Chapitre 23

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Le temps est long. Marcher demande un effort inconsidéré. Je comprends la douleur et la fatigue d'Eden après les exercices avec le kiné. Elle me racontait tout ce qu'elle ressentait. Je m'accroche au fait qu'elle a réussi haut la main. Je peux le faire aussi. Il n'y a pas de raison que je reste dans ma chaise. Comme elle l'a dit, il faut reprendre sa vie en main pour avancer. Paroles de sages.

A l'hôpital, je sais qu'on me reconnait. Le grand champion mais sur moi traite comme n'importe quel patient. Ca me réconforte. J'enfile des vêtements propres dans la salle de bain et j'ai la surprise de voir plusieurs médecins entrer dans la chambre.

- Bonjour Kiéran, comment ça va? demande docteur Grant.

- Bien merci. Vous venez pour Eden ?

Ils hochent tous la tête en se réunissant autour de son lit.

- Je peux rester? je demande presque d'une petite voix d'enfant.

Une infirmière les retient pendant ce temps et me sourit.

- Bien sur.

Je vois qu'ils contrôlent, concernant les machines, ce qu'il est écrit dessus.

- Son cerveau n'a pas l'air endommagé. Je vois qu'elle a eu des réactions pendant son sommeil.

Un autre docteur retire la couverture et soulève la robe de chambre pour tâter le ventre de la jeune fille. J'aimerais détourner la tête mais je ne le fais pas. Je fixe le visage d'Eden et mes yeux ne descendent jamais.

- Les bleus s'estompent mais ils ne sont franchement pas beau. La peau au niveau de l'estomac cicatrice bien. On pourra enlever les points de suture demain. Désinfecter toujours bien plusieurs fois par jour ça et sa sonde. Dès qu'elle se réveille, on lui enlève les tuyaux qu'elle a dans son nez. On ne change rien à ses soins. Mais ne donnez pas trop d'espoirs à sa famille. Il se peut que la patiente ne se réveille pas malgré tout ça.

Ils parlent de nombreuses minutes sur l'accident d'Eden. Ils n'ont pas l'air de se soucier qu'elle puisse les entendre. Docteur Grant me regarde derrière ses petites lunettes.

- C'est grâce à Eden que je me suis réveillé, je lui dis.

Il est médecin et donc il ne croit pas toujours à ça. Je vois qu'il est dubitatif.

- Quand elle me parlait, j'avais envie de me réveiller pour la voir. Et même si j'étais aveugle, je me serais quand même réveillé pour elle. J'étais devenu tellement curieux que j'essayais tout le temps de soulever mes paupières. Quand elle tenait ma main, je voulais la serrer pour lui montrer que je l'écoutais. Elle a ressenti mes mouvements et elle a gardé espoir que j'ouvre les yeux. Elle n'a abandonné. Elle a fait ce qu'elle a lu dans un article bidon. De toujours parler à une personne dans le coma car celle-ci entend surement ce qu'on dit. Elle est une raison européenne. N'oubliez jamais que c'est une battante. Elle a survécu à beaucoup de choses.

Il devrait le savoir pourtant. Après presque deux ans, moi voilà à essayer de marcher. On pensait que j'entendais rien, que je faisais aucun geste. Ils se trompaient quasiment tous.

Le docteur acquiesce et n'argumente pas. Il quitte la pièce, suivi de tous ses collègues. L'infirmière me fait une tape légère sur l'épaule en souriant. En chaise roulante, je roule jusqu'à Eden. Je prends sa main dans la mienne. Tant pis si j'ai l'air ridicule.

- Ne les écoute pas. Ils ont fait une dizaine d'années d'études et à chaque fois ils sont sur le cul quand tu te réveilles. Ils pensent directement au pire. On n'est pas aussi pessimistes qu'eux, heureusement d'ailleurs. Au fait, je suis désolé de t'avoir fait peur, la fois ou j'ai fait un arrêt cardiaque devant toi. Je sais que tu t'es cognée la tête tellement tu as peur. Après, je ne pensais pas que tu allais arriver comme une furie.

Ton âme dans la mienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant