Chapitre 30.

3.2K 394 93
                                    

— Où est-ce que tu l'as emmené ?

— Chez Ilgog répondit Julyam en faisant un pas en arrière, inquiet.

— Dans le bar miteux ? s'étrangla Tarik en imaginant sa petite biche à la merci de la lie de l'espèce changeline.

— Non, dans le restaurant où Kana travail, elle a dit que c'était là que tu voulais qu'elle se rende.

— Et tu l'as cru ! s'exclama Tarik en attrapant Julyam par le col de son t-shirt, trop vite pour qu'il puisse lui échapper.

Il sentait son cœur s'accélérer de panique. Nahila était partie... sa panthère rugissait de douleur en eu et l'insultait d'avoir laissé une telle chose se produire.

— Bah, ouais, ça faisait une semaine que vous n'avez eu aucun contact, j'avais des raisons de penser que tu la répudiais.

Tarik eut un instant de trouble.

— Comment ça ?

Julyam fronça les sourcils en se dégageant prudemment.

— Bah, vous vous sautez dessus presque tous les soirs pendant une semaine – Nahila manque de discrétion – et du jour au lendemain, plus rien, c'était à peine si elle avait l'air d'exister pour toi. Alors je me suis dit que tu avais fini par t'ennuyer et que tu avais décidé de la laisser rentrer chez elle, tu vois le genre...

La panthère prit une brusque inspiration alors que tout le monde acquiesçait, approuvant la version de Julyam. Et si c'était ce que tout le monde avait perçu de son comportement... alors Nahila aussi, avait dû le voir ainsi ! Bordel, il avait juste voulu lui épargner le contacte d'un meurtrier, d'un monstre couvert de sang.

Kana posa une main sur son épaule, pleine de douceur et de compréhension.

— Tu sais... je pense que si c'est pour te comporter ainsi avec elle, il vaut mieux que tu la laisses partir.

— Hors de question ! rugit-il avant de repousser brusquement la vipère qui eut un mouvement de recule plus violent qu'elle n'aurait dû.

Neo fit passer Kana derrière lui, l'incitant à ne pas s'approcher d'elle alors qu'elle s'entourait de ses bras, probablement sous le choc de sa réaction. En croisant le regard de ses compagnons, il réalisa sa violence et tenta de se calmer. Mais la panthère ne voulait pas se calmer, elle réclamait la traque de sa biche. Sur le champ.

— Je vais... la chercher.

C'était la seule chose à faire.

— Tarik.

La voix de Kana, toujours calme, claqua dans l'air. Il en fallait plus pour déstabiliser sa meilleure amie.

— Je ne veux pas t'entendre Kana, je vais la chercher, qu'importe que tu penses qu'il vaut mieux qu'elle soit, loin de moi... moi je ne peux pas... je...

— Ce que Kana allait dire, c'est ramène-la à la maison, coupa Nash.

— Et fait en sorte de la mérité ! ajouter Hunter, les bras croisés sur sa poitrine.

Tarik se passa une main dans les cheveux, prêt à les arracher.

— Je suis vraiment un abruti, hein.

Tous ses amis acquiescèrent sans aucun remords. Levant les yeux au ciel, le mâle quitta le campement.

Mienne, rugit la panthère.

Ouais, enfin, ça on verra, après s'être platement excusé, songea l'humain en se dirigeant vers le restaurant chic d'Ilgog.

Nahila était à lui, et il allait la chercher. Mais la décision finale lui reviendrait, de toute manière.

Le restaurant chic d'Ilgog était à des lieux de la taverne miteuse où il faisait son trafic illégal d'information. Quelque part, Tarik était soulagé de savoir que c'était parmi ces tables aux nappes en dentelle et ces box sombres faits pour les couples que Kana travaillait. De ce que Neo lui avait dit, Ilgog prenait grand soin de ses serveuses et Tarik osait espérer que ce serait de même avec la vipère, ou il serait obligé de se charger personnellement de son cas.

En le voyant apparaître dans l'entrée du restaurant, une souris – il lui semblait reconnaître la petite furie qui avait mordu Neo, la première fois qu'il avait vu le rat – fronça les sourcils et se dépêcha de disparaître à l'arrière. Une autre souris s'approcha avec un sourire crispé que Tarik associa à sa nature féline et le guida jusqu'à un box isolé.

Tarik osa espérer qu'Ilgog se pointerait vite. Il lui tardait de savoir quel moyen de transport utilisait Nahila et quand elle était partie. Heureusement pour lui, le rat se pointa au bout de quelques minutes. La panthère haussa un sourcil, surprit par le look qu'il abordait. Un costume trois pièces anthracite qui jurait avec les vêtements négligés qu'il portait habituellement en sa présence.

— Laisse-moi deviner, tu es venu me demander ce que j'ai fait de ton adorable petite biche, je me trompe.

— Par où et comment elle est partie ? Depuis combien de temps ? demanda-t-il d'entrée de jeu.

— Laisse-moi te donner un conseil...

— Garde tes conseils pour toi, je m'en fiche, coupa Tarik.

Ilgog ricana.

— Tu es exactement comme Kana te décrit, c'est dingue.

Tarik se raidit. Kana avait parlé de lui à ce rat ? Quelles relations entretenaient-ils tous les deux.

— Relaxe, chaton, promis, je n'ai pas touché à ta petite prédatrice. Enfin... ce n'est pas dans mes habitudes de faire ça ici, mais puisqu'il le faut... qu'est-ce que tu m'offres contre ces informations.

Tarik sortit ses griffes.

— Ta vie, connard.

Ilgog grimaça.

— Pas devant les clients.

— Je vais me gêner.

Prenant un air contrarié, Ilgog s'adossa à la banquette de velours du box.

— Bien, je rajouterais cinquante heures à la dette de Kana.

— Non.

Tarik jura. Ce n'était pas à Kana de payer pour ses erreurs.

— Trouve-moi cinquante heures de travail, ici où dans ton bar pourri, je payerais mes dettes.

Le rat sourit de toutes ses dents. Celle de devant était légèrement écartée.

— Je vois qu'on parle enfin le même langage. Tu sais faire des cocktails ?

— Parlons des détails plus tard, tu veux ?

Soupirant, l'homme tendit la main et Tarik la serra à contrecœur.

— Nahila est partie il y a cinq heures, je lui ai gracieusement prêté une voiture avec un cheval. Son voyage durera cinq jours, si elle tient une allure modérée, je lui ai aussi prêté de l'argent pour les auberges sur son passage et un guide pour m'assurer qu'elle atteigne son territoire en toute sécurité... moyennant trois cents heures, je peux faire pareil pour toi.

— Ça ira merci.

Et se levant, Tarik quitta les lieux.

Nahila avait cinq heures d'avance sur lui. Même en partant tout de suite, il ne la rattraperait pas sauf s'il courait nuit et jour, ce qui serait stupide et irresponsable...

En revanche, songea-t-il en se débarrassant de ses vêtements à la sortie de Jaykam. Il pouvait arriver peu après elle.

Après tout... il était une panthère très rapide.

Proie&Prédateur - La Biche et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant