4 | Il séduisait les étoiles

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Point de vue Cayden

Je suis ce trou noir qui attire les étoiles comme elle. 


Quand on a toutes les solitudes à la fois, de l'esprit, de la conscience, du cœur, des sens, quand on n'a pas un confident à qui déverser toute son âme, pas un être avec qui l'on ose pleurer, ou qui puisse vous donner de la force et du courage ; quand, par délicatesse ou générosité, ou sagesse, il faut toujours se contenir, se taire, se réserver, on n'est possédé que par une chose. L'espoir de le trouver, celui ou celle qui refera vivre son plus ancien sourire.

J'essaye, je cherche depuis des années. Mais actuellement, je me sens loin, très loin du but.

— Cayden ? Merci pour hier.

Je me retourne à la hâte en reconnaissant automatiquement la voix d'Emy. De sa petite taille, je l'observe dans toute sa splendeur et souris de plus belle quand ses joues virent rapidement au rouge. Il y a quelque chose d'étrange chez cette fille qui m'attire, à chaque fois que je la vois, j'ai envie de l'enlacer. Cette sensation, je la connais, un peu trop même...

— Ne me remercie pas, j'ai juste donné mon avis, rien de plus, j'argumente en souriant.

Un long silence s'installe pendant qu'Emy semble analyser ma réponse. Il faut avouer que ma voix sonne terriblement faux. En plus de ça, Hunter ne cesse de me jeter des regards pleins de sous-entendus. Mon ami pense que je suis comme lui, quelqu'un qui ne vit que pour un soir et se saoule jusqu'à s'en vider les tripes, malheureusement il se trompe sur toute la ligne. Je n'aime pas la façon dont il abandonne les filles comme si elles n'étaient que de vulgaires jouets. Je cherche à être un homme respectable qui ne joue pas sur plusieurs tableaux. Contrairement à moi, Hunter se sert de son humour pour appâter. Il n'a pas forcément confiance en lui alors il a cultivé tout un art du second degré, de l'humour froid voire de l'ironie. Il taille et se confronte aux autres en étant blessant.

— Si tu le dis...

Emy ne tarde pas à se retourner pour continuer sa discussion avec Wren. Il m'arrive de me demander comment un fauve cruel comme celle-ci peut bien rester avec une fille aussi fragile. Mais malgré ça, Emy n'est pas à l'aise. Elle doit certainement sentir mon regard puisqu'elle ne cesse d'enrouler frénétiquement une mèche brune autour de son index. Deux ans en arrière, j'aurais juré me retrouver face à Mallory. Je me rappelle des ses cheveux chocolat et de cette même pince qu'elle accrochait si souvent dans ses cheveux. On dit parfois que les objets de l'enfance peuvent constituer des déclencheurs nostalgiques mais pas pour moi. Je rime plutôt avec l'amour perdu. Les questions — et assez souvent les réponses — emploient des mots que l'on fait semblant de comprendre et de connaître, mais qui restent dramatiquement opaques. On veut croire que la simple répétition d'un mot aidera l'avènement de ce qu'il désigne ; ce que l'on montre, toutefois, est la pénurie du signifié, son être en voie d'extinction.

C'était la première fois, Mallory était la première. Comme toutes les premières fois dans tous les domaines, je n'avais pas de repères, je ne faisais pas de comparaison entre ici et là-bas, entre maintenant et autrefois. Mon entourage semblait alors fait de personnes aux contours flous, imprécis, parfois oubliés dans mes souvenirs. Et quand cet amour prend fin, le chagrin semble insurmontable, du moins pendant un certain temps. Avec le temps, les souvenirs se transforment et tendent à atténuer les moments désagréables au profit des instants heureux. Mon premier amour s'idéalise au fur et à mesure jusqu'à devenir une sorte d'idéal de perfection qu'on ne pourra plus jamais revivre. Comment retrouver dans la réalité la pureté d'un premier émoi ? Cela semble une impasse. Mais, j'ai survécu. Je suis remonté à la surface en la découvrant. Elle.

Sous Nos ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant