Chapitre 61 : Axelle

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Nous avons traversé la frontière une nouvelle fois. Mes hommes étaient quasiment tous rétablis et peu ont perdu la vie durant la traversée. Une chose m'angoisse néanmoins. Les dictateurs se passent le mot, ils renforcent tous la sécurité partout, que ce soit en ville, sur les plages ou autour du grand mur qui sépare les états. A ce rythme là, dans quelques années, il nous sera extrêmement difficile de faire le moindre fait et geste. J'ai convaincu Karl de rendre sa liberté à Michael. Il m'a promis de ne jamais me quitter, alors j'ai compris qu'il ne tenterait plus de s'enfuir.

Notre nouveau quartier général se situe dans un immeuble, plus petit que l'ancien. C'est à ces moments là que je m'inquiète pour notre organisation. Notre nombre baisse de plus en plus, et j'ai peur que nous soyons presque obligés de renoncer à cause de cela.

Après une réunion, parlant de ce problème, nous avons décidé de rester très longtemps dans cet état, afin de recruter de nouveaux membres et de les entrainer convenablement. Quelques messagers iront faire un tour autour de notre immeuble dans les vieux quartiers, pour recruter de jeunes enfants prêts à combattre pour notre cause.

Pour l'instant, je traine au rez-de-chaussée, en attendant que des informateurs reviennent. Michael se glisse près de moi, s'adossant contre le même mur que moi. Karl a refusé qu'il participe à une mission, n'ayant toujours pas assez confiance en lui.

- Raconte-moi tout Axelle s'il te plait.

- Pardon ? demandé-je.

- Ce rêve que tu as fait le soir où nous nous sommes rencontrés, qu'est ce que c'était ?

Je déglutis et les images de ce rêve ressurgissent en moi d'un seul coup, comme si je les avais mémorisées par cœur.

- C'était mon père, il était là devant moi, et il essayait de me tuer.

- Et les deux fois où tu m'as suivi, pourquoi as-tu fait cela ? continue-t-il en écoutant à peine ma réponse.

- C'était...j'hésite, c'était pour me rapprocher un peu plus de toi.

- Mais pourquoi Karl a-t-il ordonné à ses gars de t'attraper, alors qu'il savait très bien qui tu étais ?

Je ricane.

- Sacré Karl ! Soit c'était un stratagème pour ne pas que tu aie des doutes sur moi ou lui, soit il y voyait une bonne excuse pour se débarrasser de moi. Il me déteste toujours autant, depuis que j'ai pris sa place en tant que chef.

- D'ailleurs, comment est-ce arrivé ? Pourquoi l'as-tu remplacé ?

Je glisse le long du mur et mes fesses butent contre le parquet grinçant. Je sens que la discussion s'annonce longue...

- Parce qu'il était trop violent, trop sûr de lui, trop imprévisible, irréfléchi...Bref, on a commencé à en avoir marre de lui. T'étais un gosse toi à l'époque, tu dois pas trop t'en souvenir. Tu devais avoir onze ou douze ans, moi j'en avais presque seize.

- C'était surtout que je ne pouvais pas vraiment assister à vos réunions, me coupe-t-il, moi je m'entrainais sans relâche avec les « gosses » comme tu dis, de mon âge et de ma catégorie. Je ne me souviens même pas que Karl était mon supérieur, je pensais qu'il avait toujours été caché.

Je lève les yeux vers lui et il s'assoit lourdement près de moi à son tour. Il ne dit plus rien, alors je poursuis mon récit :

- Enfin... On a finit par le dégager de ce poste. Je ne sais pas si j'étais entièrement d'accord avec cette décision, sauf au moment où tout le monde a décidé que c'était moi qui devait le remplacer. Certains ont manifesté leur mécontentement, surtout Karl bien sur, car soi disant j'étais trop jeune, immature, et certains ont même donné comme argument que je n'étais « qu'une femme »... Ceux la je te jure que je ne sais même pas pourquoi nous les avons recrutés dans l'organisation.

Je soupire et attend la réaction de Michael. Il ne répond rien, et continue de poser ses questions barbantes :

- Vraiment Axelle, pourquoi est ce que tu m'as menti tout ce temps ? On aurait très bien pu s'entendre tous les deux si nous n'avions pas menti dès le début !

Je prends une grande inspiration et choisi méticuleusement les bons mots :

- Il m'arrive d'avoir peur moi aussi tu sais. Dès que je t'ai vu, à travers la vidéo de mon téléphone en train de te battre, de tendre la main à tes amis vaincus pour les aider à se relever, j'ai ressenti des sentiments nouveaux. Quelque chose, qui ressemblait vraiment à de l'amour. Alors j'ai demandé à avoir l'appartement juste en face du tien. Les semaines se sont écoulées, et tu ne me remarquais pas. J'étais horriblement déçue, et j'ai eu peur. Je pensais que si je te révélais ma véritable identité pour attirer ton attention, tu n'oserais plus m'approcher. J'ai eu peur de te perdre, peur de t'effrayer, de t'intimider. J'ai pensé à quitter le poste que l'on m'avait confié, mais il était bien trop important à mes yeux. Presque aussi important que toi. Alors j'ai essayé de penser comme une jeune femme parfaitement normale, d'agir, de réfléchir, de vivre en tant que tel. Je suis devenue une nouvelle Axelle, pour toi, pour nous. Je savais que cela ne durerait pas bien longtemps, mais je repoussais le moment fatidique à plus tard, je ne voulais pas m'en soucier. Je faisais tout mon possible pour que tu ne te doutes de rien, et j'avoue...j'avoue que ça a fini par me plaire de jouer le rôle de cette Axelle là.

Michael m'attrape soudainement par les épaules et me retourne violement vers lui.

- Alors reste cette Axelle là ! s'exclame-t-il. Ne deviens pas la femme sans cœur et sans pitié que tu prétends être ! Je te connais finalement, je sais qui tu es, et tu brûles d'envie de quitter cette vie là pour redevenir celle que tu as été avec moi pendant plusieurs mois.

Son regard flamboyant me ferait presque perdre mes moyens, mais il a tort, je ne peux pas me laisser attendrir par Michael, j'ai autre chose à faire. Je me dégage de son emprise et m'écrie :

- Laisse-moi ! Tu ne sais pas ce que j'ai enduré ! Tu crois pouvoir me faire changer d'avis avec tes belles paroles ? Mais moi j'ai un but Michael, des ambitions pour sauver le monde ! Alors maintenant ne me dis plus ce que je dois faire ou pas !

Je me renfrogne et détourne le regard. Je n'aurai peut être pas dû lui crier dessus comme cela. Mais je ne peux pas prendre le risque qu'il continue d'essayer de me faire douter. Il n'a pas l'air blessé, au contraire, il passe un bras sur mes épaules et me murmure à l'oreille :

- Je comprends Axelle, mais s'il te plait, prends le temps de réfléchir...

Je ne réponds pas et il s'écarte de moi avant de s'éloigner, en traînant les pieds.

Double {Terminé} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant