Son trésor le plus précieux

Chapitre 33 - Une attente déchirante

Lucrèce avait attendu. Et attendu. Et attendu. En vain. Elle savait que le Princesse Andromède n'allait pas se dessiner à l'horizon de si tôt mais la jeune femme ne pouvait pas faire autrement que de fixer le lointain dans l'attente d'un signe - n'importe lequel - qui lui indiquerait l'arrivée de son mari. Il était parti la veille et depuis, elle n'avait pas réussi à dévier ses pensées de lui. Meda et ses autres amies ne lui avaient pourtant pas laissé l'occasion de se morfondre. La veille, elles l'avaient tenu occupée en organisant la venue des esclaves libérés en aménageant l'infirmerie et en préparant tout le matériel nécessaire. Elles avaient pris le temps de lui expliquer dans les moindres détails la manière dont elles avaient l'habitude de gérer les soins et l'acclimatation des nouveaux arrivants. Il n'était pas rare de voir arriver de pauvres êtres décharnés, couverts de cicatrices et de blessures encore à vif., lui avaient-elles confié. Certains arrivaient même avec des os brisés qu'il était impossible de soigner. Plusieurs étaient morts dans leurs bras, le cœur plus léger de donner leur dernier souffle en hommes et femmes libres. Pour elles cela restait un échec, un symbole qu'ils étaient arrivés trop tard pour eux et que le combat qu'ils menaient tous, ici, devait continuer. La détermination qui accompagnait le récit de leurs missions auprès des rescapés avait frappé Lucrèce en plein cœur et lui avait fait réaliser que, malgré la terreur qu'elle avait de perdre Radburn, les sauvetages qu'il entreprenait valait la peine de l'être. Voir les enfants gambader autour d'elle sous les regards attentifs de leur mère la confortait dans sa décision de laisser son mari accomplir ce pourquoi il était fait. Dire que ces enfants n'auraient peut-être jamais vu le jour ou n'auraient pas survécu si son époux n'avait pas été là pour les aider... Rien que de songer que dans d'autres circonstances, elle aurait pu se trouver dans cette même situation lui avait glacé le sang et lui avait fait poser la main sur le ventre dans une attitude protectrice.

- Lucrèce ?

- Lucrèce ? Que fais-tu debout ? Tu devrais être alitée !

La jeune femme se détourna de la fenêtre qui ouvrait sur l'intérieur des terres pour faire face à Setela qui, les poings sur les hanches, la toisait d'un œil sévère. La femme d'une trentaine d'années était à la tête du groupe des accoucheuses. Femme forte et de caractère, elle avait pris Lucrèce sous son aile en lui assurant d'être présente pour elle le jour de l'accouchement et dès qu'elle en aurait besoin. Et elle n'avait pas failli. Alors même que la future mère oubliait parfois de prendre soin d'elle, se surmenant sans le réaliser pour aider son prochain, Setela surgissait de nulle part pour la rappeler à l'ordre et la faire se reposer. Lucrèce lui en était infiniment reconnaissante. D'autant plus que Setela lui avait transmis son savoir-faire pour la rassurer et ne pas la prendre au dépourvu le jour venu.

- Je suis désolée Setela. Je n'ai pas pu fermer l'œil de la nuit... Le sommeil m'a, semble-t-il, refusé l'accès.

Son amie lui adressa une moue contrite avant de s'avancer vers elle. Sans qu'elle ne puisse protester, elle l'entoura de ses bras pour l'entraîner sur son lit. Soulevant les draps, elle luit fit passer les jambes dessous puis recouvrit son ventre tendu. Lucrèce exhala un soupir de contentement. Elle se sentait bien ainsi sous les draps. Seul ombre au tableau, l'absence de Radburn. Cette pensée la rendit mélancolique une fois de plus. Quand allait-il leur revenir ?

- Lucrèce.

Setela s'exprima d'une voix douce en repoussant les mèches folles de son amie.

- Ce n'est pas en fixant l'extérieur que tu feras revenir Radburn... Je comprends tout à fait l'inquiétude qui t'anime, Charles faisant partie de l'équipage, mais tu dois te reprendre. Radburn serait furieux de savoir que tu mets ta santé de côté, et par là celle de votre enfant, en te faisant du souci pour lui. Hector a besoin de sa mère et celui-ci a besoin que tu arrêtes de te négliger.