Chapitre 10*2

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Ce n'est pas la première fois qu'elles se rencontrent, ni que nous sommes si proches. Nos souffles se sont déjà mélangés, la différence étant que ce ne sont pas pour les mêmes raisons. Des sentiments contradictoires m'envahissent, je suis troublée, je ne sais comment réagir. Je me laisse faire, incapable de le repousser, incapable de l'embrasser en retour. Ma raison me crie de le rejeter, mon corps d'accepter ce contact. Un duel acharné se joue entre ma conscience et mes envies, mes désirs les plus fous. Les mains de Raphaël entourent à présent mon visage, les miennes n'ont pas bougé, alors que je rêverais de l'attirer plus près de moi. Une nuée d'émotions accapare mon esprit, je ne suis plus qu'un pantin guidé par la volonté de l'homme qui m'a permis d'être là aujourd'hui, je ne peux résister plus longtemps. Je laisse ma raison de côté pour me laisser porter par son baiser qui se fait plus intense. À mon tour, je laisse mes mains le rapprocher de moi, comme si je cherchais à me fondre en lui.

Nous attendons ce moment depuis des jours, des semaines, des mois. Depuis le jour où j'ai quitté Cédric.

Je ne réfléchis plus, je laisse mon corps parler, agir. C'est agréable de se laisser porter par ses sentiments, de ne plus peser le pour et le contre, ne plus réfléchir à ce qu'il pourrait advenir.

Une fois encore, je décide de profiter de ces quelques secondes, de ces quelques minutes, de ces quelques heures qui me sont accordées.

Si tel est le besoin et l'envie de Raphaël pourquoi devrais-je le repousser ? Ne suis-je pas là justement pour ça ? Qui suis-je pour déterminer si cela l'aidera ou non à tourner la page ?

Le dernier corps à corps que j'ai partagé avec Cédric s'est avéré bénéfique pour lui. Il lui a permis de continuer sa vie, d'avancer sans ma présence à ses côtés. Qui me dit qu'il n'en serait pas de même avec Raphaël ? Bien sûr, ces suppositions ne sont que des mensonges. Il n'y a rien de comparable. Mon histoire avec Cédric était déjà finie, il avait simplement besoin de s'expliquer, de saisir l'occasion de me dire tout ce que je n'avais pas voulu entendre.

Ce que je ressens à présent est impossible à décrire, car je sais que nous ne devrions rien commencer, tout comme je sais aussi à quel point nous avons besoin l'un de l'autre.

Ses baisers sont doux et francs, je devine qu'il me sera difficile de m'en passer dorénavant. Ses doigts abandonnent mon visage pour venir appuyer sur ma nuque. Ses gestes à la fois délicats et impatients me laissent deviner qu'il attendait ce moment depuis longtemps, tout comme moi. Je me perds dans son étreinte enivrée par ses baisers qui en appelle toujours un autre. Impossible de m'arrêter. Ma raison est étouffée sous une avalanche de désirs.

Je sais qu'il faudrait que je le repousse, qu'il y a bien longtemps que j'aurais dû cesser de le voir. Notre histoire n'a pas commencé qu'elle est déjà vouée à l'échec. Nous nous mentons en agissant de la sorte.

Malgré tout, rien ne nous arrête. Les doigts de Raphaël se perdent dans mes boucles brunes, les miennes suivent l'exemple en caressant ses cheveux blonds coupés courts. Nos lèvres sont toujours soudées comme si l'idée même de se dissocier leur était insupportable.

Tous mes sens sont en alerte, mon corps se réveil après avoir été trop longtemps privé de stimulations, par un long frisson qui longe ma colonne vertébrale. Les battements de mon cœur s'accélèrent, une douce chaleur m'envahit, chaque parcelle de ma peau s'enflamme. Je me laisse porter par cette frénésie, cette ardeur qui ne cesse d'augmenter et me place à califourchon sur Raphaël, seul le tissu de nos vêtements nous séparent. Ses bras viennent s'enrouler autour de moi. À travers nos baisers, je l'entends murmurer mon prénom. J'abandonne sa bouche avec regret pour plonger mes yeux dans les siens, mes doigts cramponnés à ses épaules. Il semble hésiter, je l'encourage en lui demandant ce qu'il tient à me dire. Je devine une gêne qui me rend d'autant plus curieuse de connaître la raison pour laquelle il m'a demandé de mettre un terme à notre étreinte.

– Je pense qu'après ce que l'on a traversé tu peux tout me dire, non ?

Ce sourire que j'aime tant se dessine de nouveau tandis qu'il secoue doucement la tête comme pour m'inciter à laisser tomber, avant de m'attirer de nouveau à lui pour m'embrasser toujours plus passionnément.

Le souffle court, ivre de ses baisers, je me blottis sur son torse, ses caresses longeant mon dos provoquent un frisson. Je pourrais rester ici éternellement, je me sens en sécurité, enroulée dans ses bras puissants et abîmés par la vie.

Le soleil tape de plus en plus fort. La douce brise ne parvient pas à me refroidir, je sens des gouttes de sueur se former sur ma nuque et mon front. Le clapotis de l'eau est attirant, je rêve de m'y glisser pour faire redescendre la température, consciente que le climat n'est pas le seul fautif à cette soudaine montée de chaleur. Je me redresse, embrasse fugacement Raphaël avant de me lever. Je lui tends la main, invitation à faire de même. Il s'en saisit, tire dessus pour me faire perdre l'équilibre afin de me retrouver prisonnière de ses bras. Fier de sa réussite, il me retient dans son étreinte solide en riant comme un enfant heureux d'avoir atteint son objectif. Je fais mine de me débattre en essayant de garder mon sérieux, bien que la tâche s'avère difficile. Comment ne pas rire devant un tel enjouement ? J'oublie l'idée de lui échapper et à mon tour, je passe mes mains derrière sa nuque et l'embrasse entre deux éclats de rire.

Cet instant est parfait, je n'aurais jamais imaginé passer un moment aussi heureux avec lui. Cet homme auquel je dois tout. S'il ne faisait pas aussi chaud je pourrais continuer nos échanges de baisers, mais je n'en peux plus, et l'appel du lac est irrésistible.

Je parviens à me dégager de l'emprise de Raphaël qui, cette fois, ne se montre pas très résistant. Je laisse tomber mon short et mon débardeur sur le sable pour me retrouver en sous-vêtement. C'est la seconde fois qu'il a l'occasion de contempler mon corps ainsi dévêtu et cela ne semble pas lui déplaire. Il ne se fait pas prier pour attraper la main que je lui tends, non pas pour me faire tomber une fois de plus, mais bel et bien pour m'imiter. Il s'empresse de délaisser son short et T-shirt et nous rejoignons la vaste étendue claire main dans la main. Je frissonne lorsque nos pieds se font engloutir par l'eau fraîche, néanmoins, nous continuons d'avancer jusqu'à ce qu'elle atteigne mes hanches. Je fais glisser quelques gouttes sur ma nuque, le long de mes bras, je commence à m'acclimater doucement lorsque Raphaël m'éclabousse me laissant stupéfaite.

– C'est toi qui désirais te rafraîchir, ne me fais pas croire que tu regrettes ?

Il me défit du regard ses lèvres étirées à leur maximum dessinant un rictus presque sournois.

Malgré le fait que je sois décontenancée par son audace, je n'en laisse rien paraître et à mon tour, j'envoie de longues et grandes giclées d'eau sur lui. Il ne se laisse pas surprendre pour autant, son allégresse prend le dessus et il s'empresse de m'imiter. Nos rires et nos supplications pour intimer l'autre de s'arrêter sont à peine perceptibles. Ce lac d'habitude si calme et paisible connaît une grande agitation de par notre persévérance à vouloir faire plier l'autre. Aucun de nous ne souhaite déclarer forfait et nous poursuivons notre acharnement sans retenue, allant même jusqu'à en avoir mal aux bras.

Malheureusement pour moi, je me fatigue beaucoup plus vite que Raphaël et suis contrainte de marquer une pause pour me détourner de sa trajectoire. Je m'éloigne suffisamment pour ne plus recevoir d'éclaboussure tout en restant assez proche pour ne pas me sentir divaguer. Raphaël ne s'est même pas aperçu qu'il est dorénavant seul à combattre. J'éclate de rire devant sa tête tournée vers l'arrière, paupières closes, les paumes de ses mains projetant l'eau face à lui provoquant des vagues sans cesse renouvelées par sa détermination. Si nous étions en pleine journée, entourée de la foule habituelle désireuse elle aussi de profiter d'un peu de fraîcheur, je sais que cette scène paraîtrait étrange. Un homme en train de s'asperger n'aurait rien d'inhabituel surtout par des températures pareilles. Mais que pourrait-elle s'imaginer face à quelqu'un jetant de l'eau sans direction précise ? Sans personne à éclabousser ?


Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant