Au-delà des souvenirs

Chapitre 11*3

Sa présence me rassure, me donne le sentiment qu'il ne pourra rien m'arriver. Une fois de plus, il me permet de vivre des instants que je ne pensais plus possibles. Les images défilent, nous rions ensemble, échangeons quelques commentaires sur les acteurs que nous apprécions. Lorsque le générique de fin arrive, je réalise que Raphaël semble fatigué.

– Depuis combien de temps tu n'as pas fermé l'œil ?

– Quelle importance ?

– Je te l'ai déjà dit, je ne veux pas que tu t'empêches de dormir à cause de moi. Repose-toi j'ai besoin de toi, de ta vitalité. Je te promets d'être là à ton réveil, de ne plus te laisser sans nouvelle, mais tu dois te reposer, tu ne pourras pas lutter contre le sommeil éternellement. Et je n'ai pas envie de te voir dépérir à cause de moi, j'ai déjà causé trop de pertes.

– Alice, tu n'imagines pas ce que j'ai traversé durant tout le temps où tu m'as laissé seul. Quand je t'ai revu au mariage de ta sœur, j'ai essayé de te chasser de mes pensées, de me convaincre que je devais t'oublier, qu'il ne fallait surtout pas te parler. J'ai supposé tellement de choses. Que tu m'en voulais, que j'avais rêvé le jour de l'accident, que tu n'étais jamais restée avec moi. Je voulais à tout prix t'éviter. Personne ne me parlait de toi, et je devais continuer de vivre sans évoquer ton nom.

Il marque une pause, secoue la tête en riant amèrement, comme si le fait de me dévoiler tout ça était insensé.

– Tu étais la seule personne dont j'avais besoin et je devais faire comme si tu n'avais jamais existé ! As-tu la moindre idée de la douleur que l'on ressent quand on essaye de lutter contre ses souvenirs ? Et puis, j'ai remarqué qu'à chaque fois que j'essayais de te balayer de ma mémoire, tu semblais souffrir, comme si nous étions connectés. C'était impossible pour moi de continuer à t'infliger ça, de nous infliger ça. Le moment que l'on a passé au lac ce fameux soir m'a confirmé qu'il n'était pas envisageable que tu sortes de ma vie. Et tu voudrais que je dorme alors que tu te tiens à côté de moi ? Impossible !

Je me souviens des bourdonnements insoutenables lors du mariage de ma sœur à chaque fois que j'essayais d'attirer l'attention de Raphaël. Je ne comprenais pas d'où provenaient ces bruits horripilants qui me donnaient envie de fuir. Je reste stupéfaite en faisant le rapprochement avec les confidences qu'il vient de me faire. Face à ses aveux, je décide à mon tour de révéler une partie de ce que j'ai vécu, sans tabou. Lui laisser entrevoir un morceau de ma vie :

– J'ai réalisé que je n'avais plus de tes nouvelles seulement quand Cédric m'a avoué qu'il te tenait responsable de mon sort. Ce constat m'a bouleversé, j'étais accaparée par ma sœur, je m'en voulais de ne pas avoir remarqué ton absence plus tôt. Je ne comprenais pas pourquoi tu n'étais pas venu à l'enterrement. J'ai cru que tu ne voulais plus me voir pour tout un tas de raisons dont certaines sont évidentes... Et puis quand je t'ai vu au mariage d'Olivia les images de l'accident m'ont percutée, c'était insupportable et ça l'était d'autant plus quand j'ai réalisé que tout le monde avait remarqué mon malaise à l'exception du photographe et toi. Personne ne te parlait, et les rares personnes qui faisaient attention à toi semblaient mal à l'aise. J'avais l'impression de voir mon reflet. Et là j'ai cru, j'ai vraiment cru que...

Les mots s'étouffent dans ma gorge, je réprime un sanglot. La douleur ressentie à ce moment, ressurgit. Je suis de nouveau au mariage de ma sœur, paniquée, hurlant le prénom de Raphaël, le cherchant désespérément au milieu de la foule.

– J'ai cru que tu étais mort !

J'enfouis mon visage dans mes mains, je ne peux plus contenir mes larmes. Raphaël me prend dans ses bras, réconfortant.