The Ruler Game - T2 (EN PAUSE)

👑 CHAPITRE 24 👑

«Tu as été disqualifiée ce matin même par le Roi. C'est fini». Je me suis refusé à entendre cette phrase et pourtant elle est là, tournant en boucle dans mon esprit comme pour me narguer ou me jouer des tours. Pourquoi étais-je incapable d'y croire ? Il me suffirait d'appuyer sur n'importe quel écran présent pour savoir si oui ou non Cybele me disait la vérité. Mais à quoi bon ? Une infime partie de moi y croyait déjà et c'est cette même partie qui étrangement trouvait là un sentiment de sérénité. De paix. De soulagement. C'était fini, oui et alors ? Suis-je supposé suivre les uses et coutumes en m'inclinant, moi qui suis déjà plus bas que terre ? C'est ridicule. Tout ceci est ridicule. Peut-être qu'ils avaient tous raison à mon sujet, peut-être que je n'aurais jamais dû participer...Je n'aurais jamais dû me laisser entraînée par la ferveur du Duc.

Néanmoins, une autre part de moi se refusait d'y croire. La fin du jeu annonçait peut-être le retrait de ma candidature en tant que prétendante au trône de Nettivia, mais est-ce vraiment ce que je visais ? Est-ce que le trône m'intéressait tant que ça pour commencer ? Non. Je ne l'ai jamais désiré, ou bien que brièvement. Je ne le voulais pas et pourtant, j'avais estimé qu'aucun de mes aînés n'en était digne pour autant. A partir de ce simple constat, j'avais décidé d'en finir avec la dynastie des Boùrbon. Avec la technologie. Avec cette stupide tradition consistant à cacher l'horreur et l'abomination d'un tel procédé de sélection derrière un divertissement. Je voulais en finir et malgré tout ce qu'il s'est passé, cette résolution-ci n'a pas disparue.

- Je connais ce regard, renfrogné, pensif...A quoi penses-tu ? me demande alors Valerian en s'approchant de moi

- A tous ces gens laissés à Celestia. Que vont-ils devenir si je n'y suis plus ?

- Je présume qu'ils vont reprendre leur vie comme elle l'était avant le jeu. Ils seront seuls. Abandonnés et sans soutien.

- Alors, c'est véritablement la fin, hein ? Je veux dire...

- Tout dépend : Est-ce que tu considères cela comme une fin en soi ?

Attirant mon attention, je remarque son traditionnel et non moins charmant sourire en coin que Valerian sait si bien porter quand il a une idée.

- Tout à fait entre nous, je devrais être le premier à te décourager d'emprunter une telle voie, mais de l'autre, je ne crois pas être au service d'une personne sachant ce que «abandonner» signifie. Tu n'es plus dans le jeu ? Grand bien nous fasse, cela ne nous contraint pas avec leur stupide règle et leur arbitraire. En outre, j'ai toujours un compte à régler avec un certain Prince et je serais plus que ravie de mettre à nouveau mes compétences à ton service.

- Encouragerais-tu cette Princesse à se rebeller contre son royaume ?

- Non. J'encourage ma Reine à ne pas baisser les bras. Certes, le chemin que nous risquons d'emprunter sera parsemé d'obstacles et de difficultés. En outre, il y a de fortes chances que nous soyons définitivement seuls à présent, mais depuis quand ce genre de chose est-il un frein pour nous ? Peut-être devrais-je choisir la voie de la sagesse et te décourager, te dire que rentrer au Palais est certainement la meilleure idée, mais si tu le fais Magdalena...Alors je crains que Nettivia ne soit condamné.

- Mais si j'échoue, je nous condamne également, soupiré-je

Et c'est là toute la différence. Je n'ai pas envie de ça. Je n'ai pas envie de voir une autre personne souffrir du même sort que le Duc. Je n'ai pas envie de ressentir à nouveau cette douleur là.

Je ne sais vraiment pas ce que je dois faire. Me tenir ici bien sagement en attendant que la tempête passe comme me l'a suggéré Cybele ? Ou y retourner en jouant avec mes propres règles ?

- Il n'y a pas de chemin tout tracé ou de voie prédestinée Magdalena. Tu es seule maîtresse de ta vie et toi seule peut décider de ce que tu veux en faire. Tout ce que j'essaye de te dire, c'est que tu n'es certainement pas faite pour suivre et convenir aux attentes des autres. Ne te restreint pas à croire cela car quand ça arrivera alors plus personne ne pourra rien pour toi. Crois en toi car personne ne le fera pour toi.

Valerian quittant ma chambre me laisse dans un profond doute et de nombreuses interrogations. J'ai envie d'y croire, mais j'ai également peur. Qu'est-ce qu'une fille de quinze ans peut faire contre...tout ça ? Que suis-je en capacité de faire ? Dois-je vraiment être celle qui doit «sauver» le royaume ? Cette responsabilité m'incombe-t-elle réellement ou ne serait-il pas plus facile de tourner le dos et de quitter un endroit qui, de base, n'a jamais voulu de moi ? Je me le demande.

Mon pouce caressant alors la cicatrice se trouvant dans le creux de ma main, le visage d'Ivory me revient brutalement en mémoire et par réflexe, je me cache sous les draps en me disant que l'obscurité la fera disparaître. Mais Ivory n'est pas là. Il n'y a que certains démons qui peuvent vous poursuivre et vous user avant que vous en ayez assez. Le problème est que j'en ai assez. Suivre cette route-là. Répondre aux attentes. Jouer bien sagement dans mon coin tandis que tout sur mon chemin m'était soit disant prémâché par le Roi. Mais le Roi m'a abandonné. Pour changer. Dès que les choses se sont corsées et qu'il aurait fallut trancher, il s'est désisté, choisissant encore et toujours la facilité. Lâche qu'il est.

Vais-je réellement laisser Nettivia entre des mains si peu capables ? Ne devrais-je pas bondir de ce lit et me remettre en marche ? Mais où aller ? Vers qui me tourner ? Cybele a encore une fois raison : Je n'ai rien. Et j'ai peur que ce «rien» ne devienne rapidement un poids.

«Tu as été disqualifiée ce matin même par le Roi. C'est fini».

Uniquement si je décide qu'il en est ainsi.

Si Ivory veut la guerre, alors ça sera œil pour œil, dent pour dent.

Je ne me laisserais pas abattre, pas après tout ce que j'ai fais et tout ce que j'ai vécu. Et Valerian a raison, maintenant que nous sommes débarrassés des carcans des règles du Ruler Game, nous allons pouvoir nous organiser autrement. De toute façon, à quoi servent les règles si ce n'est à être brisées ?

Et cette fois, hors de question de faire preuve de retenue : Une leçon apprise est une leçon acquise. Je ne ferais pas deux fois la même erreur.