Chapitre 16*2

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Je devrais être aux anges à l'approche de la naissance du bébé de ma sœur, je le suis, mais pas entièrement. Une partie de moi ne l'est pas, celle retenue par l'homme qui envahit mon cœur, mes pensées, mon âme.

D'ailleurs, je ne réalise pas qu'Olivia tente d'attirer mon attention depuis plusieurs minutes. Je réagis seulement quand je reçois un bavoir en plein visage.

– Alice, tu peux me passer le body à côté de toi s'il te plaît ?

Elle est en pleine préparation de la valise pour la maternité. Il faut dire que dans un mois, son enfant pourra naître sans aucun risque de prématurité.

– Tu as pensé aux chaussons ? lui demande Ludivine.

– J'ai pris trois paires mais tu as raison je vais en prendre des supplémentaires.

Ma sœur s'agite tant bien que mal, son ventre rendant chacun de ses mouvements lents et maladroits.

Je la regarde s'affoler, ouvrir un tiroir pour le refermer aussi vite, sortir du linge de sa valise, compter des piles de vêtements minuscules, les ranger dans un placard, fouiller dans sa corbeille à repasser, la dépouiller d'une grenouillère, pour finalement la reposer tout en haut de la pile de vêtements en attente d'être défroissés. Mes cousines sont elles aussi emplies d'une motivation sans faille, conseillant ma sœur sur quels vêtements choisir.

Je suis là avec elles, pourtant des kilomètres semblent s'interposer entre nous. Leurs voix me parviennent de loin, leurs mouvements sont lents, je regarde la scène comme si elle était passée au ralenti. Pourquoi je suis ici ? Et si Raphaël avait raison ? Si la seule réponse à cette première question était justement pour rester auprès de lui ? Si je décidais de ne penser qu'à moi, de ne plus m'assurer d'être présente lorsque ma famille en a besoin ? Faire abstraction de ma raison pour n'écouter que mes sentiments. Après tout si je suis là, c'est avant tout grâce à son obstination.

– Alice tout va bien ? Tu as l'air étrange.

Olivia, Ludivine et Noémie me regardent l'air inquiet. Il faut dire que je ne les écoute plus, mon corps est là avec elles, mes pensées, elles, sont égarées dans une autre dimension, perdues entre deux mondes. Je ne leur réponds pas je me contente de les observer les yeux dans le vague. Je ne sais plus quoi faire. J'aimerais tellement pouvoir tout leur raconter, le noir, le néant. Leur dévoiler mes sentiments pour Raphaël, les jours passés auprès de lui, tout ce qu'il a fait pour moi. Olivia sait que je lui cache beaucoup de choses, elle me l'a dit à plusieurs reprises. Je ne doute pas qu'il doit en être de même pour mes cousines.

Après ma rupture avec Cédric, Raphaël et moi nous étions déjà fortement rapprochés, un rapprochement difficilement imperceptible. Mes parents devaient se douter que nos rendez-vous pour parler de l'organisation du mariage de leur cadette était un prétexte inespéré pour nous retrouver en tête en tête. Et maintenant, il est le seul survivant d'une tragédie commise par celle qu'il a tenté de ramener à la vie grâce à son amour, son souffle, son courage. Une seconde chance pour nous deux et je l'ai abandonné. À présent, je dois subir ses sanglots, sa tristesse, son épuisement face à mon absence. Une torture pour lui mais aussi pour moi. Se doute-t-il de ma souffrance ? Qu'il est difficile pour moi aussi de supporter son manque ?

Ma sœur et mes cousines attendent une réaction de ma part. Si seulement je pouvais leur demander conseils, savoir si j'ai raison de l'ignorer quand son âme entière me réclame ? Laisser le temps me prouver que cette décision était la meilleure. Il finira par rencontrer la femme qui lui permettra de m'effacer de sa mémoire. Et si cela arrive, est-ce que les souvenirs de ma famille suffiront à me sortir du néant ? À maintenir cette partie de moi hors des ténèbres ?

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant