Chapitre 6*1

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C'est le grand jour. J'aide ma sœur à finir de se préparer dans une des pièces du château de la Tour du Puits loué pour l'occasion. Un peu plus tôt dans la matinée, j'étais à ses côtés quand elle est passée entre les mains du coiffeur et de la maquilleuse. Ses cheveux sont remontés en un chignon tressé d'où s'échappent quelques boucles brunes et piqué d'un lys blanc. Son teint naturellement bronzé est rehaussé d'un subtil blush irisé, ses yeux verts sublimés par un dégradé de rose clair, ses longs cils bruns accentués par du mascara et ses lèvres magnifiquement dessinées et colorées, l'ensemble mettant son visage en valeur de façon très naturelle et lumineuse.

Elle se tourne et se retourne devant le miroir face à elle examinant sa robe soigneusement choisie. Elle en était à son troisième essayage lorsque ses yeux s'étaient mis à briller en observant celle qu'elle porte aujourd'hui. Une robe bustier en satin, ornée de plis, d'une broche sur la hanche et lacée dans le dos. Une robe divinement simple, correspondant parfaitement à la personnalité et la beauté de ma sœur. Des perles de culture sont accrochées à ses oreilles, mon cadeau pour ses vingt ans et l'éternel trèfle à quatre feuilles pend à son cou. Des bijoux légers et délicats qui valorisent harmonieusement la tenue d'Olivia.

– Tu es magnifique.

En admiration devant ma sœur ainsi vêtue, coiffée et maquillée, j'oublie que nous ne sommes pas seules, qu'un photographe se charge d'immortaliser chaque instant de cette journée et qu'elle se doit de rester concentrée tout en restant naturelle. J'aimerais me glisser à ses côtés, prendre la pose avec elle, mais je reste à l'écart, attentive, souriant émerveillée.

Ma petite sœur va se marier.

Elle croise mon sourire admiratif dans le miroir et me le rend tandis que les flash ne cessent de figer ces instants. Olivia prend la pose avec aisance, profitant de l'espace et de toutes les possibilités qu'offre la pièce.

Durant quelques minutes, je la revois enfant, dans son tutu de danseuse, virevoltant dans sa chambre face au miroir. Son corps léger et souple tournoyer. J'entends encore son rire cristallin résonner, le son de sa voix répéter qu'elle deviendra une grande ballerine, qu'elle se mariera avec un grand danseur et qu'ils ouvriront ensemble une école de danse.

Elle n'est pas devenue une grande danseuse professionnelle préférant se consacrer au fil des années à sa carrière de vétérinaire, elle ne va pas épouser un grand danseur et ils ne vont pas ouvrir d'école de danse. Mais je peux affirmer qu'aujourd'hui, elle s'apprête à concrétiser l'un de ses rêves. Il ne sera pas tel qu'elle l'avait imaginé, les personnes qui comptaient le plus pour elle ne seront pas là, mais je sais qu'elle est heureuse et rassurée que je sois près d'elle.

Elle prend place sur un fauteuil baroque, s'amuse avec l'objectif encore un peu avant de demander au photographe de rejoindre Benjamin qui lui aussi se prépare dans une autre pièce. Dès que la porte se referme sur lui, j'exulte en prenant place à ses côtés.

Mon enthousiasme est tel que je mets plusieurs secondes avant de constater qu'Olivia a les larmes aux yeux.

– Ne pleure pas, tu vas saccager ton maquillage et il n'y a plus personne pour les retouches.

Ma voix est douce, presque un murmure. J'essuie une larme prête à rouler sur sa joue du revers de ma main. Ses yeux qui fixent le sol se relèvent pour s'arrêter sur moi. Sa lèvre inférieure tremble, elle fait un effort pour ne pas éclater en sanglots. Je la prends dans mes bras, sa tête se pose sur mon épaule. Je la berce doucement en fredonnant la mélodie de maman, celle qu'elle me chantonnait le soir avant de m'endormir.

– Je devrais être la fille la plus heureuse du monde...

– Tu n'as pas à te reprocher d'être triste. Je suis sûre que papa et maman sont fiers de toi, comme ils l'ont toujours été. Tu as le droit de craquer, même si c'est le jour de ton mariage.

Au-delà des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant