Chapitre 13*2

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Je me redresse pour affronter son regard. Il n'y a aucune aversion je ne ressens que de l'affliction. Raison pour laquelle je ne tenais pas à ce qu'il sache ce que je suis devenue. Toutes les personnes avec qui j'ai eu l'occasion de parler, de partager un moment, connaissaient mon sort. Il était le seul à ne rien savoir de mon état, à me regarder comme une femme parmi tant d'autres. À présent, ce n'est plus le cas, et je doute de rencontrer de nouveau quelqu'un qui se souviendra de moi sans savoir ce qu'il m'est arrivé.

Est-ce si difficile de comprendre que j'étais heureuse de pouvoir parler à une personne que je n'avais pas revue depuis des années, qui ignorait tout des derniers événements concernant ma vie ? Quelqu'un avec qui je pouvais discuter comme avant, sans lire de tristesse dans ses yeux ? Olivia était dans l'obligation de tout lui raconter, je le conçois, la soirée n'était pas finie, il devait justifier son absence auprès de ses amis et pour cela il était préférable qu'il apporte la même version que celle de ma cadette. Mais cette nouvelle confrontation avec moi-même me chagrine beaucoup plus qu'elle ne devrait. Et pourtant, une fois encore j'affiche un sourire en me décidant à briser le silence qui s'est installé :

– Je vais bien, vraiment. La preuve je suis en train de faire les boutiques avec ma sœur.

Mon ton est beaucoup trop enjoué pour paraître naturel. Mathieu se contente d'un bref hochement de tête, puis il se décide à son tour à faire entendre le son de sa voix :

– Quand Olivia m'a tout raconté, je ne l'ai pas crue au départ. Je pensais à une mauvaise blague. Pourtant, elle semblait sérieuse et insistait là-dessus. J'ai repensé à la soirée, à certains détails et j'ai compris que c'était la vérité.

Il marque une pause, baisse les yeux pour fixer ses pieds comme je l'ai fait quelques instants plus tôt. De toute évidence, il est difficile pour lui de ne pas laisser ressurgir l'adolescent d'autrefois. Comment lui en vouloir ? Qui ne serait pas déstabilisé devant une telle situation ? Il donne un coup de pied dans un caillou, se décide à poursuivre comme si cette action lui avait permis de trouver la force nécessaire pour se donner du courage :

– Je ne t'ai jamais remerciée pour toutes les fois où tu étais là pour moi, au collège. Et la seule fois où j'aurais pu le faire, j'ai cherché à te mettre dans mon lit. Quel idiot !

Il glisse une main dans ses cheveux bruns pour les ébouriffer, jette un regard à Olivia qui l'encourage d'un petit hochement de tête.

Il s'apprête à poursuivre mais je l'en empêche en le rassurant. Il ne pouvait pas savoir, et j'ai été flattée de constater que je pouvais plaire, raison pour laquelle je n'ai rien dit :

– Je me suis volontairement laissée faire, j'étais heureuse de constater que malgré les années, tu te souvenais de moi et c'était agréable de pouvoir parler avec quelqu'un qui ignorait tout. Pour ce qui est du collège, tu n'as pas à me remercier. C'était normal tu sais.

– Tu étais la seule pour qui ça l'était. Et je suis sincèrement désolé pour ce qui t'es arrivé. Tu ne méritais pas ça.

Au-delà de sa sincérité que je ressens et qui me touche profondément, c'est sa compassion qui me trouble.

Des images du passée refont surface, s'infiltrent dans mon esprit.

Je nous revois au collège lors d'un travail à faire en binôme, les regards en coin des autres élèves, les rires étouffés, les mots blessants. Je l'ai toujours trouvé courageux d'endurer toutes ces moqueries au quotidien. Pour moi, il n'y avait rien d'anormal à lui apporter un peu de soutien. Je n'avais jamais connu une telle animosité et je ne comprenais pas comment il était possible de s'acharner autant sur quelqu'un. Ce n'était pas l'éducation que l'on avait reçue ma sœur et moi. Il était donc normal pour moi de ne pas le laisser seul.

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant