Chapitre 8*3

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Une quinzaine de mètres nous séparent de la plage. Prise d'un élan de compétition, et tenant vraiment à lui prouver que je ne ressens plus de douleur, je le mets au défi de rejoindre nos serviettes avant moi à la manière des enfants faisant la course.

– Ça c'est vraiment déloyal ! dit-il surpris et amusé.

– Tu as peur de perdre ?

Sans se faire prier, il troque la brasse contre un crawl parfaitement maîtrisé. Je peine à suivre sa cadence, mais l'envie de gagner me pousse à dépasser mes limites. Je brise l'eau avec agilité, Raphaël s'éloigne de plus en plus, je reste assez proche pour maintenir une distance raisonnable afin de garder l'esprit clair et ne pas manquer m'évanouir. Nous rions tout en tâchant de conserver notre souffle pour la compétition. La plage se rapproche, Raphaël me devance de deux ou trois mètres. Mes jambes raclent le sable au moment où je le vois tituber pour se mettre debout. Je fais de même, l'eau m'arrivant aux genoux et me mets à courir déterminée à remporter cette course bien que mes foulées soient freinées par le lac. Raphaël sort de l'eau une demi-dizaine de secondes avant moi, ses pieds frôlant à peine le sable tant il est rapide. Je retrouve assez d'énergie pour réduire la distance qui nous séparait. Je suis tellement proche que je pourrais le toucher. Dans une dernière tentative pour le déstabiliser, je m'empresse d'attraper son bras et profite qu'il tourne la tête dans ma direction pour sauter sur ma serviette une seconde avant lui.

– J'ai gagné !

Je brandis mes mains en l'air pour appuyer ma victoire avant de me laisser tomber sur le morceau de tissus éponge complètement à bout de souffle. Raphaël s'assoit à mes côtés, la respiration saccadée, un sourire aux lèvres :

– Je t'ai laissé arriver la première, sinon je serais ici depuis déjà deux bonnes minutes !

Je ris à cette réplique tellement enfantine et peu crédible. Raphaël tente de me convaincre de son sérieux, en vain :

– Je t'assure que c'est vrai ! Et toi, avoue que tu avais prémédité tout ça. Tu as feint une crampe pour avoir une longueur d'avance sur moi. Tu as cherché à m'épuiser car tu savais pertinemment que tu n'avais aucune chance de me battre !

Des larmes roulent sur mes joues, sauf que pour une fois, la raison de leur présence n'est pas liée à la tristesse. Je ne me suis jamais sentie aussi bien qu'à ce moment précis. J'essuie mes yeux humides en tentant de retrouver un air un peu plus posé. Raphaël m'observe, l'air satisfait, ses lèvres étirées par un sourire :

– J'ai perdu la course, mais j'ai réussi à te faire passer un bon moment.

– C'est vrai, merci de m'avoir amenée ici, je ne pensais pas me sentir si bien. J'ai l'impression d'être celle que j'ai toujours été.

Raphaël acquiesce.

– Ravie d'apprendre que ma mission est accomplie !

Il tente d'étouffer un bâillement de sa main. Les premières lueurs du jour commencent à pointer à l'horizon, colorant le ciel d'un jaune orangé. La journée a été longue pour lui mais aussi pour moi. Bientôt, je devrais retrouver ma solitude.

– Tu ferais bien de rentrer chez toi avant de n'en être plus capable. Tu tombes de fatigue et cette course n'a pas amélioré ton état.

– Pas sans toi.

– Je peux très bien rester ici, ne t'en fais pas. Tu as déjà fait énormément pour moi aujourd'hui. Vraiment, tu ne peux pas imaginer à quel point.

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant