Chapitre 9 - Révélations

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Les jours avaient passé et se ressemblaient tous. La vie avait repris son cours. Le temps s'écoulait comme à l'accoutumé, n'accordant aucune importance au chagrin de Lucrèce. Bien qu'elle essayât de le cacher du mieux qu'elle le pouvait, sa mère avait remarqué quelque chose et le moment où la jeune femme se ferait interroger ne savait tarder. Enfin, pour l'instant elle ne devait pas penser à cela. Elle avait des corvées à accomplir, notamment la lessive, et elles n'allaient pas se faire toutes seules...

L'esprit ailleurs, elle souleva le panier et se dirigea vers la porte arrière de l'auberge qui donnait au bout d'une ruelle qui finissait en cul-de-sac et où sa mère et elle avaient pris l'habitude de laver leur linge. Comme elle était déjà allée chercher des seaux d'eau claire à la rivière, elle n'avait plus qu'à les verser dans le baquet et à frotter les draps et les vêtements sur le grattoir. Lucrèce s'attela alors à la tâche sans attendre. Plongée dans ses pensées les plus profondes, elle songea au secret qu'elle gardait depuis bientôt deux mois et qui était, d'ailleurs, la raison pour laquelle elle tenait absolument à s'occuper de la lessive... Ainsi, la vérité avait pu être cachée plus longtemps. Cependant, Lucrèce savait que, bientôt, elle ne pourrait plus taire son secret. Son ventre allait commencer à prendre de plus en plus d'ampleur et, si elle avait réussi à le dissimuler sous ses robes les plus larges jusqu'à maintenant, ce ne serait bientôt plus possible. Lucrèce ravala un sanglot à cette pensée. Une nuit d'ivresse et sa vie menaçait de prendre un tournant catastrophique. Même si elle se considérait comme une femme forte, elle savait que ce qui l'attendait serait difficile. Enceinte hors mariage, Lucrèce ne pouvait pas commettre pire péché.

Le visage de Radburn se dessina progressivement dans son esprit, l'intensité de son regard venant l'étourdir un peu plus. Et elle sentit les larmes couler. Chaque jour, elle pensait à lui, songeant amèrement que, le temps d'une soirée, il l'avait charmée. Il ne lui avait pas fallu rassembler beaucoup de moyens pour la faire tomber amoureuse de lui... Lucrèce s'en désolait. Elle avait été faible ce jour-là. Elle s'était laissée influencer et n'avait pas réussi à rester neutre face à ses provocations. Elle avait eu l'envie, et le devoir même, de lui prouver qu'elle était une femme indépendante. Lucrèce laissa échapper un rire nerveux en constatant où cela l'avait menée. Dans environ sept mois, un enfant pointerait le bout de son nez et, pour le moment, la femme indépendante qu'elle était n'avait pas la moindre idée de la manière de s'en sortir. Le père de l'enfant avait quitté la terre ferme depuis trois mois, la laissant seule et sans nouvelles et depuis huit semaines qu'elle avait conscience de son état, elle n'avait pas trouvé d'autres solutions que de le cacher à ses parents, les seules personnes susceptibles de lui venir en aide. Tout en frottant distraitement un grand drap blanc voué à recouvrir le lit d'une des chambres qu'ils louaient, elle prit la décision d'en parler à sa mère aujourd'hui. Ella aurait sûrement de précieux conseils à lui donner.

- Lucrèce, tout va bien ?

La jeune femme sursauta violemment et lâcha le tissu qu'elle tenait, surprise par l'irruption de sa mère.

- Oui, mère ! Je finis de laver le linge puis j'irai l'étendre.

Elle accompagna sa phrase d'un sourire qu'elle voulait rassurant mais sa mère n'était pas dupe. Le front plissé par l'inquiétude, elle referma la porte de l'auberge derrière elle et s'approcha.

- Laisse-moi t'aider.

- Ce n'est pas nécessaire, tu sais, j'ai presque terminé !

Marie Royer ne prêta pas attention aux protestations de sa fille et s'empara d'un autre drap qu'elle plongea dans le deuxième baquet. Elles travaillèrent en silence pendant une demi-heure, trempant, frottant et rinçant le linge sans interruption, avant que, n'y tenant plus, Marie prenne la parole.

Son trésor le plus précieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant