Chapitre 16 - Réponses tant attendues

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Quand ils avaient débarqué dans la grande salle de l'auberge, tous les regards s'étaient rivés sur eux. Gênée, Lucrèce n'avait pas pu s'empêcher de se cacher en enfouissant son visage dans le creux de l'épaule de Radburn. Elle avait beau avoir des sentiments partagés pour lui, il était, pour elle, une figure rassurante et protectrice. Du moins, en cet instant. 

Enfin, elle avait bien vite repris ses esprits.

Passée l'inquiétude première de la voir rentrer dans les bras d'un inconnu, son père leur avait donné accès à l'arrière-salle. D'un regard de sa fille, il avait compris qui était l'homme à l'allure sombre et négligée qui la tenait contre lui et, malgré son attitude glaciale envers le pirate, il avait pris sur lui pour laisser les deux jeunes gens parler.

- Lucrèce ! Regarde-moi !

La voix bourrue de l'homme qui, il y a quelques mois de cela, l'étreignait dans ses bras puissants, résonna tout autour d'elle. À contrecœur, Lucrèce obéit. Elle ignorait depuis combien de temps elle était perdue dans ses pensées mais elle était sûre d'une chose, aussi déplaisante qu'était l'idée, il était l'heure d'affronter le père de son enfant.

- Ma perle...

L'expression de Radburn se radoucit en un clin d'œil, comme si la voir lui faire face pour la première fois depuis qu'ils s'étaient retrouvés, le ravissait pleinement. Lucrèce, quant à elle, sentit ses yeux se remplir de larmes. L'entendre lui donner ce surnom, comme si rien n'avait changé, comme si, cette fameuse nuit d'août, il ne l'avait pas quittée sans un mot, la chamboulait complètement. Elle était toujours profondément blessée et en colère contre lui pour l'avoir laissée derrière lui mais l'amour qu'elle ressentait pour lui était si fort qu'il était dur de l'ignorer. Son cœur battait follement contre ses tempes si bien qu'elle craignait que, bientôt, elle ne puisse plus rien entendre d'autre.

- Que fais-tu ici, Radburn ?

Parmi les milliers de questions qui tourmentaient son esprit, Lucrèce choisit de lui poser celle-ci. Peut-être parce qu'elle pensait ne jamais le revoir. Pour elle, sa petite ville portuaire n'avait été qu'une étape sur le chemin semé d'embûches de la vie de Radburn. Et sa personne, la jeune femme qu'elle était, rien d'autre qu'une pierre sur le sentier. Voyant que Radburn ne faisait rien d'autre que la fixer intensément, manifestement sans intention d'ouvrir la bouche, Lucrèce ne put retenir les mots de franchir la barrière de ses lèvres. 

- Pour quelle raison es-tu parti sans un mot ?

Voilà, elle l'avait dit. Elle avait lâché la question qui lui brûlait les lèvres et qui cisaillait son cœur. Sa voix tremblante et étouffée par les sanglots qui menaçaient de faire surface contredisait l'attitude calme et forte qu'elle s'efforçait d'adopter. Cependant, elle n'en pouvait plus de rester dans l'ignorance. Elle avait besoin de savoir pourquoi la nuit qu'ils avaient partagée avait été si belle pour elle mais visiblement qu'une parmi tant d'autres pour lui. 

Radburn s'en voulut énormément quand il lut la peine dans les yeux de sa belle. Jusque-là incapable de répondre à ses questions, captivé par sa beauté pure, Radburn se rendit compte qu'il ne pouvait plus la laisser dans l'ignorance. Retrouvant peu à peu l'usage de la parole, l'homme se leva pour venir se placer face à Lucrèce. Alors que la jeune femme baissait les yeux tandis qu'il s'agenouillait devant elle, Radburn enveloppa son visage de ses paumes. Ainsi, elle ne pouvait plus fuir son regard.

- Pardonne-moi, ma perle...

Quand il vit une larme couler le long de la joue rougie de sa bien-aimée, ce fut un véritable coup de poignard en plein cœur. Il se détestait de la faire encore et toujours pleurer, encore et toujours souffrir. Car il le savait, désormais, les sept lunes et demi qu'avait duré leur séparation n'avaient pas été de tout repos pour elle. Elle avait pâti de son absence et souffert de son silence. Il aurait dû se douter, ce jour-là, qu'il la briserait en partant sans un mot. À l'époque, déjà, il avait compris que Lucrèce n'avait rien à voir avec les filles de joie qu'il payait pour une nuit de chaleur humaine. Il l'avait senti. Et c'était même pour cela qu'il avait fait le premier pas. Le pirate avait été séduit par sa candeur ponctuée de curiosité et sa beauté ahurissante. Son sourire l'avait charmé et ses grands yeux brillants envouté. 

Son trésor le plus précieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant