Chapitre 7*3

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Nous rejoignons la table où les autres invités n'ont pas bougé. Ludivine et Noémie semblent perplexes tout comme Benjamin. Je leur souris en murmurant que tout va bien. Nicolas, le cousin de Benjamin, ne peut s'empêcher de faire une remarque sur le temps que mettent les filles pour se repoudrer le nez, ce à quoi ma sœur répond qu'elle le met au défi d'aller au petit coin avec une robe de mariée sans la saccager. Cette remarque finit de détendre l'atmosphère, je surprends même Raphaël en train de rire.

Peu avant l'arrivée de la pièce montée, Nicolas fait teinter la pointe de son couteau sur son verre, réclamant ainsi le silence et l'attention de tous. La salle devient calme, le bruit de fond obtenu par les divers échanges, disparaît. Il sort de sa poche une feuille de papier et commence son discours avec une touche d'humour bien sentie :

– Benjamin, Olivia, je vous remercie pour cette journée et je suis sûr qu'il en est de même pour les personnes ici présentes. C'est vrai, grâce à vous je ne suis pas obligé de me nourrir de mes éternelles pâtes sans saveur. Vous m'offrez l'occasion de déguster des plats succulents. J'ai même découvert certains aliments dont j'ignorais l'existence avant aujourd'hui. Mais assez parlé de mes problèmes de cuisinier, si nous sommes ici c'est avant tout pour célébrer l'amour de deux personnes formidables.

Il poursuit son monologue relatant la rencontre de son cousin et de ma sœur. Lui, attendant dans la salle d'attente avec son chat, elle, encore simple stagiaire dans la clinique vétérinaire. C'est de cette manière qu'ils se sont rencontrés.

En écoutant cette histoire dévaler les lèvres de Nicolas, je suis projetée dans mon propre souvenir où la narratrice se trouve être ma sœur.

Je la revois entrant dans mon appartement toute excitée après avoir frappé à la porte de façon insistante. Elle avait relaté dans ces moindres détails la manière dont cet homme l'avait regardée de ses yeux bleus foncés accentués de cils noirs épais. La façon qu'il avait eue de l'inviter à prendre un verre en soulignant qu'il ne pouvait pas laisser passer l'occasion de connaître davantage une fille aussi charmante. Elle était à ce moment une parfaite combinaison de panique, d'exaltation et de stress. Elle ne savait pas comment s'habiller, ni comment elle devait se comporter. Elle répétait en boucle qu'elle ignorait tout d'un rendez-vous de ce genre. En effet, ma petite sœur n'avait eu que deux relations entre le collège et le lycée, chacune d'elle durant plus de deux ans, avant qu'elle ne se plonge corps et âme dans ses études lui laissant peu de temps pour les flirts.

Je l'avais rassurée, lui avais prêté une de mes robes, coiffé ses cheveux et maquillé ses yeux. En se découvrant dans le miroir, elle avait osé dire qu'elle avait sans doute une chance de lui plaire. Ce à quoi je lui avais répondu qu'il ne l'aurait pas invitée si elle ne lui plaisait pas déjà. Ma petite sœur venait de rencontrer l'homme de sa vie, tandis que je continuais à le chercher, jusqu'à ma rencontre avec Cédric un an après.

Aujourd'hui, je suis forcée de constater que je n'aurai jamais la chance de finir ma vie avec quelqu'un.

Les applaudissements qui envahissent la salle me font sortir de ma rêverie. Les mariés remercient chaleureusement Nicolas, puis, c'est au tour de Noémie de récupérer le micro, et de partager ce qui est noté sur une feuille de papier. Olivia ne cesse de me jeter des coups d'œil, consciente que les mots prononcés par notre cousine auraient dû sortir de ma bouche. Mes yeux se voilent, je ne vois plus clair, mon cœur se serre à m'en faire mal. J'essuie rapidement une larme roulant sur ma joue. Je suis heureuse d'être là, bien sûr, mais entendre les phrases que j'ai écrit il y a quelques mois me touche profondément. C'est tout ce que l'on a vécu qui défile dans ma tête. Tout ce que ma sœur et moi avons partagé.

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant