Chapitre 12

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Je passe les portes de l'hôpital. Il neige. Enfin. Emmitouflée dans ma veste, je m'avance jusqu'au glacier d'en face. Je rêve d'une glace depuis un bon moment. En béquille, je marche du mieux que je peux. C'est de plus en plus facile. La semaine s'est écoulée à toute vitesse. Je rentre demain à la maison sur ordre des médecins. Ma tête va suffisamment mieux et je ne me suis plus évanouie. Je sais très bien c'était du à cause de quoi, ou plutôt de qui.

C'est tellement étrange. Je vais retrouver ma maison, mon chien, ma vie. Et abandonner mon inconnu. Kiéran va rester là, dans sa chambre. Pour encore combien de temps ?

Je pousse la porte et arrive jusqu'au comptoir. Je choisis deux boules et pars m'asseoir à une table. On va m'apporter mon bol rempli de glaces. En attendant, je contemple la neige qui tapisse lentement le sol. C'est beau. Ce n'est pas ma période préférée mais j'aime bien malgré tout. C'est festif. Tout le monde fait ses courses de Noel, les films d'amour sont de retour à la télé.

Ma glace arrive. Je la déguste en regardant mon téléphone. Un infirmier m'a envoyé une photo de la chambre de Kiéran. Toutes les décorations sont installées. Un peu en retard à cause de mon sommeil. Je ne cache plus le fait que j'ai rendu visite à l'adolescent tous les jours pendant des semaines. A quoi bon ? Ils m'ont tous vu quand il a fait une crise cardiaque. Inutile de cacher le fait que je tienne à lui.

Je prépare mon sac. Il y a énormément de choses à mettre dedans. Je me lève de mon lit, emporte mes béquilles et me rends dans le couloir. Je croise mon infirmière préférée derrière l'ordinateur. Je m'arrête devant son comptoir et lui sourit. Je la revois encore choquer mon inconnu il y a plus d'une semaine.

- Oh Eden. Je peux faire quelque chose pour toi ? Tu te sens pas bien ?

- Non, je vais parfaitement bien. En fait oui. J'ai un service à vous demander.

Elle écoute attentivement ma demande et sourit à la fin.

- D'accord. De toute façon, j'avais l'attention de le faire. je te préviendrai s'il se réveille, tu n'as pas de souci à te faire. Mais je suppose que tu sais que ça se peut qu'il ne se réveille jamais ?

Je hoche la tête. Je le sais au fond de mon cœur mais je préfère garder espoir. Je serais triste qu'il ne se réveille pas ou qu'il se réveille dans cinq ans. Ca me ferait un petit quelque chose.

- Je m'en vais. Je voulais aussi que vous sachiez que vous m'avez beaucoup aidé. Merci.

Elle a l'air touché de mes paroles. Elle se lève, fait le tour du comptoir et m'enlace. L'étiquette qui porte son nom m'érafle la peau, mais je ne dis rien.

- Avec plaisir Eden. J'aimerais qu'il n'y ait pas de prochaine fois. Plus jamais tu ne viendras ici dans une chambre, à part voir ton ami. Fais moi la promesse.

Je ne peux rien promettre mais je le fais quand même. Je ne sais pas de quoi mon avenir est fait.

- Promis. 

Je la quitte pour terminer de faire mes bagages. Ma mère va arriver d'ici peu de temps. Il me reste peu de temps. Tout ce que je trouve, je le fourre dans mon sac. Tant pis si c'est chiffonné. Mon neurochirurgien passe la porte.

- J'ai appris que tu partais aujourd'hui. Félicitations !

Je le remercie, ne sachant pas pourquoi il est là. Il voit les questions qui défilent dans mes yeux car il s'explique.

- Tu es l'une de mes patientes miracles. Il fallait que je vienne te voir. Tu as l'air en meilleure forme.

- Je le suis. Merci à vous de m'avoir sauvé.

Il semble presque rougir.

- Je n'ai pas fait grand chose. Profite de ta vie, fais des folies mais pas trop non plus.

J'acquiesce. Je sais déjà tout ce que je veux faire. Il me lance un clin d'œil et s'en va. Ce sont mes dernières minutes ici. C'est tellement...irréel. Je pensais ne jamais ressortir. Mais si. 

 Mon carnet mis en évidence sur ma table me fait de l'œil. Je le prends et le fourre dans mon pantalon. Je vais voir mon inconnu une dernière fois. Je le trouve toujours dans son lit, immobile. 

- Salut bel inconnu. C'est toujours Eden. 

Je m'assois cette fois-ci sur son lit. Je le regarde tendrement et caresse sa joue.

- Je pars dans moins d'une heure. Ce sont les dernières minutes que je passe avec toi. J'espère revenir te rendre visite très bientôt. Mais avant, je vais reprendre ma vie pour remettre de l'ordre.

Sa joue semble tressauter mais je ne suis pas sure de ce que je vois. Ma main touche la sienne, je la prends et l'apporte à ma bouche pour déposer mes lèvres dessus. Un baiser qui s'éternise sur sa peau.

- Je suis triste de te laisser.

J'entends un bruit discret en direction de la porte. Une infirmière s'y tient et me sourit, un tas de matériel dans les mains. Elle regarde nos mains liées avec curiosité.

- Je vais changer sa poche urinaire. Tu sais attendre 5 minutes ?

J'opine et attends sagement dans le couloir. J'en profite pour faire une rapide recherche sur internet, essayant de ne pas tomber. Je m'appuie contre le mur. Je ne tarde pas à trouver ce que je souhaite. Quand elle a fini, elle fait un geste en direction de mon inconnu. Je me rassois sur le lit.

- Je te souhaite le meilleur. Vraiment. Je reviendrai te voir, je te le promets. Et je suis désolée que quand on s'est vus pour la première fois, tu n'es pas resté éveiller. La prochaine fois sera la bonne.

Je me lève et dépose mon carnet sur la table de chevet. Je me repenche vers lui pour embrasser son front. Puis je m'en vais. Je me stoppe avant d'avoir franchi la porte.

- Sois heureux et surtout, réveille toi Kiéran. Bonne chance et joyeux noël en retard.

Ton âme dans la mienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant