👑CHAPITRE 4 👑

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Des murmures, des chuchotements provenant de la bibliothèque du château m'attirent indéniablement alors que je passais mon chemin, prête à aller chercher le petit appareil que Valerian avait confectionné. Sur le moment, ce n'était qu'une voix grave et inaudible et très vite, il y a eu cette intonation familière et tandis que la porte fut entrouverte, je ne fus presque pas surprise de découvrir Ambrose, ayant visiblement une conversation «privée».

- Bien. Nous ferons comme cela, oui bien entendu et j'attends avec grande impatience de vos nouvelles. Je vous remercie.

Un craquement de planche me trahis et le voilà qui se retourne et qui croise mon regard. Il raccroche immédiatement, pris sur le fait et me fusille en me laissant comprendre que mon geste le déplaît.

- Toujours dans l'espionnage à ce que je vois, siffle-t-il alors

- Et toi, toujours dans les secrets, mais rien ne m'étonne.

- Ce n'est pas ce que tu crois, tient-il à se justifier sur l'instant

- Oh, mais je ne crois rien du tout. Tu vois Ambrose, quand on finit par ne plus rien attendre de personne, on finit rarement déçu.

- Va-t-on constamment se tirer dans les pattes toi et moi ?

- Je n'en sais rien. Vas-tu constamment me cacher des choses ? Tu sais, j'essaye vraiment d'être reconnaissante et tout ça, même si je dois bien admettre que j'ai encore du mal à digérer certaines choses, mais ton comportement ne m'aide pas. Pourtant, n'est-ce pas ironique en sachant que tu es censé remplacer mon Aide échangé ? souris-je tristement à la pensée du Duc

- Crois-moi, je n'agit pas comme ça de gaieté de cœur Magdalena. Mais tu veux renverser le système ! Je ne peux pas t'aider à continuer à faire passer ce genre de messages. Cela va à l'encontre de mes valeurs.

- C'est bon de savoir que tu en as au moins car pendant un moment, j'ai douté.

- Arrête avec tes remarques déplacées. Peut-être que ton air hautain prends sur les autres, mais pas avec moi. Je te connais.

- Tu croyais me connaître, nuance. Finalement, on s'est peut-être mutuellement menti pendant un bon bout de temps toi et moi. Si tel est le cas, je trouve que c'est d'une tristesse sans nom.

- Peut-être. Mais la fille que je connaissais et à laquelle je tenais n'avait pas des envies de révolution.

- Comment veux-tu ne pas en avoir quand tu te fais harceler par la Cour du Roi toute entière ? Quand ta propre famille te laisse seule dans ton coin car ils ont le crâne bourré de mensonges et de faussetés ? Quand tu grandis en voyant de la fenêtre de ta chambre constamment la même chose : Rien. Comment veux-tu ne pas avoir envie de révolution quand il te faut courir dans ta chambre avant minuit ou ne pas oser quitter cette dernière car tu sais que les fêtes de tes aînés tournent en orgie de sexes et de drogues et qu'il pourrait alors t'arriver bien des choses que personne ne s'en soucierait ? Comment veux-tu oublier le fait que parce qu'il s'agissait d'une personne de sang royal, alors tout le monde oubliait les déviances de son comportement ? Lui pardonnant absolument tout ou fermant tout simplement les yeux en se disant que demain ça ira mieux ?

- Mais grandis ! Tous les systèmes sont déviants ! Il n'en existe pas un qui n'a pas ses torts ! Il n'en existe pas un qui ne rends pas insatisfait la majorité ! Tu as de bien beaux idéaux, mais tu n'as pas les épaules pour prendre une telle décision, l'appliquer et en subir les conséquences par la suite. Cela te dépasse et de très loin.

- Tu peux me sous-estimer autant qu'il te plaît de le faire Ambrose, mais un jour viendra où tu regretteras ces mots.

- Non. Un jour viendra où toi, tu regretteras de ne pas avoir su écouter un esprit avisé sur le sujet. Ce que tu veux faire va bouleverser des millions de vies et tu ne t'en rends même pas compte, c'est vraiment inquiétant.

- Et toi, tu ne sembles toujours pas comprendre que c'est tout le but de la manœuvre. Si, par mon action, j'arrive à faire comprendre que la technologie nous bouffe petit à petit et nous étouffe à chaque «like» alors j'aurais peut-être réussi mon entreprise.

- Je doute que le Roi permette une nouvelle diffusion d'un de tes «fameux» discours.

- Qui a dit que j'allais me contenter de ça ?

J'ai conscience que le message vidéo a son importance sur l'instant, mais qu'il est aussitôt oublié. Peut-être qu'au vu du format de ce dernier et de son contenu, on parlera de moi pendant encore quelques jours, mais ensuite, tout ceci sera dans le passé. Oublié. Le Roi s'en chargera. Il s'arrangera pour dévier l'attention ailleurs, pour faire en sorte qu'une autre chose toute aussi importante vienne préoccuper et surtout occuper les esprits. Et tout ceci repose bien évidemment sur l'Echange en cours.

- Je ne sais pas sur quelle voie tu t'engages, mais il m'est impossible de te suivre.

- Alors tu ne me sers définitivement à rien. Tu seras mon invité le temps que tout ceci se passe, mais cela s'arrêtera là.

- Je présume que tu as raison.

D'une certaine façon, à chaque conversation échangée avec Ambrose, je m'attends à quelque chose. Je ne saurais dire quoi exactement, mais je sais qu'il n'est pas ici par hasard et qu'il va très certainement référer de ma pensée au Roi. Peut-être devrais-je m'attendre à une nouvelle convocation ou une nouvelle punition de son crû ? Je doute que cela se passe ici.

Quittant la pièce, je rejoins les escaliers qui m'amènent à ma chambre. Fermant la porte à clé après mon entrée, je m'approche du lit avant de me laisser tomber sur ce dernier. La journée ne fait que commencer et je suis littéralement épuisée. Ces échanges et ces sous-entendus qui n'en finissent plus ont le don de vampiriser toute mon énergie ou bien le peu que je peux avoir mis de côté.

Il me faut faire face à la réalité : Je ne peux pas attendre. Si je veux que les choses changent, si je veux que l'on m'écoute, alors il faut que j'agisse rapidement de telle sorte que le Roi ou le Service de l'Information ne puisse rien n'y faire. Plus j'attendrais, plus il y a de forte chance que j'attérisse dans leur filet.

Me relevant avec une idée, j'ai sur l'instant en mémoire la voix du Duc de Norlia. Pleine de reproche et d'incertitude. Il serait là qu'il n'approuverait pas, mais je n'ai pas d'autres choix. Je ne vois pas ce que je peux faire d'autre que ça. Je ne vois pas comment me faire entendre ou comprendre sans agir de la sorte.

- Nora ! Nora ! crié-je depuis l'entrée de ma chambre en ayant seulement passé la tête par l'encadrement de la porte.

- Oui, oui, j'arrive !

Des pas se précipitent dans le couloir et soudain, sa silhouette m'apparaît tandis qu'il arrive à ma hauteur, le souffle court.

- Qui y'a-t-il ?

- J'ai besoin que tu me rendes un service : Trouve-moi la personne qui connaît le mieux la région et demande également à Kaïen de venir s'il te plaît.

- Tout de suite Votre Altesse.

Elle s'exécute et pour la première fois, j'ai l'impression de me sentir «Princesse». Je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de donner des ordres et le peu que j'ai pu avoir émit m'ont été brutalement retournés. Je me souviens de ces phrases fermes que j'ai énoncée à haute voix à l'encontre du Duc et je me souviens avoir plusieurs fois utilisé mon titre pour écraser son opinion qui me dérangeait alors. Aujourd'hui, je ne peux plus le faire. Avoir ce genre de comportement...Je ne peux pas. Ambrose a tort d'ailleurs sur ce point-là. Tort de croire que je ne me soucis pas des gens. Je suis peut-être la seule qui s'en soucis suffisamment et qui réalise à quel point notre société s'est auto-condamnée depuis ces dernières années. Peut-être qu'un jour quelqu'un m'en tiendra rigueur. Peut-être que je viendrais à être détestée pour mon action et peut-être même que mon nom sera synonyme de trahison, mais je ne peux pas rester simplement là à ne rien faire. Je ne peux pas être cette Princesse vivant dans sa tour d'ivoire attendant d'être sauvée.

Pas quand je sais que je peux être celle qui se sauve elle-même et même si je venais à échouer dans ma tâche alors, j'aurais au moins eu le mérite d'avoir essayé. 

The Ruler Game - T2 (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant