Chapitre 4

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Les jours passent et se ressemblent. Je ne fais rien de mes journées à part aller à la rééducation pour apprendre à marcher de nouveau. Je tiens à peine de bout. Ca me met le moral à moins dix. En plus d'être traitée comme une fille miraculeuse. Les infirmières me regardent comme si j'avais échappé à la mort. Si elles savaient ce que je ressentais, elles baisseraient les yeux.

Je vivais sans vivre réellement. Ma mère venait me rendre visite tous les jours à la même heure, m'apportant du chocolat, des chips. Voulant simplement me faire plaisir. Je ne réagissais pas. Je voulais partir de cet endroit stérile, me terrer dans ma chambre pour ne plus en ressortir.

Que font mes amis ? J'ai reçu pleins de textos, n'y ai pas répondu. Ils ne disent pas ce qu'ils faisaient, j'aurais aimé le savoir. 

Je regarde par la fenêtre. Le temps est couvert. Il y a des nuages qui cache le soleil qui aimerait percer. Mais il ne percera pas. On dirait mon humeur du moment. Bientôt, la pluie se met à tomber. Fort. Je pince mes lèvres, résistant pour ne pas fondre en larmes. Je ne pleure presque jamais dans ma vie. Je n'ai pas envie que ça devienne une habitude. Je suis plus forte que ça.

Je tourne la tête vers le carnet que ma mère a déposé sur ma petite table à roulette. Elle m'en a acheté un, souhaitant que je couche mes pensées dessus. Sur le moment, j'ai trouvé ça ridicule. Vraiment bête. Je n'ai pas besoin de ça pour savoir que je fais un deuil et que mon meilleur ami que j'aimais plus que tout, est mort en tombant d'une stupide falaise. 

J'agite mon bras, regardant sa forme. Il est parfaitement en place. Plus aucune séquelle. Ma cuisse est toujours monstrueuse avec sa gigantesque cicatrice. Ma tête est abominable. J'ai des cernes noires sous les yeux, un visage creux. Des cheveux horribles. Je ne me reconnais pas dans le miroir. On dirait une autre Eden. Plus du tout la même qu'avant.

Je suis terne et sans sentiments. Je suis froide à l'extérieure. Un vrai glaçon. J'attrape le carnet et me mets à écrire ce qui me passe par la tête avant de laisser tomber. Non, ça ne va pas m'aider à aller mieux.

Je parviens à me relever et pose les pieds par terre. Le sol chaud me réchauffe les pieds. J'essaie de me lever pour me mettre debout, mais je suis trop faible. Je ne parviens à me relever que d'un centimètre. Je tends le bras pour attraper la chaise roulante que je ramène vers moi. Je place d'une telle façon, que je puisse m'asseoir dessus sans souci. Ca s'annonce malgré tout très compliqué.

Je me jette littéralement sur la chaise en me tournant à temps. Essoufflée, je me réajuste. Je sue déjà. Je pivote légèrement et commence à faire rouler ma chaise. Je n'ai pas l'habitude. On le fait toujours pour moi.

Je franchis ma porte et m'engage dans le couloir. Les infirmiers sont occupés et ne me voient pas. Je continuer d'avancer jusqu'à une chambre dont la porte est ouverte. Elle est en retrait des autres et vraiment calme. Je n'entends pas la télé contrairement aux autres chambres.

J'arrive à l'entrée et hésite à entrer. Je n'aimerais pas qu'une inconnue fasse pareil que moi. Surtout que je suis plus solitaire. Mais ma curiosité et mon instinct me pousse à me faire ce geste. J'entre sans autorisation et le silence qui m'accueille, me fait sourire pour la première fois.

Ici, je suis tranquille. Le seul avantage. Et surtout, ce que je veux le plus en cette période. 

Un lit est contre le mur, au même emplacement que le mien. La luminosité de dehors illumine la chambre terne. Aucune affaire n'est posée. Pas de pyjama en vue, ni de journaux ou de télécommandes. Pas de fleurs. Rien. Et pourtant...il y a ce corps dans le lit. 

Je m'approche sans contrôler ce que je fais. Je découvre un garçon, presque un homme. Au trait fin, la mâchoire carrée, un nez droit, une cicatrice blanche qui barre sa joue de part et d'autre. Elle est imposante mais elle n'entache nullement la beauté de l'individu. Il a beau avoir les yeux fermés, le visage paisible, il est magnifique. Des cheveux bouclés qui arrivent au milieu de son front. Qui mériteraient d'ailleurs une petite coupe. Des lèvres pleines et roses.

Un visage d'ange.

Il est relié à énormément de machines qui font des bruits. Il est dans le coma. Comme moi je l'ai été. Je me demande juste depuis combien de temps il est plongé dans le sommeil. Je ne le saurai sans doute jamais.

Je reste une éternité près de lui, à observer son torse se soulever. Sa respiration profonde et lente. Ses traits immobiles. Je le fixe sans détecter de changement. Je décide de retourner dans ma chambre. Je suis épuisée.

Je fais demi-tour, jetant un dernier coup d'œil à l'inconnu. Je me sens...presque proche de lui. Peut-être parce que j'ai été dans le même état que lui.

Ton âme dans la mienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant