Le Hobbit : À la reconquête de soi [Tome 1]

Chapitre XXI : Poissons et latrines

« - Thorïn, fils de Thraïn, fils de Thrór, Roi sous la Montagne ! Déclara le Nain d'une voix forte, et sa prestance ne trompait pas, malgré ses vêtements déchirés et son capuchon souillé », Thorïn, Le Hobbit, Chapitre X.

* * *

Thorïn jura dans sa barbe. Quel supplice ! Quelle humiliation pour lui et les siens d'être de nouveaux dans des tonneaux ! Toute dignité avait disparu lorsque des kilos de poissons s'étaient déversés sur sa tête comme une violente cascade. Sale et gluant, le Prince Nain ne s'était jamais senti aussi misérable. Si son identité ne devait pas rester secrète, il aurait bien craché le fond de sa pensée à cet Humain de Bourg-du-Lac.

Ecu-de-Chêne laissa échapper un gémissement de dégoût avant de sentir son tonneau bousculer après que le batelier lui ait donné un coup de pied. Recouvert de poissons frais, le Nain n'avait pas entendu l'ordre de Bard, mais son geste était plus que clair. Thorïn pinça les lèvres et attendit.

Le Nain sentit le bateau s'arrêter. Il entendait des brides de voix, mais il ne pouvait comprendre la discussion au-dessus de sa tête. Ecu-de-Chêne serra les dents lorsqu'il entendit des bruits de pas non loin de lui. Il arrêta de respirer, comme si cela pouvait empêcher les intrus de fouiller les tonneaux. Un frisson glacial lui parcourut le dos lorsqu'il se sentit basculer. Le sang bouillant dans ses veines, Thorïn posa ses paumes de main sur les bords du conteneur tandis que les poissons au-dessus de lui se déversaient dans la rivière. Peu à peu, il reconnut la voix ferme du batelier, rouspétant contre le bourg-mestre d'Esgaroth. Un fin filet de lumière entra dans le tonneau. Alors que le Nain pensait se retrouver dans l'eau glaciale de la rivière, il se sentit de nouveau basculer pour retrouver sa position initiale. Thorïn soupira de soulagement.

Quand la herse fut levée, le bateau entra dans Lac Ville. Les habitants allaient et venaient un peu partout, d'épais manteaux sur les épaules. Des femmes se baladaient avec des paniers de provisions achetés sur le marché local ; des hommes rentraient de leur travail et se retrouvaient à la taverne du coin.

Alors qu'il approchait du quai, Bard repéra un vieil homme assit, une bouteille de vin dans les mains. Le batelier accosta son bateau, vérifia les alentours avant de faire tomber le premier tonneau sur son bateau. Parmi les poissons, Nori gesticulait pour tenter de se défaire des cadavres gluants et poisseux. Un autre tonneau tomba à côté, laissant apparaître Dori. Dwalïn sortit la tête de son tonneau, le regard rivé sur l'Humain avant de s'extraire des cadavres, bientôt imité par ses compagnons. Des morceaux de poissons s'étaient collés à leur barbe et leurs cheveux, et l'odeur qu'ils dégageaient désormais était des plus déplaisantes.

Après avoir payé le vieil homme à la tête d'ivrogne, Bard guetta les alentours avant d'ordonner à la Compagnie de le suivre.

- Quel est cet endroit ? Demanda Bilbo, les yeux pétillants de curiosité.

- Ça, Monsieur Sacquet, c'est le monde des Hommes, répondit Thorïn d'un ton dédaigneux.

La ville était en effervescence. Des cris fusaient un peu partout, des Humains transportaient des petits cochons dans les bras. Ils atteignirent bientôt le marché lorsqu'un hurlement les fit se retourner.

- Halte !

- Sauvons-nous ! Ordonna Thorïn.

Les compagnons se précipitèrent entre les échoppes sous les yeux stupéfaits des habitants tandis que les cris continuaient à fuser non loin d'eux. Bientôt, ils se bousculèrent avant de se retrouver face aux hommes de la garde. Bombur, à quatre pattes, fit trébucher l'un d'eux, qui termina sa course contre un poteau de bois. Un par un, tous finirent à terre, assommés par une rame, une pelle, une poêle, ou simplement renversé par une corde tendue par Fili et Kili. Comme une scène de théâtre, les habitants qui s'étaient regroupés autour des Nains s'éloignèrent en toute hâte lorsque le chef de la Garde apparut, les sourcils froncés.