Chapitre 29 - L'art de la réconciliation

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- Radburn...

Les yeux inquiets de Lucrèce l'alertèrent. Il fallait qu'il se confie à elle. Il ne pouvait plus lui cacher ses craintes. Elle était sa femme, celle qui ferait route avec lui tout au long de sa vie.

- Que t'arrive-t-il, mon amour ? Nous t'attendons depuis des heures. Le soleil est déjà couché. 

Des heures ? Il lui semblait pourtant qu'il venait à peine d'arriver. Seigneur, voilà que ses pensées l'avaient encore égaré ! La situation ne pouvait durer plus longtemps. 

- Viens t'asseoir, ma perle.

D'un geste du bras, il l'invita à prendre place sur sa couche tandis qu'il s'installait lui-même sur sa chaise bancale, exactement comme le soir où il l'avait fait sienne. Sans un mot, Lucrèce obéit, les yeux remplis d'interrogation.

- Qu'y-a-t-il, Radburn ? Tu me fais peur, s'inquiéta son épouse.

L'homme lui attrapa la main et la serra entre ses doigts puissamment tout en lui adressant un sourire qu'il voulait rassurant. 

- Je vais tout t'expliquer, ma perle. Tu n'as rien d'autre à faire que m'écouter.

Lucrèce pressa les doigts de son mari, dans l'attente de ses explications. Elle se faisait du souci pour lui, ce n'était pas la première fois qu'il perdait la notion du temps et qu'il oubliait de rentrer à l'auberge, là où elle l'attendait avec leur fils. 

- Je... J'ai reçu une lettre. On a besoin de mon aide aux Amériques.

Lucrèce hoqueta. Elle ne s'attendait pas à une telle réponse. Elle n'aurait jamais pensé que ce moment arriverait si tôt ! Il devait déjà repartir alors qu'elle avait l'impression qu'il venait à peine de lui revenir. Elle sentit la paume de son mari se resserrer sur la sienne pour éviter qu'elle se recule. 

- Lucrèce, je dois y retourner. Toutes ces personnes... Elles comptent sur moi... 

La jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux et son nez lui piquer étrangement. Elle n'avait aucune envie qu'il la quitte une fois encore, sans garantie de revenir. Elle ne survivrait pas à sa mort. Sans qu'elle n'y puisse rien, les larmes commencèrent à couler sur ses joues. Il ne pouvait pas... À cet instant, peu lui importaient tous ces inconnus. Elle voulait être égoïste, elle estimait qu'elle en avait le droit après la souffrance qu'elle avait ressentie sans lui. Elle venait à peine de mettre au monde leur fils... Comment pouvait-il songer à déjà les quitter, lui qui avait été si heureux et si enjoué à l'idée de sa grossesse, lui qui l'avait épousée ? 

- Cependant, je n'y retournerai pas sans ton accord. Nous sommes mariés et tu comptes bien trop pour moi pour que je fasse fi de tes sentiments et de tes opinions. 

Il approcha sa chaise de Lucrèce et lui toucha la cuisse de sa main libre. Le cœur brisé de voir ses joues luisantes de gouttes salées, il lâcha sa main et les essuya de son pouce. Il avait bien vu la réaction de son épouse et il la comprenait très bien. Il ne pouvait tout simplement pas abandonner tous ces esclaves à leur triste sort. 

- Alors n'y va pas, Radburn ! Je t'en prie ! Ne pars pas !

Lucrèce avait conscience de laisser sa peur et sa tristesse parler. Elle ne pouvait pas lui interdire de continuer à faire ce pourquoi il s'était battu ces dernières années, bien avant leur rencontre. Toutefois, sur le moment, elle ne pouvait s'empêcher de laisser éclater ses craintes. Elles étaient bien trop bruyantes pour qu'elle les fasse taire. 

- Ma perle... Je t'en prie, essaye de comprendre... 

- Pourquoi t'échines-tu à me demander mon avis si ta décision est déjà prise ? s'écria-t-elle en se redressant brusquement. 

Son trésor le plus précieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant