CHAPITRE CENT VINGT-QUATRE .1

9 5 0
                                    

Tranit traversa la plateforme en affichant l'air le plus serein possible alors que les marins de corvée sur le pont et les hommes de l'escadron de kañvs reprenaient leurs activités habituelles.

Trop de soucis l'assaillaient : Adacie et Suwane parties pour un coup de main capital pour la suite de leur entreprise et le comportement d'Erwan avec ce prisonnier. Quelque chose lui échappait dans toutes ces histoires, aussi se força-t-elle à chasser cette impression désagréable.

Elle retrouva son appareil dans lequel des marins fixaient deux bouteilles supplémentaires, par sécurité. L'équipage habituel venait de faire une nouvelle inspection et lui assura que tout allait bien.

Tranit remit ses pièces d'armures, s'assura que ses affaires étaient toujours bien fixées, puis fit signe à Erwan que tout était prêt. Le jeune homme ne tarda pas à la rejoindre avec son escorte. Il s'installa aux côtés de Tranit, satisfait de lui et de bonne humeur comme si rien ne s'était passé depuis l'aurore.

— Si nous réussissons notre partie, tout devrait se dérouler parfaitement, annonça-t-il en vérifiant ses propres affaires. Pendant notre virée, nos capitaines vont converser avec le capitaine du Rebouteux à propos de la remontée du fleuve. Ça va être un peu tendu, mais j'aimerais bien que demain midi au plus tard notre escadre croise devant l'embouchure de l'Arize. Plus vite nous irons et mieux notre sécurité sera garantie.

Tranit opina silencieusement en le regardant déployer une nouvelle carte devant lui.

— Voilà ce qu'on va faire. Cap au 145, cinquante toises au-dessus des broussailles. On va suivre les lignes de crêtes qui sont presque toutes bien dégagées. On coupe en ligne droite pour rejoindre Awèl. On laissera l'avant-garde sur notre gauche et on y passera au retour.

Tranit fit signe qu'elle avait compris et décolla lentement du pont du catamaran. Elle compensa la perte de portance en accélérant un peu plus rapidement et son kañv survola de nouveau les broussailles de la région. Il n'y avait pas le moindre arbre en vue sur des lieues à la ronde, seulement des broussailles plutôt bien fournies.

Elle écoutait d'une oreille Erwan commenter certains points sur sa carte, surveillant son altitude et faisant attention aux vibrations du kañv. Elle échangea quelques paroles pendant une bonne demi-heure, répondant aux questions qu'il s'ingéniait à trouver pour s'assurer qu'elle avait bien retenu ce qu'il lui avait appris les jours précédents.

Les broussailles avaient laissé place à d'innombrables pentes herbeuses qui devaient être le paradis des hardes de dorkis sauvages, des zones de nidifications pour des oiseaux qui ne devaient pas manquer d'insectes à dévorer.

Malgré un air plus sec, cette région était giboyeuse, c'était certain. Ils finirent par survoler ce qui ne pouvait être que des pistes tracées par le passage répété de convois, de cavaliers depuis des temps très anciens.

Le 341 ne semblait pas avoir de soucis avec l'altitude. L'appareillage d'Erwan indiquait qu'ils se trouvaient à plus de trois cent cinquante ménèz au-dessus du niveau de la mer, qu'Erwan avait affirmé se trouver à zéro, et Tranit survolait les pentes quarante toises plus haut.

Les pentes s'effacèrent pour laisser place à un vaste plateau très allongé sur lequel la jeune femme aperçut plusieurs feux : des bivouacs avaient été installés.

Erwan lui demanda de ralentir et ordonna à un enseigne de prévenir au TOP.

Tranit resta presque immobile dans les airs avant qu'un enseigne donnât une série de codes. Erwan tapota le bras de Tranit.

— Avance doucement en restant à cette hauteur, il y a sans doute des patrouilles d'archers dans les environs. On va se trouver un petit monticule d'où on pourra converser avec Awèl. Il sait que nous sommes là.

Tranit suivit les indications d'Erwan et s'approcha encore d'une lieue des feux de camp. Erwan examina quelques petits reliefs et en choisit un qui semblait offrir le champ de vision le plus dégagé.

Il y avait en tout cas assez d'espace pour poser le kañv et camper autour. Tranit s'y posa sans difficulté et Erwan ordonna à son escorte de monter un TOP pour communiquer plus longuement avec Awèl. Il fut exaucé en quelques minutes, alors que Tranit n'avait même pas terminé d'inspecter son appareil.

Elle trouva Erwan assis sur un siège pliant et dictant un message à envoyer au camp non loin d'eux. Quatre mousquetaires patrouillaient autour du 341, carabine à l'épaule, leurs casaques bleues, qui recouvraient un uniforme TTA comme le sien, voletant dans la légère bise de cette fin d'après-midi. Deux autres s'ingéniaient à préparer des boissons chaudes à l'aide d'un réchaud à quartz et les deux derniers servaient au TOP.

Tranit accepta un bâtonnet à fumer et une tasse de chicorée pour faire passer le temps. Elle ne sentait plus la fatigue et réalisa que pendant tout le temps du vol elle ne s'était pas le moins du monde inquiétée pour Adacie et Suwane ni tracassée pour ce qui s'était passé avec le fauconnier blessé capturé, comprenant qu'Erwan s'obligeait à toutes ces activités pour ne pas s'inquiéter lui aussi.

Vingt minutes plus tard, une troupe de cavaliers au grand galop fut aperçue. Une douzaine de cavaliers brandissant des étendards variés. Erwan fit déployer le sien et ordonna de préparer un large pot de lait de noisette renforcé de quelques gouttes d'eau de vie. Leurs visiteurs apprécieraient sûrement.

***

Merci pour votre lecture.

Si vous avez aimé, m'offrir un petit vote serait fort sympa.

Vos avis, vos commentaires sont toujours les bienvenus.

Vixii

Les Larmes de Tranit - 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant