Chapitre 9*1

17 7 0
                                    


Je ne cesse de repenser à la nuit passée au lac d'Aiguebelette. Pour la première fois depuis des mois, il n'y a eu aucune coupure, aucun trou noir. Je n'ai pas quitté Raphaël, je suis restée à ses côtés avant que celui-ci me dépose au château afin d'aider ma sœur à le ranger.

Je me suis assoupie dans la voiture sur le chemin du retour. Quand j'ai ouvert les yeux, Raphaël n'avait pas bougé. Il me surveillait comme le lait sur le feu, comme s'il avait peur que je m'échappe. Je n'ai pas plongé dans un lac froid et sombre, je ne me suis pas retrouvée seule entourée de vide. Je suis restée près de lui, bercée par la route, la tête envahie de rêves plus féeriques les uns que les autres. Un sommeil profond, réparateur comme je n'en avais plus connu depuis des semaines. J'ai redécouvert cette sensation si agréable lorsque tout semble parfait quelques instants avant d'ouvrir les yeux. L'espace de plusieurs secondes, nous étions tous de nouveau réunis, mes parents, ma sœur et moi. Cédric était toujours mon compagnon et nous parlions de construire notre famille. Ce monde irréel entouré de brume, de songes, d'images chatoyantes et un peu floues. Ce moment de répit loin de mon nouveau monde, loin du froid, loin de mes incertitudes, a pris fin bien trop tôt, rattrapé par la réalité, ébloui par la luminosité.

J'ignore combien de temps je me suis endormie, le soleil était déjà haut lorsque je me suis réveillée. Nous sommes restés tous les deux dans son véhicule garé sur le parking du château. J'ai tenté de le convaincre de venir avec moi, mettant en avant qu'il n'y aurait que ma sœur, son mari et mes cousines, des arguments vains. Il a maintenu qu'il préférait prendre de la distance avec eux en insistant sur le fait que je devais garder le secret sur nos entretiens. Juste avant que je ne quitte l'espace restreint en apercevant Olivia à travers la porte-fenêtre accompagnée de Noémie, Ludivine et Benjamin, il a attrapé ma main, contact chaud et familier, me faisant promettre de revenir le voir.

Une incertitude pour lui.

Une évidence pour moi.

J'ai rejoint ma famille, Raphaël se tenant derrière moi s'assurant que je n'allais pas m'évanouir. Il s'est éclipsé juste avant que je n'ouvre la porte, ne tenant pas à se faire voir.

Personne ne m'a demandé où j'étais passée la veille, les seules paroles que nous avons échangées concernaient notre tâche au sein du château pour le rendre tel que nous l'avions trouvé avant les festivités. Je leur en suis reconnaissante, même s'il n'aurait pas été difficile de trouver une excuse valable pour expliquer mon absence, sans pour autant déclarer que je m'étais enfui avec Raphaël. Il m'aurait suffit de prétendre que je ne tenais pas à revivre la dernière soirée où j'avais tenté de danser ne souhaitant pas attirer des regards curieux.


Le bâtiment a quasiment retrouvé son aspect d'avant la célébration. Nous faisons un dernier tour dans chaque pièce pour vérifier que rien n'a été oublié. Ma sœur et son mari ont les visages fatigués, bien qu'ils respirent la joie de vivre. Ils sont beaux à voir, je ne peux m'empêcher de sourire face à tant de bonheur. Les jeunes mariés repartent ensemble, je monte avec mes cousines. Elles semblent épuisées par ces dernières heures, je redoute même que Noémie ne s'endorme au volant. Je proposerais volontiers de prendre sa place, sauf que cette solution est impossible. Ludivine s'assoupit, la tête appuyée contre la vitre arrière et pour maintenir sa sœur éveillée, je tiens la conversation tant bien que mal. Nous parlons principalement de banalités, je lui pose des questions sur la suite de la soirée, ce qu'il s'est passé après mon départ.

J'apprends ainsi que la fête a pris fin aux alentours de quatre heures, son sommeil a été de courte durée, elle a hâte de retrouver son lit et surtout son oreiller, beaucoup plus moelleux que celui de cette nuit. Elle apprécie que je sois revenue pour leur donner un coup de main à tout remettre en état avant de rendre les clés au propriétaire du château. Elle se concentre pour entretenir la conversation entrecoupée par ses bâillements. Une lutte difficile contre l'assoupissement. Je crains qu'elle ne s'endorme en conduisant. Je rage intérieurement de ne pouvoir prendre le relais. Quel intérêt d'être ici si je ne peux que la contempler en essayant maladroitement de la maintenir éveillée ? À quoi je sers ? Je la secoue vigoureusement en poussant un cri de frayeur lorsqu'elle pique du nez. Il s'en est fallu de peu que l'on rentre dans le décor.

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant