Chapitre 23 - Un genou à terre

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Lucrèce avait l'impression d'avoir été propulsée dans une réalité différente de celle qu'elle avait toujours connue. Radburn était de retour depuis deux semaines, rendant son quotidien bien différent. Une nouvelle routine s'était installée où chacun des deux jeunes gens apprenait à vivre ensemble. C'était totalement inédit pour la jeune femme qui, à part celle de son père, n'avait jamais connu de présence masculine permanente. Elle ne s'en plaignait pas, loin de là, Radburn était attentif et très présent et, contre toute attente, il avait su se faire une place dans sa famille. Sa mère l'appréciait et son père le tolérait. Elle ne pouvait rêver mieux ! À approximativement un mois de l'accouchement, Lucrèce avait presque arrêté toutes ses corvées, ordre du médecin, et Radburn et ses parents le lui rappelaient chaque fois qu'elle osait sortir un pied du lit. Cela arrivait régulièrement puisqu'elle avait du mal à rester seule dans sa chambre. Heureusement que Radburn venait la voir chaque fois qu'il pouvait, se préoccupant de son bien-être et de celui du bébé.

Lucrèce étouffa un bâillement et décida qu'il était temps de se lever. Elle n'avait vu personne depuis midi, autrement dit depuis trois heures, et pour elle qui avait toujours connu l'agitation des lieux, ce calme était inhabituel. S'aidant de ses mains pour se redresser, Lucrèce souleva les draps et passa ses jambes hors du lit. Elle s'accorda une pause où elle souffla avant de se lever. Mais, comme un coup du sort, dès qu'elle fût debout, sa porte s'ouvrit sur Radburn qui la regardait les yeux exorbités. La jeune femme ferma les paupières, anticipant ce qui allait suivre.

- Lucrèce mais qu'est-ce que tu fais bon sang ? s'écria-t-il en accourant vers elle pour la faire se rallonger.

- Non ! Radburn ! Lâche-moi !

Elle se débattit du mieux qu'elle le pût, enceinte de huit mois, ce qui déplut au pirate.

- As-tu entendu ce que le Docteur Cartwright a dit ? Tu dois rester alitée jusqu'à ce que le bébé vienne au monde, pour votre bien.

Lucrèce, qui n'avait pas la force de lutter, se recoucha, guidée par les gestes de l'homme, les larmes aux yeux. Elle prenait à cœur la santé de son enfant, elle ne se pardonnerait jamais s'il lui arrivait malheur, mais elle avait terriblement besoin de se dégourdir les jambes. Elle était persuadée que rester couchée jour et nuit n'était pas bon non plus.

Radburn remarqua les yeux larmoyants de sa bien-aimée et culpabilisa derechef. Il ne souhaitait que son bien... Le cœur tiraillé par les remords, il vint s'asseoir à ses côtés. Il caressa ses longs cheveux bruns du bout des doigts et en savoura la douceur.

- Ma perle... Tu sais que...

- C'est pour notre bien, je sais ! le coupa-t-elle fermement, les larmes menaçant toujours de couler.

La jeune femme n'en pouvait plus d'entendre cette phrase encore et encore. C'était au-delà de ses forces et de sa patience !

- Alors...

- Mais enfin Radburn, essaye de comprendre bon sang ! s'énerva-t-elle cette fois-ci.

L'homme paraissait si surpris qu'elle eût presque envie d'en rire. Cependant, le sentiment qui primait en ce moment était loin d'être l'amusement.

- Je n'y comprends rien, Lucrèce... Que t'arrive-t-il ? Tu souffres ? Dis-le moi immédiatement si c'est le cas !

Le voir passer de l'hébétude à la panique en à peine quelques secondes la fit soupirer. Cet homme était impossible...

- Calme-toi idiot ! Je vais très bien ! J'ai simplement envie de me lever et de sortir de cette maudite chambre ! Le soleil est arrivé et je n'ai même pas encore senti la chaleur de ses rayons caresser ma peau !

Son trésor le plus précieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant