erwan regarda autour de lui.

— J'irai avec la colonelle Tranit et la capitaine Adacie. Vous y avez laissé vos optiques ?

— Oui, souffla le jeune lieutenant, quelque peu impressionné et mal à l'aise d'avoir oublié Tranit. Elles sont dans une sacoche étanche, déjà réglées.

Comme les gardes de Cydrac revenaient en faisant signe que tout allait bien, Erwan invita Tranit et Adacie à la rejoindre.

— Allons voir les monstres, mesdemoiselles !

Il leur tendit les mains et les entraîna à sa suite.

Juste un petit chemin à grimper, quelques dizaines de toises avant de savoir, enfin !

* * *

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant