- Je ne voulais pas t'inquiéter pour si peu. Nous avons quelques difficultés pour la remontée. Je crains que notre cher capitaine ait quelque peu enjolivé ses récits ou bien sa mémoire lui joue des tours.
Devant l'incompréhension de Tranit, Erwan lui fit signe de le suivre à l'extérieur. Ils croisèrent des visages graves, les enseignes d'Erwan ne cessaient d'aller et venir, de consulter leurs notes entre eux. Erwan entraîna la jeune femme vers l'avant de l'immense cale jusqu'à ce qu'ils arrivent à de larges portes coulissantes par lesquelles de longues rampes permettaient de charger directement la cale.
Les portes étaient laissées ouvertes pour faciliter l'aération. Il y avait tant de dorkis, d'hommes enfermés à l'intérieur qu'en temps normal l'air serait devenu irrespirable en une seule journée. Pour le moment, quelques cordages avaient été tendus pour empêcher de basculer à l'extérieur.
La vue depuis la cale était superbe. Le catamaran présentait légèrement son flanc au courant qui dévalait depuis les sommets pyrénéens. On voyait bien que le cours était assez accentué et que de nombreux rochers affleuraient.
- Je ne pense pas que ce capitaine Aylac ait jamais réussit à remonter le cours de ce torrent avec un catamaran comme le nôtre, encore moins avec ceux qui nous suivent. Celui-ci est facilement plus petit d'un tier, ou même un peu plus.
- Pas assez d'eau ? s'enquit Tranit qui observait les alentours, les berges dégagées mais rocailleuses puis plus loin de riches fourrés regorgeant de baies, d'oiseaux, de plantes.
- Pas exactement. Il y a beaucoup d'eau. Nos reconnaissances nous ont même confirmées que l'eau était plus haute qu' à la normale. Le problèmes c'est tout ces rochers qui gênent notre progression. Le fond, comme disent nos amis les marins. Les patrouilleurs peuvent remonter, un navire marchand moitié moins grand aussi. Nous sommes trop grands, trop lourdement chargés.
Nos trois patrouilleurs tentent de nous baliser un chemin, mais comme tu viens de le sentir, ça passe pas. Imagine avec les catamarans de l'Etxalar et du Barcus, encore plus grands et plus chargés que celui-ci.
C'est un peu la merde, avoua finalement Erwan. Tout le temps que nous perdons ici pourra être récupéré d'une manière ou d'une autre, sauf si notre présence est découverte et transmise au mas d'Azil.
Tranit comprit immédiatement ce qu'Erwan voulait dire. Le trajet en lui-même n'était pas un véritable problème. Ses troupes pouvaient finir en marche forcée.
Même s'il fallait finir de nuit, après la longue période de repos que les dorkis avaient eu à la Barcusanne, ils pourraient fournir un effort supplémentaire sans difficulté. Mais que l'ennemi apprenne leur présence et cela tournerai à la catastrophe.
- Si nous débarquions nos montures et nos bêtes de sommes, proposa-t-elle ? Ici même, avec les animaux du RCC il doit bien y avoir plus de deux cents dorkis dans ce navire.
Erwan poussa un soupir et afficha un air incertain.
- Ça ne sera sans doute pas assez. Cela aiderait beaucoup mais ce n'est pas suffisant.
Il regardait un patrouilleur qui, bien au milieu du torrent, signalait un rocher effleurant la surface. S'il pouvait le faire fondre...
Il resta un instant immobile, sentant l'idée là, juste autour de lui, comme une fumerolle évanescente. L'image lui apparut. Il inspira longuement, comme il le ferait pour profiter d'un arôme particulièrement délicieux et sourit à Tranit avant de claquer des doigts.
- Enseigne !
Sans même attendre de réponse, il poursuivit.
- Mes compliments au capitaine. Que tous les catamarans mettent en panne derrière nous. Accoster si possible pour soulager la pression et reposer les animaux de trait. Faites venir ici les capitaines Rigel et Vanax.
Un 10-04 essouflé se fit entendre alors que Tranit apercevait une petite silhouette disparaître en courant. Erwan se frottait les mains en souriant.
- J'ai peut-être quelque chose. Ça pourrait aller avec soulager les catamarans d'une partie de leur charge.
Tranit allait lui demander ce qu'il avait en tête lorsqu'elle vit deux femmes arriver en petites foulées. Si l'une portait un uniforme complètement TTA, la seconde portait l'aube brune des apprentis druides.
Les trois barres noires au niveau de la poitrine la présentait comme une grande apprentie qui avait neuf années d'étude. Tranit reconnut en elle l'une des ajointes de maître Asamanix, l'architecte et maître du génie des troupes d'Erwan. Celui-ci ne se perdit pas en saluations et montra directement le patrouilleur à quelques centaines de toises de là.
- Capitaine Vanax, vos arraseurs pourraient-ils faire fondre ce rocher ?
- Pour en faire quoi, votre seigneurie ?
- Rien ! Simplement libérer le passage pour nos catamarans.
L'apprentie druide semblait stupéfaite que l'on veuille utiliser ses précieux engins pour ne rien créer mais baissa les épaules.
- Oui, mon seigneur, c'est possible. C'est dommage mais possible.
- Je vous trouverais bien des trucs à construire, Vanax. Capitaine Rigel, votre canon peut-il toucher un objectif sous l'eau ?
La femme âgée d'une bonne trentaine d'année et à l'air sérieux hocha fermement la tête.
- Je crame ce que vous voulez mon seigneur. Pas de question.
* * *
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Vixii
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Les Larmes de Tranit - 6
FantasíaDernier couplet (?) de cette aventure, Tranit part finalement en guerre. Un voyage peut-il se dérouler sans aucun incident lorsque des milliers d'hommes en armes errent dans les montagnes sans vraiment savoir où ils vont ? Avec un commandement errat...