Chapitre 7 - Abandon

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Lorsqu'elle se réveilla au petit matin, Lucrèce était complètement désorientée. Comme si elle se retrouvait égarée au plus profond d'une forêt sans moyen de trouver son chemin. Étouffant une plainte due à son manque cruel de sommeil, elle plissa des yeux pour tenter de s'habituer à la clarté environnante. Ce qu'elle découvrit la laissa sans voix. Pleine de doutes quant à ce qu'elle s'imaginait, elle tâtonna de sa main le côté gauche du lit mais ne rencontra rien de plus que le tissu rêche du drap. Lucrèce sentit son cœur battre furieusement contre ses tempes. Alors que tous ses souvenirs de la veille lui revenaient en mémoire, elle ne pouvait que constater l'absence de l'homme qui lui avait offert sa première nuit d'amour. Et ce n'était pas le plus troublant ! En se redressant sur son lit, Lucrèce comprit qu'elle était de retour dans sa chambre, à l'auberge. Elle n'avait aucune idée de la manière dont elle était arrivée ici mais une chose était sûre, quelque chose clochait. Avant de tirer des conclusions hâtives, la jeune femme se leva, en quête d'un morceau de papier ou d'un quelconque objet qui lui indiquerait où avait disparu son amant passionné. Hélas elle ne trouva rien d'autre que les affaires qu'elle avait laissées en désordre derrière elle. Les mains tremblantes, elle fit face à la petite psyché qui trônait dans sa chambre et jeta un coup d'œil à son reflet. En dépit de ses traits tirés et de son air inquiet, elle aperçut d'inhabituelles rougeurs qui lui donnaient un teint frais. Un sourire sans joie prit place sur ses lèvres à cette pensée.

Bien décidée à mettre la main sur Radburn, elle fit volte-face, n'accordant pas la moindre importance au fait que sa robe était froissée et descendit les marches à toute vitesse. Il devait à coup sûr se remplir la panse dans la grande salle. Oui c'était forcément cela ! Après tout, il n'allait certainement pas prendre le risque d'être surpris dans le lit de la fille de l'aubergiste, n'était-ce pas ? S'accrochant désespérément à cette idée, elle balaya la pièce du regard, le souffle court. Elle prit soin de détailler chaque recoin, même les plus éloignés, comme elle avait cru comprendre qu'il n'aimait pas particulièrement la foule. Or elle ne le vit nulle part... Lucrèce pensa que son cœur allait exploser en morceaux quand elle réalisa qu'il n'était pas là. Le faible espoir qu'il avait probablement dû regagner sa cabine l'entraîna au dehors. Le soleil d'août l'aveugla si violemment qu'elle dut se protéger le visage de ses mains, s'emmêlant les pieds au passage. Parvenant à rester debout par elle ne savait quel moyen, Lucrèce reprit sa course jusqu'au port. Elle ne prit même pas la peine de s'excuser auprès des passants qu'elle bousculait. Elle avait un mauvais pressentiment, traduit par une douleur atroce qui lui serrait le cœur. C'était cette raison qui la poussait à courir sans s'arrêter. Lucrèce avait conscience d'attirer tous les regards sur elle mais, pour le moment, elle n'en avait cure. Tout ce qui importait c'était de retrouver l'espace d'une seconde les bras chauds de Radburn.

De plus en plus proche de l'étendue bleue et de la forêt de mats, Lucrèce ne voulait pas croire tout ce que le paysage lui hurlait, ni tout ce que lui criait une petite voix dans sa tête. Non ! C'était impossible ! Il n'avait pas pu lui faire cela ! Persuadée qu'il s'agissait d'un simple malentendu, elle s'avança un peu plus du quai. Après tout, qui pouvait affirmer que le Princesse Andromède n'était plus là quand les bateaux s'entassaient les uns à côté des autres ? Cependant, plus elle s'approchait de l'endroit où le navire mouillait encore quelques heures plus tôt plus l'évidence la frappait. Radburn avait fait voile, loin d'elle. Il l'avait quittée sans un au revoir après la nuit passionnée qu'ils avaient partagée. Comme si elle ne signifiait rien pour lui. Comme si ce n'en était qu'une de plus. Qu'une parmi tant d'autres. Lucrèce éprouvait toutes les difficultés du monde à réaliser qu'elle avait été abandonnée par son premier amant. Elle n'avait pas imaginé une seule seconde qu'il pourrait partir sans un regard en arrière après les étreintes auxquelles ils s'étaient abandonnés. La jeune femme chercha par tous les moyens un point d'ancrage lorsqu'elle se sentit vaciller. Elle exhala un soupir tremblant, la respiration coupée par le choc. Par chance, elle réussit à agripper un poteau de bois planté à sa gauche ce qui eut le mérite de l'arrimer à la réalité. Néanmoins, Lucrèce s'efforça de contrôler sa respiration erratique. Elle ne savait pas décrire précisément ce qu'elle ressentait mais elle se fit la réflexion qu'un coup de poignard en plein cœur ne lui aurait pas fait plus de mal. Sonnée, elle n'eut même pas conscience de s'être mise en marche et que ses pas la ramenaient à l'auberge.

Son trésor le plus précieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant