Chapitre 4 : Axelle

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Dans mon appartement, il y a un jeune homme. Je ne sais rien de lui. Je ne connais pas son nom, son âge, le lieu de son travail, pourtant, chaque jour, je le vois sortir avec sa capuche sur la tête pour prendre son vieux vélo bleu et partir en direction des vieux quartiers. Je ne sais pas ce qu'il y fait là-bas, mais il revient le soir sans avoir d'heures fixes. Parfois c'est à dix-sept heures, parfois vingt-deux heures... Je ne l'espionne pas mais j'aime bien passer du temps à regarder la ville sur mon petit balcon. Ce soir l'air est doux et j'aperçois une tâche bleue qui s'avance vers l'immeuble. Il est de retour.

Je sais que souvent les gens disent qu'avec les autres il faut rester soi-même pour que les amis nous apprécient tels que nous sommes, mais cela ne me dérange pas de changer de personnalité devant les gens que j'aime. Alors avant qu'il ne soit rentré chez lui, je sors de mon appartement en pantoufles et en pyjama et fait mine d'examiner ma porte en fredonnant gaiement et en affichant un petit sourire charmeur. J'aimerais juste que nous soyons amis. Nous nous sentons tous les deux seuls dans ce grand immeuble rempli de vieillards tristes ou de célibataires alcooliques, mais j'avoue que je le trouve très mignon avec ses yeux turquoise et ses cheveux dressés sur son front. Il passe derrière moi sans me regarder ou me dire bonsoir, et entre dans le studio d'en face et claque la porte derrière lui. Il paraît tout le temps tourmenté. Son visage est comme un masque dur, froid et solide qu'il ne retire pas devant moi. Peut être ne me remarque-t-il même pas ? Déçue, je pénètre à mon tour chez moi et m'étale sur mon lit. Je ne sais pas ce qui le préoccupe mais ça a l'air sérieux. Je me dis qu'il a de bonnes raisons pour être ainsi et m'endors, épuisée, sans avoir ôté mes pantoufles.

***

Le sol est froid contre ma joue. Mes côtes me font mal car j'ai dormi le ventre par terre. Je me redresse les yeux mi-clos, et cherche mon lit à tâtons. Comme je ne le sens pas, j'ouvre entièrement les paupières. Je ne suis pas dans ma chambre. En regardant sur ma droite, je vois un immense couloir en béton qui continue en ligne droite sur une longue distance car je n'en vois pas la fin. Il n'y a aucun mobilier, seulement un tunnel gris qui s'enfonce dans les ténèbres. Les coins sont humides et parfois des traces de moisissure apparaissent, ainsi que des caméras de surveillance clignotantes.

Sur ma gauche il y a des hommes écroulés par terre comme je l'étais il y a quelques secondes. Mon esprit n'arrive pas à comprendre ce qui est en train de se passer. Les hommes baignent dans un liquide rouge et j'en ai moi-même partout sur le corps. Je ne suis plus en pyjama, j'ai une sorte de combinaison noire moulante et un énorme pistolet gis tout près de moi. Ma respiration s'accélère. Qu'est ce que je fais ici ? Cet endroit est dangereux, instinctivement, je tends ma main tremblante vers l'arme et me retient de vomir en voyant mon bras recouvert de sang. Je me force à observer le visage des hommes pour m'assurer que je n'en connaissais aucun. Un peu plus rassurée, je me lève et titube pendant quelques secondes avant de me stabiliser complètement. Je longe lentement le mur en béton en tenant fermement le pistolet dans ma main droite. Le silence qui règne est effrayant. Les lumières au plafond grésillent et j'ai peur de me retrouver dans le noir.

Je vois enfin un carrefour. Je déglutis et essuie les larmes dûes à la tension qui coulent sur mes joues. J'arrive au milieu du carrefour. Je colle ma main sur le mur droit de ce qui s'apparente presque à un labyrinthe et poursuit ma route, les jambes tremblantes. Je n'arriverai jamais à trouver la sortie. De l'aide, j'aimerais juste de l'aide. Cependant, les locataires n'ont pas l'air d'être bienveillants, vu l'accueil qu'ils ont réservé aux malheureux que j'ai laissé derrière moi.

Il est déjà trop tard quand j'entends les bruits de pas précipités qui viennent de tous les côtés du carrefour. Des soldats arrivent devant moi, à gauche et à droite. Ils portent tous le même uniforme noir et rouge qui leur colle à la peau mais qui ne les empêche pas de faire des mouvement amples et précis. Leurs regards me transpercent comme des dizaines d'aiguilles et je tremble comme une feuille. Ils m'ont vu, je ne peux plus faire demi-tour ou me cacher. Que dois-je faire ?

Double {Terminé} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant