Double {Terminé}

Chapitre 83 : Michael

Elle se rassoit d'un air détaché, tandis qu'un silence de mort règne dans la pièce. Je détache lentement mon regard de mon ancien chef, pour tourner ma tête en direction d'Axelle. Je me mords la lèvre inférieure en voyant la mine de mon amie. Ses genoux tremblent, ses mains sont agrippées à la table pour lui éviter de défaillir faisant blanchir ses jointures. Quant à son visage, il est si pâle qu'on croirait voir un véritable cadavre. Sa respiration est bruyante, saccadée, sa poitrine se soulève de façon incontrôlable, et ses yeux exorbités reflètent tout le malheur qu'elle vient de réaliser, et qu'elle a elle-même causé. Elle déglutit et une de ses mains se porte à sa bouche. Elle ferme les yeux et une première larme coule, avant qu'elle ne déguerpisse en laissant la porte de la salle ouverte derrière elle. Je fais un petit mouvement sur ma chaise jusqu'à ce que la prénommée Alma m'arrête dans mon geste :

-         Non Michael, laissez là.

Sa voix s'est légèrement radoucie. A mon avis, elle avait envie de se faire entendre depuis longtemps.
.
-         Vous ne pensez pas y être allée un peu fort ?

La représentante des espions ignore totalement la question rhétorique de son « collègue » et reste enfoncée dans son siège, bras et jambes croisés.

-         Vous insinuez que vous voulez que notre cause périsse ? Qu'il n'en reste plus rien ? Que nous abandonnions tous nos efforts ?

-         Calmez vous voyons, ce n'était sans doute pas son intention.

Le sourire que la femme affiche affirme ensuite clairement que c'était bel et bien son intention. Le chef des ouvriers se renfrogne et un autre s'indigne à son tour :

-         Tout ce que vous avez dit est faux ! Tout le monde nous admire, nous sommes les résistants, les gardiens de l'ordre et de la paix !

Il attend la moindre réaction d'Alma qui se contente de hausser les épaules d'un air peu convaincu.  Le représentant des tueurs frappe la table avec son poing et serre la mâchoire :

-         Aidez-moi vous autres ! Vous allez laisser cette femme dire toutes ces choses à tout va ? Il faudrait la punir pour cela !

C'est à ce moment là que j'ai craqué.

Le regard sombre, je me lève sans bruit, et ce n'est que lorsque j'appuie violement mes mains sur la table, que les regards se tournent vers moi. Même Alma me jette un coup d'œil amusé. 

-         Vous voulez donc vous rabaisser à leur niveau ? m'écrié-je. Le principe de leur régime est de faire taire tous ceux qui s'opposent à eux ! Vous luttez contre des dictateurs mais vous fondez vos règles sur le même principe que les leurs. Vous tuez, sans réfléchir, et vous vous croyez supérieur à tous. Je ne cache pas que j'ai été dans le même cas à une époque. Mais c'est terminé. J'ai évolué, pris conscience de certaines choses, mais bien sur vous êtes trop bêtes et obstinés pour vous en rendre compte ! Nous nous soucions de nos cibles, mais là-bas dehors, des gens luttent chaque jour. Ils n'utilisent pas d'armes, pas de violence. Juste, leurs mots et leurs papiers. Et eux, ces pauvres malheureux qui risquent tout de même leur vie pour un pauvre morceau de journal, se font tuer en masse ! Et nous ? Nous qui enfreignons les plus anciennes lois ? Plus vielles encore que le totalitarisme ? Celles de ne pas céder à la violence ? De ne pas tuer ? De montrer l'exemple aux futures générations ? Sommes-nous dans cet état d'esprit là ? Non, et je m'en rends bien compte. Dehors, on croit aider les plus miséreux, mais dehors, ceux que nous voulons sauver, ils nous appellent les « résistants meurtriers ». Vous vous rendez compte ? Toute cette calomnie à notre égard, pour des gens que nous voulons aider ? Dehors ils nous haïssent, nous méprisent, refusent notre aide, en respect pour les vrais sauveurs qui se sont fait fusiller. Alors, allons-nous vraiment continuer ainsi ? Allons-nous vraiment laisser perdurer cela ? Envoyer des innocents se faire tuer, pour quoi ? Pour la paix ? La justice ? Ou bien notre conscience ? Réfléchissez-y. Et prenez la bonne décision, ou alors nous serons tous perdus.