Chapitre 4 - Une fièvre incontrôlable

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L'esprit embrumé de Lucrèce s'imagina toute sorte de scènes incongrues qu'elle s'efforça de réprimer. L'homme avait bien spécifier qu'il l'emmenait dans un endroit où il pourrait faire plus ample connaissance, c'est-à-dire discuter, alors il n'y avait pas lieu de laisser ses pensées dériver vers un horizon inapproprié. L'étau de ses doigts contre sa paume s'intensifia quand il descendit une volée de marches qui les conduisit un peu plus bas dans les entrailles de la Princesse Andromède. À mesure qu'ils avançaient dans l'obscurité, percée progressivement par la chandelle qu'avait allumée le pirate, les battements de cœur de Lucrèce s'accéléraient sensiblement. Le mystère qui entourait l'homme qui la guidait la fascinait bien malgré elle et cela lui plaisait énormément. Elle l'avait rencontré à peine quelques heures plus tôt mais, à ses côtés, elle avait l'impression de quitter sa zone de confort pour faire face à des dangers que, jusqu'à ce soir, elle aurait tout donner pour éviter.

Le grincement significatif d'une porte qu'on ouvre la ramena brusquement à la réalité. Le cœur tambourinant contre sa poitrine, comme s'il voulait s'échapper pour découvrir le premier ce qui se cachait dans cette pièce, Lucrèce entra à l'intérieur de la salle propice à la discussion selon les dires du pirate qui était resté silencieux depuis. Elle comprit au premier coup d'œil que l'homme l'avait emmenée dans sa cabine. Étroite et seulement munie d'un lit et d'une table recouverte de ce qui ressemblait à des cartes, la pièce ne payait pas de mine et correspondait plutôt bien à l'image que se faisait Lucrèce d'une cabine.

- Je vous en prie, asseyez-vous, ma perle, l'enjoignit-il en lui tendant une chaise bancale du doigt.

Elle obéit en le regardant prendre place sur son matelas de fortune. La bougie fondait peu à peu, sa sueur se transformant petit à petit en une fine couche de cire blanchâtre. Lucrèce se sentait étrangement bien dans cette pièce pourtant lugubre. Ce qui pouvait paraître comme un endroit sombre à la propreté douteuse était pour Lucrèce un petit coin d'intimité à la lueur tamisée.

- De quoi voulez-vous parler ? l'interrogea-t-elle.

Après tout, c'était lui qui l'avait retenue pour se connaître un peu plus... Mais mentir serait que de dire qu'elle n'avait pas mille et une questions à lui poser...

- Quel âge avez-vous, Lucrèce ?

Cette question la surprit. Elle ne pensait pas qu'une telle information ait une quelconque importance pour lui.

- Dix-huit ans et vous ?

Le pirate lui adressa un de ses sourires en coin qui n'appartenait qu'à lui.

- J'ai vingt-deux ans. Depuis quand travaillez-vous dans cette auberge ?

Lucrèce prenait plaisir à répondre aux questions de l'homme même si elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où les mènerait cette discussion. Elle pouffa de rire, voyant clairement que l'homme n'avait toujours pas compris que son père était l'aubergiste lui-même.

- D'aussi loin que je m'en souvienne j'ai toujours naviguer entre les tables et les jambes des clients de l'auberge, Monsieur le pirate ! Mais j'ai pour ainsi dire commencé à travailler là-bas à douze ans. Mon père en est le propriétaire !

Radburn était surpris mais il n'en montra rien. Il aurait dû comprendre bien plus tôt que si la jeune femme avait si peur que son père remarque son absence c'était parce qu'il était le patron. Mais trop obstiné à vouloir la garder auprès de lui il n'avait pas su analyser correctement la situation.

- Et cela vous plaît-il ? Je veux dire, servir des hommes à longueur de journée.

Lucrèce haussa négligemment des épaules.

Son trésor le plus précieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant