35 | Le corps émouvant

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Point de vue Cayden

À travers ses gestes, son corps pleurait. Les larmes de son amertume inondaient l'esquisse d'un sourire faussé.


Affalé sur le siège, je laisse mon regard ardent s'évader à travers la salle. Elle est faiblement éclairée, laissant seulement apercevoir l'ombre de ceux qui se déplacent. Autour de moi, les murmures se font plus nombreux. Face au rideau tiré, les spectateurs laissent la patience disparaître et ne le cachent aucunement. Mes doigts tapotent frénétiquement l'accoudoir.

— Elle s'appelle comment, déjà ?

À ma droite, mon père se penche vers moi et me sourit. Son expression amusée m'interpelle.

— Papa tu exagères, ricane Nelson.

Mon frère, revenu de Portland pour le weekend comme il me l'avait promis, s'incline vers l'avant de façon à nous faire face. Ses cheveux de jais s'échouent sauvagement sur son front tandis que ses lèvres s'étirent en un rictus provocateur.

— Je le taquine, réplique mon père. Comment pourrai-je oublier le prénom de cette jeune fille ?

Son regard en coin cherche le mien, il espère une quelconque réaction de ma part. Nelson et lui échangent un regard complice. Ma mère, jusque là muette, presse l'épaule de mon père en souriant tendrement.

— Avery va être époustouflante sur cette scène, j'en suis certaine. 

Ces seuls propos suffisent à réveiller le trouble qui sommeille en moi.

— Elle l'est, crois-moi.

En un instant, tous les trois me couvent d'un regard attendri et je comprends que les mots se sont échappés un peu trop vite. Nelson m'ébouriffe les cheveux en déclarant d'une voix animée tout en fixant mes parents :

— Préparez-vous à avoir une deuxième belle-fille.

Mon souffle se coupe. Les paroles semblent résonner en moi pendant de longues secondes avant que je ne prenne conscience de l'ampleur qu'elle représente. Égaré par les paroles de mon frère, je le laisse glousser dans son coin. Le regard de mon père s'emplit fièrement d'un éclat radieux, rapidement imité par ma mère. Je sais ce qu'ils pensent. Persuadés qu'Avery est entrain de m'aider à tourner la page, ils s'égayent. Mais ils ignorent invraisemblablement que les fragments qui sommeillent en moi ne sont pas encore décidés à cicatriser.

Avery parvient brillamment à dissimuler les sombres souvenirs qui me rappellent Mallory. Seulement, dissimuler ne veut pas dire faire disparaître. Les étoiles considèrent des milliers d'années comme une battement de cil, un mouvement infime pour une si longue durée. Mallory est cette étoile, emprisonnée par l'éternité d'une vie absorbée. Tant qu'elle continue à éclairer ceux qui lui sont cher, je ne peux me résoudre à l'abandonner. Sa luisance est ancrée à moi, destinée à me suivre sur une bien longue route.

De son côté, Avery tente de s'immiscer entre les émotions que ma meilleure amie m'a laissées avant de partir. Même si elle l'ignore encore, Avery aura un jour une place importante aux côtés de Mallory, si ce n'est déjà fait.

— Cayden ?

Le coude de Nelson percute mon bras avec violence. La réalité s'offre malheureusement à moi.

Sous Nos ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant