Double {Terminé}

Chapitre 76 : Axelle

Manoé renifle et essuie le sang qui macule son visage avec sa manche. Il dit ensuite d'une voix grave :

-         Quelques uns de nos gars ont survécu, ils nous attendent dans les voitures pour rentrer, faut partir maintenant.

Je serre les poings.

-         Je les déteste, je les déteste tous. Ils m'ont tout pris. Je leur ferais payer, à tous.

-         Axelle, minaude faiblement Michael. 

Il pense surement à notre dernière conversation. Mais moi je l'ai oubliée, j'ai tout oublié. Je ne pense plus comme avant. Un bête sauvage a pris possession de mon corps. Et la bête a faim, elle est assoiffée de sang. Ma main se crispe à nouveau sur le revolver et je me redresse subitement. Le désir et la colère qui me possède ne sont pas miens, ils appartiennent à la bête. La bête qu'on appelle vengeance, ou désespoir. 

-         Je les tuerai tous !

Inconsciemment, je pointe mon arme vers la fillette qui pleure, crie et se recroqueville dans le coin de la pièce. Elle est tétanisée, depuis le début. Je vais mettre fin à ses souffrances.

-         Non Axelle tu ne peux pas faire ça !

Les paroles de Michael ne m'atteignent pas.

-         Si.

-         Arrête Axelle, ne va pas aussi loin. Tu ne sais pas ce que c'est que d'avoir la mort d'un innocent sur la conscience.

C'est Manoé qui a parlé, il aurait mieux valu qu'il se taise.  

-         Ah oui ? Tu crois que j'en ai pas fait mourir beaucoup des innocents ? Qui es-tu pour me dire ça ? Personne ! Alors je vais la buter, et si tu t'y opposes...

Je laisse ma phrase en suspend, mais la termine en lui collant une balle bien placée dans le bras. Il hurle de douleur et s'effondre sur le sol.

-         Axelle, qu'est ce que tu fais, arrête !

Tandis que Manoé presse fermement sa main sur son bras droit, Michael m'attrape par derrière et m'enserre les bras pour que j'arrête de bouger, et de faire du mal. Les bras collés contre mon corps, je gesticule en criant et Michael essaie d'atteindre mon arme pour me l'enlever. Il me fait penser à mon oncle qui, il y a quelques instants, tentait de faire la même chose. Et il a tué Karl. C'était mon ennemi, Michael aussi est un ennemi. Je lui écrase violement le pied et lui envoie un coup de tête bien placé dans le menton. Il a une seconde de déconcentration, et j'en profite pour me dégager de son emprise et pointer mon arme sur lui.

-         Axelle, je sais que tu ne me feras pas de mal. 

Je me pince les lèvres :

-         Ah oui ?

Je relève le revolver au niveau de son front et resserre mes doigts autour de celui-ci. Michael daigne faire un pas vers moi mais son ami l'arrête dans un gémissement :

-         Ne t'approche pas Mike ! Elle est dangereuse.

Je souris sans vraiment savoir pourquoi et Michael semble tétanisé. Mon attention se porte à nouveau sur la petite forme recroquevillée dans un coin de la pièce. Ils ont tous peur, c'est moi qui domine ici, je suis le chef, je l'ai toujours été.

-         Alors ma petite, comme ça on veut devenir comme son papa ? On veut faire du mal aux gens qui ne pensent pas pareil que nous ?

-         Axelle écoute...commence Michael.

-         La ferme ! l'arrêté-je.

Je reporte mon attention sur la fille qui me regarde avec ses yeux bleus inondés de larmes. Ses genoux sont ramenés contre sa poitrine et elle les enserre avec ses bras pour se faire encore moins remarquer. Mais je la vois, elle est là. Je ne vois qu'elle, ce petit parasite que je dois écraser. Je m'avance au fur et à mesure.

-         Tu as voulu être comme papa, alors tu va finir comme papa. C'est ce que tu voulais non ?

Au moment où je pointe mon arme sur son petit corps fragile, une masse bondit sur moi et me projette au sol. Michael croit avoir sauvé la gamine, mais il est trop tard, le coup est parti, et elle gît déjà dans une marre de sang. Ma tête heurte le parquet dur et froid, et mon cerveau se déconnecte pendant une fraction de seconde, durant laquelle je réalise enfin ce que je viens de faire.

La folie a disparu, mais bien évidement il est trop tard. Michael se décolle de moi et accourt auprès du corps de la fillette. Il lui caresse affectueusement le front, avec un regard empli de tristesse, et ferme délicatement ses paupières encore ouvertes.