Alaman demeura sans voix. Ce n'était pas possible. Tout ceci n'était qu'une vaste blague. Pourtant des images confuses remontaient peu à peu dans son esprit chamboulé. Lisbeth dans une robe bleu saphir venant se coller contre lui, les mots mielleux qu'il avait susurré, les baisers de plus en plus langoureux, le moment où il l'avait mené jusqu'à sa chambre et ce qui avait suivi. Mais qu'avait-il fait ?! Il avait couché avec la fille du roi, une femme fiancée ! C'était contraire à ses principes !
- Je ne voulais pas t'embarrasser avec cette histoire mais je ne supportais plus de te voir faire comme si rien ne s'était produit. Je croyais sincèrement que tu le faisais exprès mais je me trompais. Tu étais plus alcoolisé que ce que je pensais. Navrée si je t'ai causé du souci.
Son poids et sa chaleur s'envolèrent brutalement alors qu'elle se relevait pour se glisser dans son bain, comme si de rien n'était. Le cœur d'Alaman cognait dans sa poitrine à en faire mal. Cela remontait à des mois mais il reprenait cette soirée en pleine face. Des tas de détails qu'il aurait préféré bannir à jamais de sa mémoire revenaient à toute allure.
- Je...Je suis...Vraiment désolé, bafouilla t-il.
- Tu n'as pas à l'être. C'était une excellente soirée, dit Lisbeth sans se départir de son calme. Tu ne dois pas t'en vouloir.
- Ne pas m'en vouloir ? Et si quelqu'un l'apprenait ?
- Tu n'auras qu'à dire que tu étais ivre et que je me suis jetée sur toi. La faute retombera sur moi et ça n'étonnera personne.
- Tu veux que jet'accuse ? s'offusqua le rouquin.
- Et pourquoi pas ? Nous nous détestons alors ça ne devrait pas te poser de cas de conscience, déclara t-elle.
- Je ne te déteste pas, c'est toi qui est insupportable ! s'offusqua Alaman.
- Alors accuse-moi si quelqu'un découvre notre honteux petit secret à propos de cette nuit.
Le honteux petit secret n'avait pas l'air de la gêner. Elle l'évoquait comme on parle de la pluie et du beau temps, sans émotion particulière. Alaman se mordit l'intérieur de la joue en levant les yeux au ciel. Que les dieux primordiaux le pardonnent ! Il n'avait vraiment pas voulu, vraiment pas ! Et pourtant ce qui était fait était fait...Mais quel crétin ! Il se promit d'apprendre à se modérer en soirée pour ne plus jamais refaire de telles erreurs.
Il tourna la tête quand Lisbeth sortit du bain pour ne plus la voir. Il eut envie de se faire tout petit et de disparaître sous terre. Il ne prononça plus un mot du reste de la soirée et se plongea dans la contemplation fascinante du plafond. Il sursauta à chaque bruit que faisait la princesse d'Alembras. Quand elle s'allongea à côté de lui, il se surprit en train de retenir sa respiration. Il n'osa pas fermer l'œil de la soirée, trop préoccupé par le souvenir de sa fête d'adoubement et la présence de Lisbeth à quelques centimètres.
Comme il aurait aimé s'en aller dès maintenant, prendre le large et ne plus jamais croiser la route de la jeune femme ! Il fit semblant de dormir quand elle se réveilla et attendit qu'elle quitte la chambre pour se redresser. Son corps demeurait un peu raide au niveau du dos et des cuisses mais il avait presque regagné toute sa mobilité.
Il se leva en s'aidant du lit pour se mettre debout. Il vacilla mais se stabilisa rapidement en poussant un soupir de soulagement. C'était déjà un grand progrès. Il se dirigea tant bien que mal vers le pot d'aisance pour vider sa vessie. Pas besoin de Brazidas cette fois-ci, quel bonheur ! Il considéra cela comme une victoire personnelle.
Firenza, nous partons cette nuit !
Tu penses vraiment ? demanda sa jumelle. Tu vas tenir sur mon dos sans glisser jusqu'à ce que nous reprenions les selles ?
Oui. Sans problème. Je veux quitter cet endroit au plus tôt. Alembras me manque et les autres aussi.
Tu n'es pas le seul. J'ai hâte de pouvoir manger à nouveau avec eux autour de la grande table.
Et de retrouver Byron, la taquina Alaman.
C'est vrai. Il me manque, dit-elle d'un ton doux et attristé. J'espère qu'il ne sera pas en exploration quand nous regagnerons le château.
On dirait que c'est le grand amour entre vous.
Depuis quand ça t'intéresse ? s'étonna sa sœur.
Alaman haussa les épaules. C'est vrai qu'il ne questionnait pas sa jumelle au sujet de sa relation avec le jeune rat de bibliothèque blond dont elle s'était entiché il y a plusieurs années. Il préférait rester en dehors de cette relation. De toute manière, Byron et Firenza formaient un couple très discret. On les voyait rarement se tenir la main ou s'embrasser en public.
Était-ce parce que sa sœur était une dragonne et qu'une relation charnelle l'intéressait moins que les humains ou parce que Byron était fils de noble et qu'il préférait éviter qu'on le voit en compagnie d'une jeune femme sans famille ou prestige ?
Je n'ai pas le droit de questionner mon adorable sœur pour savoir si elle est heureuse ?
Si mais d'ordinaire tu évites le sujet.
C'est faux ! se vexa t-il.
Je t'assure que si. Dès que je veux te demander un conseil concernant mon couple, tu changes de sujet ou tu prétextes avoir autre chose à faire.
Alaman grimaça.Dans le fond, elle n'avait pas tort. Jouer le conseiller l'embarrassait. Lui et l'amour, ce n'était pas simple. Il se contentait de séduire des femmes et de coucher avec elles, rien de plus. Il n'y avait pas de sentiments derrière, rien que du désir.
Pour sa jumelle c'était l'inverse. Les dragons ne ressentaient pas les choses comme les Hommes. Le désir de reproduction ne guidait pas leurs actes et ne les forçait pas à engendrer des enfants. S'ils s'attachaient c'était avant tout sentimentalement et par amour pour un esprit plus que pour un corps. C'est ce qu'Alaman ne comprenait pas. Lui ignorait comment aimer.
Désolé de donner cet impression. Ce n'est pas parce que je ne m'intéresse pas à toi et à Byron, c'est juste que...Tu n'as pas de conseils à recevoir de quelqu'un comme moi. Si tu es encore avec lui à l'heure où nous parlons, c'est que tu n'as pas besoin d'aide extérieure.
Sa dragonne rit mentalement.
A vrai dire ce n'est pas vraiment pour des questions de vie de couple mais pour des aspects plus intimes. Tu sais, la reproduction.
Il se frappa le front du plat de la main. De mieux en mieux ! Après Lisbeth voilà que sa sœur s'y mettait aussi pour le gêner !
Évitons de parler de ce genre de choses à l'avenir, dit-il.
Quelque chose ne va pas ? Tu es bizarre aujourd'hui.
C'est parce que j'ai hâte de quitter les plaines gelées. Elles me rendent fou.
Sa sœur le rassura et il soupira de soulagement. Un sujet embarrassant évité de justesse ! Il étirait son corps encore engourdi quand des pas raisonnèrent dans les escaliers. Il s'apprêtait à battre en retraite, croyant qu'il s'agissait de Lisbeth. Mais ce n'était pas le cas.
Il sursauta quand une rouquine débarqua dans la chambre. Une rouquine qui avait le même visage que sa mère avec trente ans de moins. Cependant cette jeune fille possédait un regard noir pétillant de vitalité et de curiosité, pas froid et menaçant comme celui de la chef des Valseryes. Des tâches de rousseurs parsemaient son visage aux joues rosées et un sourire malicieux étiraient ses lèvres bien plus épaisses que celles de la mère d'Alaman. Elle passa une main dans ses cheveux roux dont une partie seulement étaient remontés en un petit chignon tandis que le reste flottaient librement jusqu'à ses épaules. Petite et frêle, elle portait des habits de chasse épais et chauds ainsi qu'un sac imposant sur le dos. Alaman lui donna quinze ans, tout au plus.
- Salut ! s'exclama t-elle sans perdre son sourire.
- Qui êtes-vous ? l'interrogea t-il avec méfiance.
- Pas d'inquiétude, je viens en amie ! dit-elle en levant les mains en l'air. On dirait que tu vas bien, c'est chouette.
- Qui êtes-vous ? répéta t-il.
Elle tira la chaise et s'installa dessus après avoir quitté son sac qui semblait peser une tonne.
- Bien, faisons rapidement les présentations, je n'ai pas beaucoup de temps. Moi c'est Alya. Je suis ta petite sœur.
- Ah, dit-il en clignant bêtement des yeux.
- Je m'attendais à une réponse plus spirituelle, déclara t-elle en observant les lieux. C'est donc ça une chambre nuptiale ? Rien de très transcendant.
- Une petite seconde...Tu es ma sœur ?! Comment ? Quel âge est-ce que tu as ?
- Oh que oui, je suis bel et bien ta sœur. Je suis venue au monde grâce à l''union de père et mère lors d'une soirée où elle avait certainement besoin de passer ses nerfs sur lui. J'ai fêté mes dix-sept ans il y a peu.
Elle se leva en coup de vent et examina Alaman des pieds à la tête en tournant autour de lui. Ce dernier fit un rapide calcul. Il avait fui à huit ans. Si Alya disait vrai, elle n'avait que cinq ans à cette époque.
Il ne s'étonna pas de ne jamais l'avoir rencontré. Il vivait avec les autres garçons de son âge dans une grande salle souterraine d'où il ne parvenait à sortir que pour fuguer. De plus, les petites Valseryes entamaient leur entraînement militaire dès l'âge de quatre ans jusqu'à leur quinze ans où elles devenaient officiellement des guerrières, après avoir réussi le rite de passage à l'âge adulte.
Il se sentit déstabilisé par cette énième nouvelle et examina sa petite sœur avec plus d'attention. Il peinait à croire qu'ils étaient de la même famille même si leurs ressemblances physiques ne laissaient aucun doute. Il ignorait comment réagir. Devait-il lui dire un mot gentil ? Ou au contraire se méfier ? Elle avait été élevé comme les Valseryes, en tant que fille de la chef et donc future meneuse des guerrière du nord. Pourtant la vivacité de son regard et son sourire authentique conférait un air amical et plein de vie à la jeune fille. Elle avisa le lit et s'exclama :
- Il est gigantesque !
Elle se jeta dessus en éclatant de rire et s'amusa à rebondir dessus comme une enfant.
- Qu'est-ce que tu viens faire ici ? demanda Alaman.
- Faire la connaissance de mon frère évidemment ! Et aussi fouiller un peu. Tu es comme je l'imaginais, quoique un peu moins grand. Tu vas bientôt repartir ?
- Tu imagines vraiment que je vais rester ?
Elle fit la grimace et dit d'un ton déçu :
- Moi qui voulais parler des heures avec toi...Est-ce que la dragonne rouge qui passe son temps à rôder dans les environs est une amie à toi ?
- C'est ma sœur d'âme, répondit-il en s'adossant contre un mur car les muscles de ses jambes commençaient à fatiguer.
- Tu es lié à un dragon ? Et en plus tu viens d'Alembras...Donc tu es un chevalier dragon ? l'interrogea t-elle en tapant dans ses mains avec enthousiasme.
- Comment tu sais tout ça toi ? s'étonna Alaman.
- On me l'a dit,dit-elle mystérieusement avec un clin d'œil. J'adore être bien renseignée.
Bien renseignée ? Il s'agissait d'un secret d'état ! Peu de gens étaient au courant ! Uniquement les dirigeants des royaumes et une poignée de chanceux. Comment une enfant qui vivait dans les confins du nord pouvait savoir cela ? Alya sourit en le voyant réfléchir et expliqua :
- Quelqu'un de haut placé m'a révélé ce petit secret. Où est-ce que tu as voyagé sur le continent ?
Son brusque changement de sujet déstabilisa Alaman qui ne savait plus où donner de la tête. Il entreprit de décrire ses pérégrinations à travers les royaumes à sa jeune sœur qui écouta en buvant ses paroles, des étoiles dans les yeux. A la fin de son récit, qu'il avait relaté aussi rapidement que possible, elle soupira.
- Tant de choses à voir, à découvrir et à comprendre...Je n'aurais jamais le temps si je passe ma vie à moisir ici...Enfin, ça ne devrait pas durer longtemps.
- Comment ça ? Tu n'aimes pas ta vie ici ?
- Si mais je suis lassée du nord. Je sais déjà tout sur tout. J'ai étudié toutes les formes de vie animales et végétales, les us et coutumes, les traditions, l'histoire, la religion...J'ai besoin d'élargir mes horizons et d'engranger de nouvelles connaissances à propos de cette vaste terre qu'est Amaris !
- Tu veux quitter la tribu ? Renoncer à ta place de chef ? l'interrogea Alaman, stupéfait.
- Cet endroit ne deviendra pas une entrave pour moi et je me fiche des titres et de la gloire. Je veux en voir plus. Les phoques, la neige, les caribous, les orques, la glace, les sapins...J'en ai assez soupé du nord ! De toute façon je vais bientôt partir.
Alaman s'amusa malgré lui de la voir si déterminée avec des opinions si nettes pour son jeune âge. Elle était aussi butée que lui ! Cette constatation le fit doucement sourire. Voilà qu'il commençait à s'attacher à une sœur qu'il connaissait depuis moins d'une heure, à une Valserye !
- La prochaine fois que des étrangers poseront le pied sur nos terres, je partirais avec eux !
- Et pourquoi pas avec nous ?
- C'est tentant mais ce n'est pas le moment, déclara t-elle d'un ton sans appel.
Il se demanda d'où lui venait cette conviction mais avant qu'il formule la question, elle ouvrit son sac et entreprit de fouiller dedans. Elle en tira, après cinq minutes de recherches intenses durant lesquelles une multitude d'objets se cognèrent les uns aux autres, un petit pot en bois et un vieux carnet à la couverture amochée.
- J'ai deux cadeaux pour mon grand frère, dit-elle en les agitant. Tu vas adorer le premier !
Elle ouvrit le pot, dévoilant une substance verte visqueuse qui n'inspira pas confiance à Alaman.
- Goûte, ordonna t-elle.
Alaman n'en fit rien et se contenta de fixer le récipient avec méfiance. Plus jamais il ne toucherait à une préparation des Valseryes. Alya leva les yeux au ciel en secouant la tête, plongea son doigt dans le mélange et le porta à sa bouche. Elle l'avala et écarta les bras en criant :
- Tadam ! Je suis toujours vivante ! Ce n'est pas du poison, tu peux me faire confiance.
Il hésita puis céda, mit en confiance par la démonstration de la jeune fille. Le mélange avait une saveur d'herbe légèrement salée, rien de répugnant. L'effet de la préparation ne se fit pas attendre et ses muscles encore partiellement paralysés le picotèrent et se détendirent un à un. Il bougea son corps avec stupéfaction. Il sauta, fit un tour sur lui-même et termina par une roue. Ses membres réagissaient à la moindres de ses sollicitations, parfaitement rétablis.
- Tu m'as guéri ! s'exclama t-il.
- Remercie plutôt mon invention ! Je l'ai surnommé «remède contre la domination abusive». C'est un peu long comme nom mais il convient à merveille. Tu es le second à l'expérimenter. La première fois je l'ai testé sur moi !
- Sur toi ? Quelqu'un t'a drogué avec le baiser de la quiétude ?
Il était surpris. Cette drogue était destinée aux hommes et seulement aux hommes. Jamais les Valseryes ne l'utilisaient sur une de leurs guerrières.
- Je me suis piquée moi-même, déclara Alya avec fierté. Puis j'ai vite avalé mon petit mélange. Après dix minutes de paralysie, j'ai retrouvé le contrôle de mon corps. Un franc succès ! Tiens, je te fais cadeau de ce pot !
- C'est très gentil...
Alaman commençait à se demander si sa sœur était bel et bien une Valserye dans l'âme. Elle en avait le physique mais pour ce qui était de la personnalité...Toujours aussi enthousiaste, elle lui tendit le vieux carnet.
- Et voici ton second cadeau ! Il contient mes notes sur la façon dont préparer ce remède mais aussi des données sur la faune et la flore du nord, ainsi que sur les phénomènes météorologiques comme les aurores boréales. J'espère qu'il t'intéressera ! J'ai même fait des dessins d'observations !
Il accepta avec un sourire crispé et se risqua à dire :
- Je ne sais pas lire.
Sa sœur n'afficha aucune surprise, comme si la nouvelle ne l'étonnait pas le moins du monde.
- Je sais bien. Aucun des hommes de notre famille n'en est capable. C'est pour ça que je l'ai rédigé dans la langue primordiale, celle dont dérive toutes les langues qui se parlent sur Amaris de nos jours et qui a été oubliée depuis des centaines d'années. Du moins, pas par tout le monde.
- C'est gentil mais si je ne sais pas lire l'écriture commune j'ai encore moins de chance de comprendre un texte en langue primordiale, dit Alaman avec perplexité.
- Essaie pour voir, l'encouragea t-elle avec un regard malicieux.
Il ouvrit le petit carnet en se préparant déjà voir les lettres bouger devant lui. Il écarquilla les yeux en découvrant que les caractères étalés sur les pages restaient parfaitement immobiles mais, surtout, qu'il les comprenait.
- Les aurores boréales ne sont pas causées comme on le croit à tort par l'envol des esprits vers le monde des morts mais par les forts rayonnements solaires qui parviennent à atteindre une hauteur spécifique du ciel en entrant en contact avec des éléments invisibles à l'œil nu qu'ils stimulent et rendent visibles dans le ciel nocturne, lu t-il avec fascination.
Il ne comprenait rien à cette explication sur ce phénomène mais les mots prenaient un sens sous ses yeux et provoquaient des images dans son esprit.
- J'arrive à lire ! cria t-il. Comment ? Pourquoi ?
- Parce que notre famille descend d'un fils de Libraca. Tous les hommes de notre lignée héritent du don de lire ses symboles aussi naturellement que de respirer, sans avoir besoin d'apprentissage. Chanceux ! Moi il m'a fallu trois ans !
- Pourquoi ne pas rédiger ton carnet dans l'écriture nordique ?
- Pour que mère puisse le lire ? Hors de question ! Et puis je comptais te l'offrir alors j'ai tenu à ce que tu puisses en profiter. Il y a trop peu d'ouvrages dans la langue primordiale de nos jours. Prend-le avec toi.
Il considéra sa sœur d'un œil nouveau. Ce n'était pas une guerrière impitoyable comme leur mère mais une petite savante avide d'en apprendre plus sur le monde. Il regretta presque de ne pas pouvoir la ramener au château des gardes avec lui. Elle se serait épanouie au sein de la garde des explorateurs. Elle renfila son sac à dos, déposa un baiser sur la joue de son frère et dit avec enthousiasme :
- Au revoir Alaman. Nos routes se recroiseront bientôt. Fais attention à toi !
- Attends ! Où est-ce que tu vas ?
- Prier dans le temple de Libraca. Je ne dois pas m'attarder, la relève des gardiennes va avoir lieu et je veux me faufiler avant qu'on me remarque. Ne t'inquiète pas, nous aurons l'occasion de parler à nouveau dans un futur qui approche à grands pas !
Elle déguerpit sur cette prédiction qu'elle affirmait avec certitude. Alaman se retrouva planté au milieu de la pièce avec un pot de remède contre la domination abusive dans une main et un carnet en langue primordiale dans l'autre.
Il s'attendait presque à la voir revenir mais la petite rouquine ne fit pas demi-tour. Il rangea précieusement ses cadeaux dans son sac de voyage en se promettant d'en faire à son tour à Alya. Il s'assit sur la chaise qu'elle occupait plus tôt et dit à Firenza :
J'ai une petite sœur.
Pardon ? Tu as pris un coup sur la tête ?
Il résuma la situation et la conversation surréalistes à sa jumelle. Cette dernière semblait heureuse pour lui mais aussi un peu jalouse. Il s'empressa de la rassurer :
Elle est aussi un peu la tienne Firenza. Elle est de notre famille.
Elle partage ton sang et moi pas. Vous avez des parents en commun et nous pas.
Tu sais très bien ce que je pense des liens du sang. Je compose ma famille selon les liens du cœur. A mes yeux tous les chevaliers dragons sont mes frères et sœurs. Et toi tu es privilégiée car tu es ma jumelle. Mon double, en mieux évidemment.
Sa sœur rit et déclara :
Flatteur !
Rassuré qu'elle soit apaisée il continua de plaisanter pour lui changer les idées, jusqu'à l'arrivée de Lisbeth. En l'entendant descendre, il se jeta sur le lit et fit mine de dormir. Elle le secoua sans ménagement.
- Debout Alaman. C'est l'heure du départ.
Le cœur du jeune homme explosa de joie. Enfin ! Il n'en pouvait plus d'attendre ! Il bondit sur ses pieds, enfila des affaires chaudes, ses bottes et passa son sac sur son dos.
- Qu'est-ce qu'on attend pour y aller ?
Il fila avant que Lisbeth réponde. Il avait brusquement besoin de respirer de l'air frais, de sentir le vent sur son visage et de voir le ciel au-dessus de sa tête. Il grimpa les escaliers quatre à quatre et ouvrit la trappe de bois menant vers l'extérieur sans ménagement. Les guerrières en faction sursautèrent et pointèrent leur lance sur lui.
Un rugissement les coupa dans leur élan. Firenza dérapa dans la neige face à elles, les crocs dehors. Les deux Valseryes retournèrent à leur poste, livides. Alaman se rua vers sa jumelle en hurlant :
- Firenza !
- Alaman !
Il lui sauta au cou et elle rugit de bonheur. Elle semblait en bonne santé, ce qui le rassura. Comme elle lui avait manqué ! Savoir qu'elle était au-dessus de lui sans pouvoir la rejoindre avait été éprouvant. Brazidas les rejoignit et Alaman le salua poliment.
- Content de voir que tu es de nouveau sur pieds, dit le dragon de feu.
- Et surtout prêt à prendre la route ! Qu'est-ce que nous faisons encore au sol ?
Il grimpa sur le dos de sa jumelle, aussi impatiente que lui. Lisbeth arriva à son tour et prit place sur Brazidas.
- Tu ne veux pas saluer ta mère ? demanda Firenza.
- Et puis quoi encore ? Embrasser Silfrid ? Non merci, je me porte mieux sans elles !
La dragonne de feu étendit les ailes et se propulsa dans les airs après une forte poussée. Alaman s'agrippa à elle de toutes ses forces et poussa un hurlement de bonheur, content d'avoir pleinement le contrôle de son corps et de retrouver sa liberté chérie. Il inspira l'air glacé à pleins poumons, à s'en faire tourner la tête. Ils mirent le cap vers le sud en laissant les Valseryes derrière eux, pour se diriger vers leur foyer et signer la fin de cette mission.
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Chevalier dragon, Tome 2 : Aux confins du monde
FantasyAymeric est à présent un chevalier dragon. Lui et ses compagnons doivent endosser leurs responsabilités et effectuer leur première mission : une visite diplomatique au royaume des dragons. Mais la mission prend une tournure inattendue et une suite d...