Chapitre 2.2

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J'acquiesce d'un hochement de tête. Les deux photos prisonnières des mains de Cédric se retrouvent en une envolée sur la table basse.

– Mes parents ont été anéantis quand ils ont su que...

Sa voix s'étrangle, ses yeux s'embuent de larmes. Un mot. Un mot qu'il est incapable de prononcer. Un mot qui définit ce que je suis.

– Je sais...

Il secoue la tête pour éclaircir ses pensées et poursuit, les mots vibrants d'émotions :

– Ils t'aimaient et ils appréciaient véritablement tes parents. Ils voulaient venir à l'enterrement mais j'ai refusé, tu comprends nous n'étions plus ensemble, je ne souhaitais pas leur infliger tout ça... Je ne savais pas comment allait réagir ta famille...

Il marque une pause, ses yeux s'attardent sur moi, implorants. Il prend le temps de me détailler, comme pour capturer cet instant qui viendra renforcer ceux que nous avons déjà en commun. Puis, je vois ses lèvres bouger avant d'entendre le son qui en sort :

– Tes parents devaient me détester.

Je n'ai pas besoin de mentir pour le tranquilliser. Car s'ils m'ont aidée à ne pas craquer, à ne pas retourner vers Cédric c'est parce qu'ils suivaient la même ligne de conduite depuis notre naissance, à Olivia et moi, à savoir respecter nos choix. Je ne voulais plus voir Cédric, je ne voulais pas entendre ses explications, ignorant chacune de ses tentatives pour me contacter. Mais mes parents avaient deviné que je me sentais responsable de notre échec et qu'il était plus facile pour moi de fuir la vérité que de me l'avouer. Rendre Cédric entièrement fautif de notre rupture me permettait, inconsciemment, de protéger ma fierté. Ce qui nous avait poussé l'un vers l'autre s'était brisé, et il était trop tard pour recoller les morceaux. Voilà ce que je me répétais tous les jours pour combler son manque. Ses bras qui ne viendraient plus s'enrouler autour de moi. Ses lèvres qui n'effleureraient plus les miennes. Ses « je t'aime » qui ne me seront plus susurrés.

Je devais l'oublier.

Tout oublier.

– Non, mes parents ne te haïssaient pas. Ils protégeaient simplement leur fille.

– Tu ne m'as pas laissé l'occasion de m'expliquer. Je suis venu à l'enterrement pour le faire, même si je n'étais pas vraiment certain que tu entendrais ce que je tenais à te dire, mais quand je t'ai vue... Je n'étais plus vraiment sûr d'avoir toute ma tête... D'ailleurs j'en doute encore en ce moment.

Il a un rire nerveux, se lève du canapé et fait le tour de la petite pièce tel un lion en cage en ne me lâchant pas du regard. Un regard qui me paraît affolé. Je dois réagir si je ne veux pas assister à la même scène qu'au cimetière. Sans réfléchir, je le rejoins, l'attrape par le bras pour le stopper dans son élan. Nous sommes tous deux décontenancés. Lui par ma présence, moi par son changement brutal d'attitude. Nous restons ainsi ne sachant comment réagir, déboussolés. Je suis la première dont le trouble s'estompe pour laisser place à la colère, celle que je n'ai pas partagé et qui fait rage dans ma voix :

– Ressaisis-toi ! Tu n'as pas le droit de te laisser aller comme tu le fais ! Tu crois que je vais rester assise sans réagir ? Que c'est la raison de ma présence ? Tu n'es pas l'homme que j'ai connu ! Tu crois que c'est l'image que je veux garder de toi ? Un homme qui se laisse mourir à petit feu ? C'est ça que tu veux ? En finir avec la vie !

Ces derniers mots sont aussi violents qu'un coup de poing. Je sais qu'ils ont touché un point particulièrement sensible, qui lui rappellent tout ce qu'il a dû endurer ces dernières semaines. Je les ai choisis volontairement pour le faire réagir. Une provocation qui obtient l'effet escompté. Ses pupilles se dilatent sous l'effet de la surprise, puis, la fureur l'emporte quand il me répond, un flot de paroles qu'il a longtemps ruminés et sort avec fracas :

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant