Chapitre 15 : Welkando

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Malgré le nombre écrasant d'ennemis, ses compagnons ne refusèrent pas. Aymeric n'attendit pas que Césaire donne l'offensive. Il ne laisserait pas le soldat sylphe mener la danse. Il s'élança d'un pas vif et franchit le temps de trois battements de cœur les mètres que le séparait de ses adversaires. Il envoya un coup de pied puissant à un garde qui se retrouva projeté vers l'arrière et bouscula trois de ses camarades dans sa chute. Il se saisit de la lance d'une autre et la lui arracha des mains. Désormais ses deux mains étaient armées. Avec la lance il repoussait ceux qui tentaient de venir vers lui. Avec l'épée il tranchait le manche de bois des armes des gardes. Surpris par son ardeur les sylphes reculèrent, soudainement moins confiants. Il leur lança un regard noir qui traduisait bien son envie de les punir pour l'enlèvement de Lysange.
Zacharie etAlaman vinrent lui prêter main forte tandis que Lisbeth assurait leurs arrières. Du moins c'est ce qu'il espérait. Si le rouquin privilégiait une épée à deux mains, le chevalier dragon originaire du désert préférait les poignards. Il en tenait un danschaque main et Aymeric savait qu'il en cachait cinq autres sur lui.Il en avait toujours sept dans son équipement quand ils partaient en mission, considérant ce chiffre comme porte-bonheur.
Ils attaquèrent en même temps, l'un à droite et l'autre à gauche. La technique d'Alaman, qui consistait à trancher tout ce qui se présentait à lui, contrastait avec celle de Zacharie qui se glissait avec souplesse jusqu'à l'ennemi pour lui donner un coup précis. Aymeric remarqua que, comme lui, ses compagnons ne cherchaient pas à donner la mort mais à assommer ou empêcher leur adversaire de combattre. Soudain, Zacharie infligea une plaie superficielle à l'un des gardes. En plus de pousser un hurlement strident qui n'avait rien d'humain, le sang qui se déversa de sa plaie était d'un brun noirâtre épais. Les chevaliers dragons échangèrent des regards surpris.
- Rassure-moi, Lysange saigne comme nous ? l'interrogea Alaman en reculant d'un pas pour éviter la pointe d'une lance.
- Bien entendu ! s'offusqua Aymeric en enfonçant son coude dans le ventre d'un garde et en frappant un autre en plein visage du plat de son épée. Tu l'as bien vu lors des entraînements !
- Ce ne sont pas des sylphes ! cria Zacharie en saisissant le garde le plus proche.
Il plaça une de ses lames sous la gorge de son captif et la lui trancha sans la moindre hésitation. Le mort s'affaissa en répandant du sang sombre autour de lui. Il émit un gargouillis et rendit son dernier souffle. C'est alors que son apparence de garde sylphe changea du tout au tout. Sa peau et ses vêtements ondulèrent puis se transformèrent avec des craquements sinistres.
Sa peau pâle se teinta en violet sombre luisant et devint dure. Ses yeux clairs gonflèrent et sortirent presque de leurs orbites en se couvrant d'une multitude de facettes, comme ceux des mouches. Sa bouche se mua en une paire de mandibules acérées faites pour découper la chair. Son corps et ses membres s'allongèrent tandis qu'un de ses doigts disparaissaient et que des griffes poussaient au bout de ses ongles. Une épaisse crinière noire aux reflets violets partant du haut de son crâne jusqu'au bas de son dos fit son apparition à la place de la chevelure blanche des sylphes.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?! hurla Alaman en reculant encore.
-Welkando...chuchota Zacharie en portant son poing à son front en guise de protection. Un démon du désert !
- Que fout un démon du désert chez les sylphes ? Et depuis quand vous avez ce genre de bestioles chez vous ?! demanda le rouquin en transperçant sans état d'âme un ennemi qui se transforma comme le précédent.
- Je l'ignore. Chez nous ils sont rares, nous n'en trouvons qu'à la limite des terres brûlées. Je n'en avais jamais vu autant...
- Que sais-tu sur eux ? l'interrogea Aymeric en embrochant un démon du désert avec sa lance.
- Peu de choses. Je n'en ai jamais affronté auparavant mais on les dit dangereux car ils peuvent prendre l'apparence des Hommes. Ils naissent d'œufs qui ont la taille d'un poing et se développent rapidement. En moins d'une semaine ils atteignent leur taille adulte et sont prêts à chasser. Ceux que nous avons en face de nous sont tous des mâles.
- Comment est-ce que tu peux en être sûr ? s'enquit Lisbeth en précipitant un adversaire dans le vide.
- Parce qu'ils sont les seuls à chasser pour nourrir les rares femelles de leur espèce : les reines. Une reine est à la tête d'une colonie. C'est elle qui pond les œufs et surveille les réserves de nourriture. Elle est dix fois plus grosses qu'eux et souvent bien cachée. Elle contrôle sa progéniture à distance pour leur donner les directives à adopter selon les situations. Tuer la reine c'est mettre fin à une colonie : les autres sont dépendants d'elle.
- Génial, grogna la princesse d'Alembras en décapitant un faux garde. Il ne reste qu'à la trouver ! Un jeu d'enfant dans cet arbre gigantesque !
Aymeric s'exclama :
- Le tronc de l'arbre originel !
Tous se figèrent à ces mots, alliés comme ennemis.
- C'est là que Lysange a été emmenée selon Ourania et je mettrais ma main à couper qu'elle a rejoint le garde-manger de ces monstres. Et s'il y a de la nourriture...
- Il y a aussi la reine, compléta Zacharie.
- Mais comment entrer dans le tronc ? Nous ignorons le chemin, intervint Alaman. Sans parler de ça.

Chevalier dragon, Tome 2 : Aux confins du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant