Chapitre 13*3

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Nous parcourons les quelques mètres nous séparant de l'entrée de la boutique. Cédric passe devant moi. Au moment de dépasser le seuil, les images de la dernière fois où je l'ai franchi refont surface. Je revois Cédric embrasser une autre que moi, la trahison ressentie, la détresse, le chagrin. Puis reviennent les moments heureux, toutes les autres fois où je l'ai rejoint ici à la fin du travail.

Quelques clients s'affairent dans les rayons. Guillaume et un autre vendeur que je n'ai jamais vu, sans doute embauché peu de temps après notre rupture, les renseignent avec une sympathie charmante.

Cédric se dirige vers son ami. Il explique rapidement à Guillaume qu'il sort de la seconde boutique où tout se passe bien. Ils font le point sur les commandes à passer, leurs stocks, les ventes de la journée. Je retrouve l'assurance de Cédric, celle qui me plaisait tant, la maîtrise de son travail. Il est passionné, investi. L'homme meurtri se laissant totalement aller, celui que j'ai vu lors de ma dernière visite chez lui, a disparu. Il a su se relever et je suis heureuse de le voir ainsi, rempli de force et de courage. Je ne quitte pas des yeux Guillaume, je ne suis pas certaine qu'il me saluera je ne suis même pas sûre d'attendre un signe de sa part. Nous nous sommes vus la dernière fois le jour de l'enterrement, il était là pour soutenir Cédric lorsqu'il s'est effondré au cimetière, anéanti par le chagrin.

J'aimerais le remercier d'avoir été là, d'avoir aidé son ami à surmonter ces épreuves. Pour l'instant, il est concentré sur les informations apportées par Cédric, il ne semble pas du tout distrait par ma présence, je me demande s'il a seulement remarqué que je me trouve à quelques centimètres de lui. Je laisse mon regard balayer le magasin, ce magasin que je connais par cœur, où j'aimais me rendre pour retrouver mon compagnon.

Les clientes se pressent dans les allées, les bras chargés de cintres. Certaines lancent des regards en coin aux deux gérants en pleine discussion. Leurs charmes ne cessent d'attirer les midinettes, je ne peux retenir un sourire en les voyant les dévisager avec peu de discrétion. Le nouveau vendeur, qui ne semble guère avoir plus de vingt-cinq ans, s'active dans les rayons. Je ne suis plus habituée à une telle effervescence. À présent, je suis plus souvent seule avec Raphaël, nous passons des heures entières à profiter du temps qui nous est octroyé. Depuis le jour où nous avons décidé de nous donner une chance, même si nous sommes conscients que notre histoire ne pourra jamais être révélée.

Cédric m'attrape par le bras pour m'entraîner dans la réserve. Je jette un coup d'œil à Guillaume. Il me salue d'un signe bref de la tête suivi d'un clin d'œil. Je lui rends un sourire, ravie de constater qu'il a remarqué ma présence. À moins que ce ne soit Cédric qui le lui a fait remarquer ? Je n'écoutais plus leur conversation, trop absorbée par l'agitation autour de moi.

Nous nous retrouvons dans la petite pièce à l'arrière du magasin. Je prends place sur une des chaises après avoir retiré mon manteau. Cédric pose le sien sur le bureau et s'assoit face à moi.

Je suis la première à prendre la parole. Tout un tas de questions se bousculent dans ma tête :

– C'est étrange de me retrouver ici, je ne pensais pas revenir là un jour. Alors, dis moi, qu'est-ce que tu deviens ? Et ne me dis pas que tu as arrêté de fumer, je sais que ce n'est pas vrai.

– Je ne peux rien te cacher. Désolé de te décevoir, je sais que tu aurais préféré que je ne reprenne pas ou que j'arrête de nouveau. Mais je t'assure, je fume beaucoup moins que lorsque nous nous sommes connus.

Il se lève, se dirige vers le frigo, l'ouvre pour en sortir une bouteille de jus d'orange, sort deux verres d'un placard, les remplit et me tend l'un des deux. Je le remercie avant de boire une gorgée :

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant