Chapitre 29

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- Comment vas-tu Eden ? Tu m'as l'air d'aller mieux que la première fois que je t'ai vu, annonce le psy.

Il me laisse m'asseoir tranquillement dans son canapé. La boite de mouchoir est non loin de moi. J'espère ne pas devoir m'en servir. J'ai assez pleurer pour toue une vie, je pense. Le psy a toujours sa malle prête à débordée de déguisements.

- Je vais bien.

- Je suis content de l'apprendre. J'ai appris que c'était surement grâce à ton camarade de chambre. Tu t'es énormément appuyée sur lui quand tu l'as rencontré. Je ne me doutais pas qu'une telle histoire arriverait. C'est exceptionnel Eden.

Il semble fou de joie. Je suis juste blasée. Il n'y a rien d'exceptionnel. Kiéran aurait pu être débranché et mourir. Et moi pareil. S'il n'y avait eu aucun espoir, j'espère que ma mère m'aurait débranché pendant mon coma, que de me garder comme un légume pendant vingt-cinq ans

- Tu ne sembles malgré tout pas très heureuse. Je me trompe ?

- La vie est dure, me contenté-je de répondre.

Le psy semble toujours m'analyser, tentant de percer mes secrets et mes pensées.

- Tout ce que tu as enduré n'est presque pas humain. C'est normal d'être fatiguée d'avoir vécu tout ça. Mais ne laisse pas tes démons te submerger. Tu penses à Jeremy ?

Tous les jours qui passent, je pense à lui. Tout me ramène à lui. Chaque détail me fait penser à une scène de lui. Au fil du temps, son image devient floue. Je ne me rappelle plus de son odeur. Son souvenir faiblit sans que je ne puisse faire quelque chose.

- Bien sur, je souffle, le cœur serré.

Ne pleure pas Eden. Tu es forte.

- C'est normal d'être encore triste. Tu le seras probablement toute ta vie. 

- La tristesse ne disparaitra jamais. Elle s'atténuera.

- C'est ça. Tu peux décider de baisser les bras ou de remonter en selle. Tu vas bientôt sortir de l'hôpital et reprendre ta vie encore une fois. Tout ira bien cette fois-ci.

Je le crois. Je n'ai eu que de la malchance jusqu'ici mais c'est fini. Plus aucun malheur ne viendra ternir ma vie, je m'en fais la promesse.

- Est-ce qu'on peut aimer quelqu'un sans l'avoir jamais vu ?

Ma question parait un peu saugrenu. Le psy fronce des sourcils.

- Jamais vu ?

- Dans le sens ou moi je l'ai vu et lui non.

J'étends mes jambes devant moi. Je sens la douleur ressurgir tel un serpent voulant piéger sa proie.

- Evidement. C'est même un amour plutôt original. Est-ce que tu as été attiré par son physique ?

J'acquiesce.

- J'imagine que s'il n'y a pas une attirance physique, on ne peut pas aimer si ?

Le psy sourit.

- Si, on peut aimer quelqu'un qui ne nous plait pas. Ca peut paraitre bizarre mais tu l'aimes pour ce qu'il est à l'intérieur de lui. L'extérieur ne compte pas. Mais sa beauté peut être un plus. Pourquoi tu me poses cette question ?

Il rit d'un coup et je le regarde interloqué.

- Question débile. Tu aimes Kiéran.

- Certainement pas. Je le connais à peine ! On a quasiment rien en commun à part cet hôpital. Il a toujours été populaire et ne s'est jamais soucier des filles comme moi. Effacée. 

- Tu le juges, Eden. La popularité ne définit pas quelqu'un, tu le sais très bien. Tu trouves des excuses pour ne pas l'aimer. Mais...il n'y a aucune excuse. Tu n'as plus qu'à foncer sans réfléchir. Laisse toi porter.

Ce n'est pas mon habitude. Je n'ai pas envie de souffrir et de pleurer pour quelqu'un encore une fois. Etre ensemble détruirait notre amitié naissante.

- J'ai mes raisons. J'ai peur de l'avoir trop idéalisé aussi. La réalité m'a souvent déçu.

- Ne pense pas à ça. Les rêves sont souvent mieux mais la réalité est ce qu'elle est. Tu as le pouvoir de changer les choses.

Il n'a pas tort. Je peux changer ma vie. Mais en ai-je envie ?

- Comment ça s'est passé ? me demande Kiéran.

Il a été faire un examen. Apparemment, il n'a aucun problème donc tout va bien de son coté. Il récupère bien ses fonctions.

- Bien.

Je me recouche dans mon lit, réfléchissant à la séance. Ce psy a le don de remuer tout mon cerveau en l'espace de peu de temps. C'est perturbant.

- Ca n'a pas l'air pourtant. Tu fais une drôle de tête.

Il a relevé le dossier de son lit et il lit mon carnet, une bouteille d'eau ouverte sur sa table de chevet. Je me sens gênée qu'il puisse découvrir d'autres choses.

- J'ai faim.

Je sais qu'à ça, il peut me croire. J'ai toujours faim. Je m'installe dans mon lit et dévore mon plateau-repas. Aujourd'hui, c'est lasagne. J'allume la télé pendant que je mange mon dessert. Une mousse au chocolat avec le milieu rempli de framboises. Juste délicieux.

- Tu essaies de m'embobiner, retente-t-il en interrompant sa lecture. Raconte moi.

Je n'ai pas envie. Pour une fois, j'aimerais garder ça pour moi. Garder mes pensées et mon mal-être. Une grimace vient déformer mes lèvres et Kiéran se contente de m'observer.

- Ok, j'ai compris. Mais je ne lâcherai pas l'affaire pour autant.

J'en lâche presque mes couverts. Il se déplace et lance ses pieds qui atterrissent par terre. Il croise les bras et patiente, tourné vers moi.

- C'est assez personnel.

 Il hausse un sourcil.

- Tout ce qu'on s'est dit est personnel. C'est à propos de moi ?

Comment lui cacher ça ? Il sait tout en un rien de temps. A croire qu'il rentre dans ma tête à la recherche de ce qu'il veut. Je baisse les yeux et soupire. Jusqu'à maintenant, je n'ai eu aucun secret pour lui. Et tout d'un coup, je commence. Mais je ne peux pas lui dire.

- D'accord. En mal ?

Je secoue la tête et relève les yeux vers moi. Son air inquiet l'a quitté. Il me sourit et ça me fait presque fondre en larmes.

- Viens Eden.

Il ouvre grand ses bras et je viens me réfugier comme une enfant.

- Laisse toi aller. Je suis là. 

Ses bras entourent mon corps et me presse contre lui. Comme d'habitude, c'est rassurant et les vannes s'ouvrent pour déverser une rivière d'eau salée.

- Tu es forte. Pleurer n'est pas une faiblesse, chuchote-t-il à mon oreille.

Je hoche la tête, voulant le croire. Ses doigts dessinent dans mon dos. C'est doux et apaisant. Je pourrais rester contre lui toute la vie tellement je me sens bien.

- Tu ne m'abandonneras pas en sortant de l'hôpital, hein ?

C'est égoïste de ma part. J'aimerais le retenir pour ne jamais être seule. Ma main remonte mon menton pour qu'on puisse se voir. Ses yeux bleus sont plus foncés étrangement.

- Je te le promets. Si tu me fais la même promesse en retour.

Mille fois oui. Je suis tellement heureuse que je lui saute au cou. Je me fais mal par la même occasion et Kiéran explose de rire.

- Doucement Eden. Alors ?

- Promis Kiéran. Donne ton petit doigt.

Je tends le main et attends impatiemment qu'il fasse le reste. Il rit toujours en liant son doigt au mien. Je rougis face à son regard et baisse les yeux sur nos doigts.

Ton âme dans la mienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant