Chapitre 56 : Axelle

44 10 39
                                    

Je me tourne lentement, et cherche le corps de mon ami à tâtons. Le matelas est froid et vide. J'ouvre brusquement les yeux. Jetant la couverture loin de moi, je l'appelle et enfile des vêtements. Il ne me répond pas. Il ne m'a pas laissé de message non plus. J'appuie sur l'icône représentant un téléphone, mais ce n'est pas lui que j'appelle :

-         Allô ?

-         Oui qu'est ce qu'il y a ? répond une voix masculine.

-         Michael est parti.

-         C'est-à-dire ?

-         Je pense qu'il est parti définitivement, ses affaires ont disparu.

-         Il ne vous a rien dit ?

-         Non, il s'en est allé très tôt sans me prévenir.

Ma voix est étrangement calme et neutre. Je sais ce que je dois faire, j'ai les choses en main, comme d'habitude.

-         Vous savez pourquoi ? demande la voix à l'autre bout du fil.

-         Je pense savoir, oui.

-         Nous pensons à la même chose je suppose ?

-         Oui effectivement, nous en avons parlé l'autre soir.

-      Très bien, il ne faut pas qu'il nous échappe, vous savez où est ce qu'il aurait pu aller ?

-      Je crois savoir, j'en suis même persuadée.

-      Parfait, nous allons l'attraper, ordonne l'homme.

-      Non laissez moi faire, je vais vous le ramener sans encombre.

Je raccroche alors le téléphone sans laisser le temps à mon interlocuteur de répondre. J'enfile précipitamment mes chaussures et sors en trombe de l'appartement. Michael est à la frontière, j'en suis sûre. Il n'a pas pu avoir le temps de traverser. Je peux encore le rattraper. Avec un peu de chance, je l'intercepterai au niveau des vieux quartiers et nous ne nous ferons pas trop remarquer. J'accélère le pas, cours presque, sans perdre espoir. J'arrive devant les anciens immeubles, haletante, mais ne stoppe pas ma course une seule seconde. Il me faut à tout prix le retrouver, c'est primordial.

Il me faut un petit moment pour réaliser que c'est enfin Michael que je vois à quelques mètres de moi, marchant d'un pas décidé, les mains toujours enfoncées dans ses poches. Je pique un sprint pour le rattraper et hurle son nom avant même d'être à sa hauteur.  Il se retourne brusquement et écarquille les yeux, horrifiés :

-         Axelle mais...

-         Michael, attends, où vas-tu ?

Je lui tombe dans les bras et il me regarde toujours avec cette expression angoissée :

-         Axelle laisse moi, je dois partir tu comprends...

-         Non tu as promis que nous resterions ensemble pour toujours !

-         Je n'ai rien promis, répond-t-il froidement.

Je n'insiste pas et observe sa mine sombre. Il devient agressif, c'est mauvais signe. J'espère que j'arriverai à le convaincre, ou il faudra employer les grands moyens.

-         Michael je t'en supplie, reste, on est bien ici, tous les deux...

-         Je ne peux pas Axelle, maintenant laisse moi ou je t'attache à un poteau.

Il se retourne et poursuit sa marche monotone. Je le regarde, offusquée, et comprends qu'il est à présent trop tard pour le raisonner sans utiliser la force. Je porte une main à mon dos puis la tend devant moi en lançant :

-         Tu n'iras nulle part.

Mon ton est froid, sec, et Michael, l'ayant remarqué, fait brusquement volte-face. Il sursaute en me voyant, droite comme un i, pointant un pistolet chargé sur lui.

-         Axelle que...

-         Tu es vraiment têtu, je lui réponds froidement, on aurait pu continuer tranquillement à vivre ensemble et à faire comme si de rien n'était pendant encore un bon moment, mais il faut toujours que tu aie des idées stupides.

Michael est abasourdi. Je ne pense pas qu'il se serait attendu à une telle réaction de ma part. Moi qu'il prenait pour la petite gamine frêle à protéger, il se rend bien compte à cet instant que ce n'était qu'une comédie. Je suis bien plus forte que lui, et je vais lui prouver.

-         Qu'est ce qu'il t'arrive ? bégaie-t-il. 

-         Qu'est ce qu'il m'arrive ? répété-je. Mais rien du tout. Si tu avais voulu en savoir plus sur moi, tu ne serais pas aussi surpris aujourd'hui.  Je ne travaille pas dans un restaurant, je ne suis pas du tout celle que tu croies, et toi, tu ne t'es jamais douté de rien.

Mon ami ne sait plus quoi répondre. Il regarde tour à tour le pistolet, mon visage, le pistolet... Il est déboussolé, et je le comprends. J'ai toujours été une très bonne actrice. Me mettre dans la peau d'un personnage est un jeu d'enfant pour moi. Une phrase sortant de sa bouche me radoucit tout de même :

-         Qui est tu ?

-         Tu n'as pas encore compris ? Le coiffeur ? La blessure au flanc ? Le flingue ?

Michael semble tout à coup paralysé. Il me regarde comme si j'étais un extraterrestre ou une chose immonde et inconnue, et je raille :

-         Je suis ton chef idiot.

Double {Terminé} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant