Double {Terminé}

Chapitre 48 : Michael

Le visage de la jeune femme se crispe et elle hoche fébrilement la tête au moment même où un léger bruit se fait entendre à l'autre bout de la pièce. Nous remarquons alors une porte qui ne donne pas dans le couloir mais dans une autre pièce. Manoé se lève et avance en direction de cette salle secrète avant de l'ouvrir brusquement. Une forme humaine apparait alors, recroquevillée dans un coin de ce qui doit être une salle de bain, plongée dans l'obscurité. Manoé l'attrape par le bras et le visage d'une jeune femme apparait alors, éclairé par la lumière du plafond. Elle plisse les paupières et ne résiste pas au médecin qui la traine au centre de la pièce qui semble être la chambre de cette femme. Ses yeux sont rougis, ses cheveux bruns noués en queue de cheval et elle ne porte pas de robe de soirée. Ce qui attire alors le plus mon regard c'est sa main libre qu'elle porte à son ventre légèrement rond. Je réagis instantanément lorsque Manoé pose son revolver contre la tempe de la pauvre femme enceinte :

- Attends ne la tue pas !

- C'est surement sa femme, grogne-t-il.

Sur le sol, notre supérieure a entrouvert les yeux et regarde la scène, aussi désemparée que moi.

- Et alors ? Notre mission c'est de le tuer lui, pas sa femme. Il y a déjà eu assez de victimes comme cela.

- Mais elle est aussi coupable que lui alors !

- Qu'est ce que tu en sais ? Et tu ne vas pas assassiner froidement une femme enceinte !

- Raison de plus justement, leur descendant ne verra jamais le jour.

Il ôte le cran de sureté et la jeune femme se recroqueville en jetant des regards désespérés autour d'elle et en recommençant à sangloter.

- Non Manoé tu ne peux pas...

Mais il ne m'écoute pas. J'hésite à me jeter sur lui pour lui faire lâcher son arme mais il l'aura tuée avant même que je l'ai atteint. Il s'apprête à tirer lorsqu'une voix faible l'arrête :

- Non attendez...

Je jette un regard surpris à notre chef, allongée sur le sol, mais un coup de feu retentit alors et la pauvre femme s'écroule lourdement au sol.

Je n'en crois pas mes yeux. Manoé, le médecin, mon ami, vient d'abattre une femme enceinte. Du sang s'écoule rapidement de son crâne et sa position est des plus étranges. Elle est tombée sur le ventre, ses jambes sont pliés en dessous, son bras gauche est tendu devant elle tandis que l'autre semble s'être brisé vu dans quelle position il est. Je déglutis et entends alors notre chef, toujours allongée sur le sol, étouffer un léger sanglot. Ce geste de compassion de sa part m'étonne. Elle qui semblait être sans cœur et sans pitié, montre enfin des signes de tristesse.

Manoé respire bruyamment et n'ose pas regarder le corps sans vie à ses pieds. Il la contourne, retourne s'assoir auprès de notre supérieure et demande :

- Vous pouvez marcher ?

Celle-ci hésite puis hoche fébrilement la tête. Je me précipite pour l'aider à se relever et elle pousse un gémissement atroce lorsqu'elle essaie de s'appuyer sur sa jambe gauche.

- Il va falloir nous dépêcher, ou elle ne tiendra pas longtemps.

J'ôte alors mon costume noir élégant qui recouvre ma chemise blanche et le déchire avec mes mains pour former une boule de tissu que la jeune femme presse contre sa blessure. Je passe son bras droit par-dessus mes épaules et lui attrape le poignet ainsi que la taille avec mon autre main. Sa tête lourde retombe lentement sur le côté mais elle fait le plus d'efforts possibles pour se maintenir droite.

Nous sortons de la pièce en ayant la certitude que tous nos ennemis sont morts. Nous sommes soulagés mais le désastre qui s'offre alors à nous, nous fait pâlir. Tous les soldats sont morts. Nos ennemis, et nos amis. Il n'en reste plus aucun debout. Je scrute chaque visage pour essayer de voir s'il ne reste pas au moins quelques blessés, mais tous leurs teints sont pâles, et leurs yeux vides entrouverts. Manoé me pousse en avant mais je résiste :

- Il reste peut être des blessés...

- Dis pas de conneries Michael, ils sont tous morts ici.