Chapitre 1.

4.2K 465 43
                                    

Nahila frissonna, pas tant parce qu'il faisait froid mais parce que le sous-sol lugubre ou les soldats de Lord Arthus l'entraînait lui donnait la chair de poule. L'odeur âcre de la peur, de la pisse et du sang la prenait à la gorge et elle devait lutter pour ne pas rendre le dernier repas qu'elle avait pris. Les doigts épais et moites du garde qui la guidait s'enfonçaient douloureusement dans son bras, si bien qu'elle craignit d'en garder une marque.

Mais qu'est-ce que je fais là, songea-t-elle pour la énième fois.

Que diable fichait-elle dans le sous-sol labyrinthique du manoir de l'humain le plus puissant de ce côté-ci du continent ?

À peine quelques heures plus tôt, Nahila n'était rien de plus qu'une biche parmi les autres dans sa harde. Fille du cerf dominant, elle avait toujours été protégé et choyer par les autres biches.

Les changelins cervidé vivaient en troupeau, et même si les mâles été tolérés par le dominant, ils vivaient comme les changelins lions mâles en marge de leur communauté.

Comment sa vie avait-elle pu basculer aussi vite ? Elle n'arrivait même pas à ce souvenir des événements exacte. Elle s'était éloignée un peu du troupeau pour paître plus loin et... plus rien, elle s'était juste retrouvée devant cet humain au regard dérangeant qui lui avait proposer un pacte ignoble. Elle avait refusé et la voilà désormais entraînée profondément sous la terre, dans un lieu dont elle ignorait l'existence jusqu'alors.

Un lieu rempli de changelin.

— Lâchez-moi ! s'écria Nahila, se débattant comme un beau diable.

Elle ne voulait pas aller plus loin, par la déesse, il fallait absolument qu'elle s'en aille. Elle voulait rentrer chez elle !

Mais rien à faire, l'homme qui la traînait dans les couloirs crasseux de la prison pour change-lin de Lord Arthus se fichait éperdument de ses cris de détresse. Il la tenait sur place avec facilité, d'une seule main. C'était un colosse de près de deux mètres de haut et elle ne faisait pas le poids, toute menue qu'elle était.

Soudain, il s'arrêta devant une cellule et l'ouvrit. Il y faisait si noir que Nahila ne voyait pas le mur du fond. Sans ménagement, son geôlier la jeta dans la cage, si violemment qu'elle tomba et se réceptionna sur les mains, s'écorchant les paumes sur le sol irrégulier de la prison.

— Vous n'avez pas le droit de m'enfermer ! s'écria-t-elle en se jetant sur les barreaux de la prison. Laissez-moi sortir !

La lumière décrut rapidement et elle se trouva très vite totalement dans le noir. Mais pas dans le silence. Elle entendait les lamentations pitoyables des prisonniers, les rires gras des gardes, loin et pourtant si proche, comme si les couloirs étroits taillés à même la pierre transportaient les sons sur des kilomètres. Et les cris. D'horribles cris qui lui donnaient envie de se recroqueviller dans le fond de sa cage, les mains sur les oreilles. Elle recula de plusieurs pas, mais un frisson primaire courut le long de sa colonne vertébrale, lui indiquant un terrible danger juste dans son dos. Lentement, très lentement, Nahila se retourna pour faire face à l'homme qu'il était nonchalamment allongé sur le côté, dans une surélévation de la pierre. Une peur atroce se referma sur la gorge de la jeune femme lorsqu'elle vit luire ses yeux de félin dans le noir.

Prédateur, lui siffla sa conscience animale.

Ses geôliers l'avaient enfermée avec un changelin prédateur !

Se plaquant au barreau de la cage sans le quitter des yeux, elle commença à frapper nerveusement, dans l'espoir d'attirer l'attention des gardes.

— Laissez-moi sortir !

L'homme se leva, même dans le noir, elle arrivait à percevoir sa silhouette imposante, ses mouvements félins alors qu'il s'approchait dangereusement d'elle. Il grondait tout bas, elle sentait son regard parcourir son corps de haut en bas.

— Laissez-moi sortir... répéta-t-elle avec moins de conviction.

Personne ne viendrait là sauver du félin qui s'approchait.

La cage n'était pas grande et en quelques secondes il était là. Posant les mains sur les barreaux derrière elle, il se pencha vers sa gorge. Nahila laissa échapper un gémissement étranglé par la peur lorsqu'il frotta son nez contre son cou et en inspira profondément l'odeur avant de remonter vers son visage et de la clouer du regard. Il resta un long moment à la regarder alors qu'elle tremblait de pure terreur, persuader qu'elle allait faire une attaque.

— Boucle-là, gronda-t-il d'une voix caverneuse et rauque, tu m'empêches de dormir.

Lentement, très lentement il se détacha d'elle en la fusillant du regard, puis certains d'être la créature la plus dangereuse de la pièce, il lui tourna le dos pour retourner sur le rebord tailler dans le mur.

Nahila se laissa glisser le long des barreaux en essayant de se rappeler qu'il fallait qu'elle respire, mais sa gorge était si serrer que seul un filet d'air sifflant arrivait à s'y frayer un chemin. Elle dut faire appel à toutes ses forces pour s'empêcher de pleurer. Le sol était humide et froid et un vent glacial parcourait par intermittence les couloirs du cachot.

Elle aurait aimé s'approcher du centre de la cage, là où les courants d'air se ferait plus rare, mais l'homme l'effrayait. Elle avait beau se dire que les changelins prédateur ne mangeait pas les changelins proie, son instinct ne voulait rien savoir. Il lui hurlait qu'elle était en danger, et elle ne pouvait rien faire. Elle était certaine que même s'il lui tournait le dos, le prédateur avait parfaitement conscience de tous les mouvements qu'elle effectuait. S'amusait-il de sa terreur ? Attendait-il avant de la manger, pour se distraire en la tourmentant ? Elle n'était pas certaine d'avoir envie de le savoir.

Rapidement, elle fut glacée jusqu'à l'os, elle tremblait tellement fort que ses dents se mirent a claquer convulsivement. Le félin, qui ne semblait pas souffrir du froid, poussa un grondement sonore qui la glaça d'effrois. Elle serra les dents si fort qu'elle eut rapidement une crampe à la mâchoire et seule la crainte de finir croquer par le prédateur dans sa cage l'empêchait de grelotter. Sa fine robe marron n'était clairement pas de taille pour affronter de telles températures. Elle se serait bien changé en biche, sa forme alternative, mais il lui avait injecté un produit avant de l'amener ici, et chaque tentative de transformation lui donnait la nausée. Elle ne sentait même plus son animal et son absence était un trou béant dans son cœur qui la terrifiait. Et si les humains avaient découvert une ruse pour leur arraché la moitié de leur âme ? Cette idée la révulsait, savoir qu'elle ne se retransformerait jamais en biche la paniquait. Elle avait l'impression que son cœur battait si fort dans ses oreilles que toute la prison pouvait l'entendre. Et elle avait froid, si froid qu'elle ne sentait déjà plus le bout de ses doigts.

Elle allait mourir gelée dans cette cellule, songea-t-elle en sentant les larmes lui monter aux yeux.

Mais qu'est-ce qui lui arrivait ?

Proie&Prédateur - La Biche et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant