Chapitre 10

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Un pied et puis l'autre. Doucement. Je me tiens aux barres, sentant mes abdos se contracter à chaque effort. Mes bras me semblent moins maigrelets. En même temps, je mange de la nourriture solide que depuis quelques semaines. Fini le liquide.

Allez un pied. Tu vas y arriver. C'est bien. Je marche lentement. Arrivée à la fin de mon parcours, je recommence encore une fois. Ca me semble plus facile à chacun de mes pas. Mon kiné revient avec des béquilles dans les mains. Je me rassois dans mon fauteuil, transpirante après autant d'efforts.

- Je vais devoir marcher avec ça ? je demande en pointant du doigt ce qu'il tient.

Il sourit et s'agenouille devant moi. Il se met toujours à ma hauteur et c'est ce que j'aime bien. Je fixe les béquilles comme si c'était satan lui-même.

- Une fois je me suis cassée le pied et j'ai eu des béquilles pendant un mois voire plus. Ca avait été l'horreur. Ca va être pareil.

Jolan ricane et me les donne en main.

- Tu as grandi depuis. Tu vas t'y habituer. C'est juste pour t'aider. Ca va te permettre de te remuscler petit à petit. Fini la chaise roulante. A toi la liberté.

Un sourire vient éclairer mon visage et je lâche un petit rire en acceptant les béquilles. Choqué devant mon expression, le kiné recule les yeux grands ouverts.

- Tu as souri et rigolé. Et ben, on avance Eden. Allez debout. Je t'aide.

Il tient mes hanches tandis que je me relève avec précaution. Je positionne mes béquilles et m'appuie dessus. C'est...très étrange de rester debout, aider par quelque chose.

- Je te propose d'essayer dans le couloir, me dit le kiné.

Il m'accompagne dans le couloir et s'adosse au mur, me regardant faire. Je fais quelques pas, sortant de la salle de rééducation. Je suis aussi lente qu'une tortue, mais j'avance. C'est le principal. Je continue de marcher jusqu'au bout du couloir et je me dois me tenir au mur pour reprendre mon souffle. De loin, mon kiné me regarde toujours, n'intervient pas. J'exécute un demi-tour, le sourire revenu sur mes lèvres. Je peste de temps en temps quand j'ai dur.

Je retourne voir mon inconnu en béquille. J'arrive difficilement à sa chambre, même si elle est proche de la mienne. Trop d'efforts en une journée. Je pousse la porte et m'avance dans la pièce. De nouvelles fleurs sont disposées partout ou il y a de la place. La fenêtre est entrouverte, laissant passer un filet d'air frais. L'hiver n'est pas rude cette année, apparemment. Enfin, on est presque en hiver.

Je referme la fenêtre et prends la bouteille d'eau pour arroser les fleurs. Je me demande qui les arrose tous les jours. Je manœuvre pour ne pas tomber. Ma tache finie, je m'affale sur le fauteuil à coté de l'inconnu. Je repose mes béquilles contre le mur et soupire. Je contemple son visage toujours si apaisé. J'espère qu'il fait de beaux rêves, qu'il ne souffre pas, et qu'il ne se rend pas compte de l'horreur que c'est d'avoir le temps qui passe à toute allure.

- Salut mon inconnu. 

Je lui raconte ma journée, riant moi-même à certaines de mes bêtises avec les infirmiers. Je lui dis tout, sans gêne. 

- Je me demande quelles sensations tu ressens lorsque tu nages. Si tu tiens longtemps en apnée, pourquoi tu as décidé de faire ce sport et surtout de faire des championnats. J'imagine que c'est très important pour toi. Comme le sont les aventures pour moi. J'aimerais t'entendre parler, apprendre à te connaitre. J'en meurs d'envie.

Je deviens de plus en plus curieuse. J'aimerais lui parler en face à face, découvrir la couleur de ses yeux. Ce n'est pas une obsession. J'ai juste envie de le connaitre vraiment, sans contrainte.

Ton âme dans la mienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant