Chapitre 70 : Michael

37 8 16
                                        

- J'en ai assez de t'écouter Axelle, depuis le début, je n'ai jamais été en accord avec vos décisions. Alors si pour toi, ils doivent mourir pour ta cause, alors je ne vois pas pourquoi je ne mourrais pas avec eux en ayant tenté de les aider. Va accomplir tes sombres projets si tu le veux, mais moi je ne peux pas me résoudre à encore laisser mourir mes camarades. Karl est blessé et Manoé n'est qu'un médecin. Il est de mon devoir de les aider.

Sa réaction me surprend, je n'aurai jamais pensé qu'elle agisse ainsi. Ses genoux se dérobent et elle tombe sur le sol en amortissant sa chute avec ses mains. J'aurai pu penser qu'il ne fallait pas que je me fasse attendrir, mais sa position me met mal à l'aise, et elle a l'air d'avoir besoin d'aide.

- Qu'est ce qu'il se passe ?

J'accours et m'agenouille près d'elle. Ses mains sont posées à plat sur le sol froid et elle est assise sur ses genoux. Sa tête est penchée en direction du sol et de petites larmes viennent rebondir sur le parquet de métal.

Elle lève ses yeux baignés de larmes vers moi et s'exclame :

- Je n'ai jamais voulu tout cela ! Jamais voulu être responsable de la mort de tant de gens ! Oh Michael, combien de familles ai-je brisées ? Combien de pauvres innocents ai-je envoyés à la mort ?

J'aurai pu être bouillonnant de rage. Depuis combien de temps essayais-je de lui tenir ce genre de discours pour lui faire prendre conscience de cela ? Mais elle mesure enfin l'inconscience de ses actes, et je ne peux donc pas lui en vouloir.

- Axelle, tu peux te racheter, tu le sais.

- J'aurais dû t'écouter, depuis le début tu avais raison ! Mais comment pourrais-je me racheter ? J'en ai trop fait, je suis allée trop loin. J'ai été aveuglée par ma colère pendant des années, mais aujourd'hui, je me rends compte de l'horreur que j'aie pu semer. Je ne veux plus tuer, je ne veux plus voir des gens se faire tuer, je ne veux plus rien voir du tout. Je veux que tout redevienne comme avant. Je veux un père et une mère aimants qui me dorloteraient matin et soir. Je veux que tu restes à jamais avec moi pour me rappeler sans cesse ce qu'est la différence entre le bien et le mal. Je veux que dans toutes les radios, ils annoncent que le président est revenu, avec la démocratie, les libertés individuelles, que les usines d'armement ont disparu, que toutes les guerres ont pris fin, que la pauvreté a diminué, que les vieux quartiers sont redevenus neufs et habitables. Tout ce que je veux est impossible Michael, alors pourquoi trouves-tu encore la force de résister ?

Elle est blottie dans mes bras, les cuisses contre le sol gelé, ses larmes sur mon bras, imbibant ma combinaison noire. J'ai l'impression que rien ne peut la consoler, pourtant, les mots sortent tous seuls, comme une boite à musique dont la mélodie est restée trop longtemps enfermée dans sa boite :

- Pourquoi se rabaisser à leur niveau ? Pourquoi avons-nous pensé que tuer les dictateurs nous rendrait meilleur que ceux-ci ? Pourquoi ne pas en avoir pris conscience avant ?

- Il avait tué ma mère, ma seule famille. Il ne me restait alors plus que lui, son assassin. Quelle meilleure solution aurais-je pu trouver que de le tuer à mon tour ?

- Ne vois-tu pas que c'est une boucle infernale ? Il a tué, alors il est tué, mais qu'advient-il de celui qui l'a tué ? Doit il aussi être puni ? Non, tu aurais pu écouter ta raison et non pas ta haine et t'enfuir tout simplement. Il n'aurait pas cherché à te retrouver, je suppose qu'il n'avait que faire de son enfant qui plus est, était une fille.

Ses sanglots redoublent d'intensité, mais je ne regrette en rien mes paroles.

- Et qu'elle est alors la mentalité du tueur ? poursuis-je. Il est satisfait, fier de lui, il veut recommencer. Il ne regrette pas, non, puisqu'il avait prémédité son plan à l'avance. Il savait très bien ce qu'il allait faire, il n'a pas hésité une seule seconde, alors il recommencera.

- Qu'est ce que je dois faire pour me racheter ?

Elle a une toute petite voix. Ses yeux vitreux levés vers moi font tambouriner mon cœur si fort que je crois perdre mes mots :

- Cesse la violence Axelle, arrête cette vie là. Arrête de souffrir.

- Mais je veux souffrir ! Si c'est pour sauver mon monde !

- Et les autres ? Tu veux aussi qu'ils souffrent ? Tu veux les faire souffrir ?

C'est à ce moment que les images d'Anna et Octave viennent prendre place dans mon esprit. Je serre les dents. Non, pas maintenant ! Je ne veux pas céder à la colère maintenant, je suis sur le point de gagner, de persuader Axelle, il ne faut pas que je perde mes moyens.

Je suis sûre qu'elle y pense aussi. Elle me fuie du regard. Ma poitrine se serre tellement que j'en ai la respiration coupée. Mon ami, mon meilleur ami depuis toujours, mort prématurément, pour la cause d'Axelle. Ma gorge se noue à son tour. Le poids de mon amie sur mes bras devient soudainement trop lourd, trop pesant, et bien désagréable. J'agrippe son épaule, et laisse mes pensées vagabonder librement dans mon esprit.

Il était si jeune, il avait un si bel avenir devant lui. Il aurait pu être heureux avec Anna, il aurait pu avoir des enfants, puis des petits enfants à faire sauter sur ses vieux genoux.

Ma main se crispe sur l'épaule de mon amie, elle émet un faible gémissement. Je continue de resserrer mon étreinte. Inconsciemment, j'ai envie de lui faire mal, comme elle m'a fait mal.

Double {Terminé} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant