👑 CHAPITRE 19 👑

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Pendant longtemps, j'ai été persuadée d'une chose : Qu'en fermant les yeux, certaines choses finiraient naturellement par disparaître. Mais ce n'est pas le cas. Rien ne disparaît jamais vraiment. C'est impossible. Il y a des souvenirs que l'on enfuit. Des souvenirs que l'on oublie. Que l'on enferme dans une petite boîte avant de jeter la clé quelque part pour se décharger d'une certaine culpabilité à oublier facilement. Il est facile d'oublier ou d'omettre, mais il est difficile que de vouloir se souvenir tant certaines choses font mal.

- Est-ce que je peux entrer ?

Me retournant vivement, je constate que Valerian est appuyé contre l'encadrement de la porte, le regard sévère.

- Il faut que l'on discute Princesse.

- Tu ne m'appelles jamais «Princesse» sauf quand la situation l'exige. Entre donc.

Est-ce par rapport à la tâche que je lui ai confié ? Non. Valerian n'est pas un homme qui chipote sur ce qu'on lui demande de faire. Alors quoi ? Va-t-il lui aussi essayer de me dissuader ? Pourtant, lui plus que n'importe qui dans ce château devrait savoir ce qui me motive réellement et ne devrait alors pas se mettre en travers de mon chemin.

- Vas-tu me demander de reconsidérer mon geste ?

- Non, dit-il avec un léger sourire. Je ne te connais que trop bien pour savoir que quand tu as quelque chose en tête, tu fonces. Néanmoins, j'aimerais que tu considères le fait que tu n'es pas seule sur ce coup-là. Je sais que tu as l'habitude de ne compter que sur toi-même et, tu as raison quelque part car on n'est jamais mieux servi que par soi-même, mais là, c'est différent. La situation est différente. Jusqu'à présent, tu as fais des choses pour toi. Tu t'es exposé toi-même au danger et tu SAIS à quel point cela peut être terrifiant. Mais là, on parle d'un sauvetage et je te connais Magdalena, tu es trop immature et impulsive pour considérer pleinement la situation sur ce propos. Tu ne sauras te retenir à provoquer ta sœur et je sais...je sais que tu ne rêves que de lui rendre la monnaie de sa pièce pour toutes les atrocités qu'elle t'as faite, mais je t'en conjure : ne sombre pas dans cette folle idée de vengeance. Peut-être que je t'en demande beaucoup, peut-être que tu m'en voudras pour te demander de te tenir à l'écart de toutes formes de provocation, mais c'est pourtant bel et bien la requête que je suis entrain de formuler. Vas-y, non pas pour te venger, mais pour sauver une vie.

- Tu sais que je ne peux pas te promettre une telle chose, n'est-ce pas ? sifflé-je

- C'est pour cela que ce n'est pas une promesse que je te demande de tenir, mais une requête que je te demande d'accomplir. Il est certain que j'abuse probablement de ma position, mais je sais que tu sauras m'écouter. Du moins, c'est ce que j'espère du plus profond de mon cœur.

Un soupire m'échappe tandis que je me mordille la lèvre supérieure, cherchant un moyen d'échapper à la supplique de Valerian. Lui comme moi savons que ce qui se prépare aura son lot de conséquences.

- Me demandes-tu réellement de me tenir à carreau et de mettre de côté des années de sévices corporels, d'abus ? Toi, comme des millions de gens, vous avez pourtant vu les marques que je porte sur moi et qui me lance chaque matin comme pour me rappeler chaque jour que je n'échapperais jamais vraiment à tout ça. Me demandes-tu réellement de fermer une énième fois les yeux et attends-tu réellement que je me comporte en bonne princesse que je suis ?

- Oui. Et je ne peux qu'imaginer ta douleur. Mais imagine aussi la mienne : Ils se sont attaqués à mon enfant et je meurs silencieusement d'envie de leur faire payer ce qu'ils lui ont fait. Mais justement parce que je suis probablement le plus à même de comprendre ta rage, je te demande expressément de faire un effort et de la mettre dans ta poche. Tu finiras par l'utiliser, un jour ou l'autre, tu leur fera payer et je t'aiderais. Vraiment, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour t'aider, mais pas maintenant. Pas aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, nous n'avons pas...tu n'as pas les moyens de lutter contre ce qui arrivera si tu déclenches cet incendie. Mettre le feu au poudre est une chose Magdalena, mais contrôler les flammes en est une autre et bien que cela soit tentant, je te demande en tant qu'ami, en tant que père inquiet et sujet sous ta gouverne, de ranger l'allumette que tu as dans la main.

Il s'approche alors de moi et pose un genou à terre en prenant ma main dans la sienne.

- Peux-tu faire ça ? Pour moi ? Peux-tu me prouver que j'ai raison en disant haut et fort que tu es ma Reine en te comportant comme telle ?

- Je peux essayer.

- Non. Je ne veux pas que tu essayes. Je veux que tu réussisses.

- Valerian !

- Je te le demande sincèrement Magdalena. Ne fais pas ça, continue-t-il à me supplier toujours à genou

- Alors regarde-moi droit dans les yeux et dis-moi que ça en vaut le coup. Dis-moi que je ne le regretterais pas. Dis-moi que si je tourne le dos encore une fois, un jour ou l'autre, je serais récompensée pour cela.

Mais son silence réponds à sa place à toutes mes questions. Son silence et ses yeux qui fuient les miens. Nous savons tous deux qu'un jour viendra où tout ceci sera inévitable. Un jour viendra où la folie gagnera et je finirais forcément par accomplir l'impensable. Il n'a jamais été bon ni sain de fermer les yeux trop longtemps. Au bout d'un moment, pour frapper en retour, il faut que les deux soient grands ouverts sur la cible pour frapper juste.

- Tu vois. Tu n'en es pas capable. Tout ce que tu me demandes, c'est de continuer à prendre sur moi, de faire comme si tout ceci ne me faisait rien. Tu me demandes encore une fois de pleurer en silence et de crier dans mon oreiller. Tu me demandes de leur laisser une nouvelle occasion de me blesser, de me marquer. Mais devine quoi ? Je suis fatiguée. Mon corps n'est pas une toile blanche qui appelle à être peinte de la couleur du sang.

- Pourtant, ne viens-tu pas te prouver au court de ces derniers jours que tu valais mieux que ça en te battant différemment ? J'ai été admiratif de cette jeune fille devenue jeune femme en si peu de temps. J'ai été consterné d'observer que pendant que nous étions absents, tu as su, à ta manière te battre avec élégance et grâce. Tout ce que je te demande, c'est de continuer à agir comme tu l'as fait jusqu'à présent. Est-ce si absurde ?

Je quitte ses côtés pour m'approcher de la fenêtre, le regard plongé vers le ciel menaçant. Il risque de pleuvoir ce soir.

- Il va nous falloir un plan, lancé-je, Un de ceux qui me maintiendra tellement occupée que je n'aurai pas le temps de perdre mon temps.

- Alors nous y travaillerons. J'y veillerais personnellement.

- Mettons nous y sur le champ. J'aimerais que tout soit prêt rapidement.

The Ruler Game - T2 (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant