Chapitre XVII : Prisonnière du passé

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« Le vrai courage n'est pas de savoir quand supprimer une vie, mais quand en épargner une », Gandalf, Le Hobbit : Un voyage inattendu.

* * *

Son bol de potage vide en main, Thorïn rejoignit ses compagnons dans la petite cuisine pour y déposer sa vaisselle sale. Il observa Kaïne quelques secondes, trop occupé par l'agitation que faisait régner ses compagnons autour de lui. Dans la pièce d'à côté, malgré la conversation agitée des Nains, Ecu-de-Chêne entendit les voix d'Alyson et d'Adeline. Il recula alors de quelques pas, les yeux toujours rivés sur l'humain et se cogna le dos contre un tiroir entre-ouvert d'un vieux meuble recouvert ça et là de poussière. Du coin de l'oeil, il regarda à l'intérieur. Un fin sourire étira ses lèvres lorsqu'il repéra un grand couteau au milieu de quelques couverts.

Thorïn reporta ses pupilles sur Kaïne, désormais accroupi au milieu des siens pour récupérer une cuillère, passa sa main dans l'ouverture et attrapa l'arme, qu'il réussit à sortir en silence. Il s'empressa de la cacher sous sa chemise et referma le tiroir avant de se diriger vers la sortie. Le Nain n'avait aucune confiance en leur hôte. Il ne supportait pas ses regards hautains, ni ses remarques déplacées, ni ses questions. Bien qu'il faille que la compagnie fasse bonne figure pour ne pas être jetée dehors, Thorïn restait sur ses gardes, prêt à protéger les siens.

Alors qu'il revenait dans la petite salle à manger où étaient encore installées Adeline et Alyson quelques minutes plus tôt, cette dernière sortit de la maison, la tête basse, avant de laisser la porte claquer derrière elle. Le Nain fronça les sourcils et se tourna vers la petite fille, qui se contenta de hausser les épaules pour toute réponse. Thorïn garda ses pupilles posées sur l'entrée, s'attendant à ce que leur guide revienne. Mais la porte resta fermée et il finit par rejoindre les siens, toujours agglutinés dans la cuisine ; Bofur tenant un chiffon à la main et le faisant tournoyer au-dessus de sa tête.

* * *

Alyson se retourna une nouvelle fois sur la paille. Autour d'elle, les Nains et le Hobbit s'étaient éparpillés et semblaient être dans un profond sommeil. L'image du couffin qu'elle avait aperçu dans la chambre de leur hôte ne cessait de la hanter. Poser sur cette armoire, il semblait vouloir la faire souffrir, lui faire rappeler un des nombreux souvenirs qu'elle essayait d'oublier depuis des années. Il ne lui avait suffi que d'un seul regard pour se rappeler, pour deviner qui étaient Kaïne et sa petite fille. Cet homme n'était pas un simple marchand, ni un simple père qui voulait protéger sa fille. Ni un veuf comme tant d'autres l'étaient. 

La douleur enfouie en elle refit surface comme une vague se fracassant sur le sable. Insoutenable et la replongeant dans une cruauté sans égale, Alyson ne pouvait plus respirer. Une angoisse croissante s'emparait d'elle, l'empêchant de réfléchir. Elle voulait que ça cesse. Une bonne fois pour toute. Mettre fin à ses souffrances, tuer ses démons. Oublier à jamais.

La respiration sifflante, Alyson s'assit, percevant les petites silhouettes allongées des Nains non loin de là. Hauxilya était quant à elle posée près d'elle. Elle était désormais la seule arme dont disposait la compagnie. La jeune femme se prit la tête entre les mains et serra les dents lorsqu'une lumière attira son attention. Elle tourna alors la tête et aperçut la silhouette de Kaïne sortir de la maisonnée, une bougie à la main. Elle le suivit du regard. A grandes enjambées, il s'engagea sur les monts rocheux qui entouraient sa petite demeure. Alyson n'hésita pas une seconde.

La jeune femme se leva, retenant un cri de douleur lorsqu'elle s'appuya sur sa jambe. Tout en boitant, elle sortit de la grange et prit la direction qu'avait de leur hôte sans jamais se retourner. Sa décision était prise. Il était temps d'en finir. 

Le Hobbit : À la reconquête de soi [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant