— Des loups et des félins qui conclus une alliance, des félins qui accepte de travailler pour des rats... bon sang ! on aura tout vu ! s'exclama Hunter, traduisant le ressenti de tout le monde.
— J'ai l'impression que ça fait des siècles qui se sont écroulés depuis qu'on a été enfermé dans ce cachot sombre, pas des années, marmonna Lilith en s'appuyant plus volontiers sur le jaguar.
Tarik aussi, il avait le sentiment de ne plus avoir sa place dans ce monde. À son époque, il n'aurait jamais adressé la parole à Ethan sans que ça ne se termine en bain de sang, il n'aurait jamais serré la main d'un rat qui ne serait jamais venu leur apporter des ressources pour survivre.
Il n'aurait jamais laissé un mâle remettre en question son avis sur une femme.
Nahila. Merde !
— Ce midi, les amis, nous mangerons à notre faim, déclara-t-il pour distraire leur attention.
Des hurlements de joie accueillirent ces paroles et tous se mirent en mouvement. Kana s'approcha.
— Tu sais comment va Nahila ?
La vipère haussa les épaules.
— Non, personne n'est allé la voir depuis que Julyam l'a attachée dans la tente.
— Et personne ne l'a nourri ! s'étrangla-t-il.
Kana prit un air coupable.
— Tu ne nous as pas dit de le faire !
Jurant dans sa barbe Tarik se dirigea vers les vivres et prit un gros morceau de pain et une gourde pleine d'eau. Il avait du mal à appréhender les paroles de Ilgog. S'était-il trompé ? Bordel, comme il aimerait que ce soit le cas, il voulait de tout son cœur et pour la première fois de sa vie s'être planté de A à Z sur le compte de sa petite biche. Il se dirigea vers la grande tente blanche, priant pour qu'elle aille bien. Quel hypocrite, ce serait de sa faute si elle était morte durant ces trois jours.
Il repoussa le pan qui masquait l'entrée de la grande tente blanche. L'odeur était atroce, un mélange de sang et d'excrément, de poussière et de peur.
Sa vision nocturne s'adapta immédiatement et il vit Nahila. Elle était agenouillée, droite face à lui et le fixait de ses grands yeux bruns où plus aucune naïveté ou innocence ne subsistait. Ses poignets étaient attachés par des chaines – où diable Julyam avait-il trouvé ça ? – juste assez longue pour lui permettre quelque mouvement, un gros collier de fer l'empêchait de se relever entièrement et des piquets étaient profondément enfoncés dans la terre, même si elle semblait avoir tenté de les déterrer, comme indiquait la terre et le sang sur ses ongles abîmés. Sur le côté de son visage, du sang avait séché, là où elle avait été blessée durant l'explosion. Elle portait la même robe sale et déchirée que dans l'arène. Et elle avait l'air furieuse.
Bon.
S'agenouillant près d'elle il posa la nourriture et porta la gourde à ses lèvres. Elle eut un mouvement de recule farouche.
— Bois, tu es déshydraté, ordonna-t-il.
Une vague de peur s'échappa d'elle, agressant ses sens, mais elle resta droite et ne flancha pas. Bordel, c'était de sa faute si elle était ainsi. Pourtant, lorsqu'il réessayant, elle eut un nouveau mouvement de recul, méfiante. Et étonnement, il comprit tout de suite pourquoi.
— Il n'y a pas de drogue.
Conscient qu'aucune parole ne pouvait la rassurer, il porta la gourde à sa propre bouche et but deux gorgées. Lorsqu'il la lui rendit, elle l'attrapa et but goulument.
— Doucement ! ne brusque pas ton organisme.
Elle le fusilla du regard, très bien message reçu, qu'il se mêle de ce qui le regardait.
Quand elle eut fini il lui tendit le morceau de pain qu'elle dévora dans poser plus de questions. Le silence était si pesant, il aurait aimé qu'elle lui parle, entendre sa voix serait si réconfortant.
— C'est tout ce que nous avons, s'excusa-t-il.
Du pain et de la viande, mais Nahila était végétarienne.
Quand elle eut fini, elle s'assit sur ses talons, les mains sur les genoux et le dévisagea de nouveau en silence.
— Bon sang, femelle ! j'ai plus de raison que toi d'être en colère ! s'agaça-t-il.
— Je ne t'avais rien demandé, chuchota-t-elle d'une voix légèrement enrouée.
Il jura et alla chercher les clés qui se trouvaient près de l'entrée, suffisamment loin pour qu'elle ne puisse pas les atteindre. Il les avait vues en entrant.
— Je ne pouvais pas le laisser te violer !
Elle sursauta face à son mot cru, il l'avait utilisé volontairement pour la blesser, mais s'en voulut immédiatement. Merde, elle avait raison, son acte de sauveur ne l'avait probablement pas protégé, après tout le loup roux était parti avec elle.
Il revint près de la petite biche et défit les menottes. Tarik siffla en apercevant les poignets déchiré et ensanglanté, comme si elle avait lutté encore et encore contre ses chaines au point de se blesser.
— La captivité, ça me rend nerveuse, se justifia-t-elle sans ciller.
Merde, elle était vraiment devenue cynique !
Il termina de la détacher, heureusement les blessures avaient l'air superficielles.
— Viens, on va t'emmener prendre un bain, marmonna-t-il en la relevant comme si elle ne pesait rien.
Ce qui était presque le cas, bon sang, elle semblait avoir perdu dix kilos depuis qu'il l'avait porté dans ces bois. Probablement parce qu'il y a trois jours, il était blessé et mal en point. Il était toujours blessé, mais il allait bien mieux.
Elle le suivit en silence et ne fit pas mine de s'échapper. Bien, ils avançaient. Lorsqu'elle sortit de la tente, la lumière du soleil l'éblouit quelques instants. Profitant de l'inattention de ses partenaires, il la fit sortir du camp et la guida jusqu'au petit lac qui coulait non loin de là, dans le sous-bois.
— Lave-toi, on soignera tes blessures après.
Tarik s'appuya contre un arbre. Il ne voulait pas la brusquer, mais il n'allait pas la ménager non plus. Il fallait qu'il tire cette histoire de trahison au clair, et ce avant de la ramener au camp.
— Tourne toi, réclama la jeune biche sans faire mine de retirer sa robe abîmée.
Il haussa un sourcil.
— Je t'ai déjà vu nu, fit-il remarquer.
Elle s'enroula dans ses bras et eut l'air soudain très vulnérable.
— S'il te plait, Tarik... souffla-t-elle d'une voix douce. Laisse-moi au moins ça...
Il jura. Merde, il se faisait l'effet d'un buffle. Il se retourna pour préserver son intimité, conscient que l'eau claire ne la protégerait en rien de son regard. Le mâle ferma les yeux lorsqu'il entendit le bruissement de son vêtement qui glissait sur sa peau.
Respire ! s'ordonna-t-il en sentant son corps réagir à la nudité de la jeune biche.
Puis le clapotis de l'eau lui apprit qu'elle s'était glissée dans le petit bassin large de dix mètres où venait se déverser une rivière. Le félin attendit quelques secondes qu'elle soit à son aise avant de prendre la parole.
— Quand tu sortiras, il faudra qu'on parle, dit-il en s'agitant dos à elle.
Comme elle ne répondit pas au bout d'une minute, il se retourna...
Juste à temps pour voir son corps nue et dégoulinant d'eau se hisser hors de bassin, de l'autre côté, et disparaitre dans la forêt.
Elle s'enfuyait.
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Proie&Prédateur - La Biche et la Panthère
ChickLitNahila n'aurait jamais dû se retrouver dans la prison pour changelin de Lord Arthus, et pourtant, elle y est. Et pas dans n'importe quelle cellule, apparemment peu soucieux de son bien-être, ses geôliers l'ont balancé dans la cage d'une très dangere...