The Ruler Game - T2 (EN PAUSE)

👑 CHAPITRE 26 👑

A chaque fois que je pense pouvoir sortir la tête hors de l'eau, une main invisible vient me noyer de nouveau. C'est un cercle sans fin. Cette impression de respirer, de revivre, de voir enfin la chance me sourire avant un brut retour à la réalité faisant de moi la risée. Une incapable. Je n'ai même pas pu aller jusqu'au bout du jeu. Je n'ai même pas pu tenir ma promesse envers Owen en fermant les yeux et en me disant que je n'avais qu'à prendre mon mal en patience et qu'il finirait par rentrer. J'y suis allée et cela m'a presque tout coûté. Aujourd'hui, je suis de nouveau à la case départ, sans savoir réellement quoi faire, sans ligne de direction précise si ce n'est quelques bribes d'idées. Mais ce ne sont pas des idées qui me sortiront de mon trou.

«The Ruler Game». Pendant un bref instant ce jeu a été autant une malédiction qu'une bénédiction pour moi car j'y ai cru. J'ai cru avoir ma chance et pouvoir faire mes preuves. Mais tous ont eu raison à mon sujet, je n'ai peut-être pas les épaules pour affronter ça. Mon égo et mon excès de confiance m'ont finalement fait défaut.

- Tu as le regard bien lugubre, chose qui ne te ressemble guère Magdalena.

Cybele.

A lui tout seul, il est un personnage que je ne comprendrais jamais. A chaque fois que je pense avoir appris quelque chose sur lui ou être en mesure de savoir ce qu'il pense, je me fourvoie lourdement. Cybele est volatile. Imprévisible.

- A quoi penses-tu ? me demande-t-il en venant s'installer à mes côtés

- Depuis quand mes pensées suscitent-elles ton intérêt ?

- M'en veux-tu encore pour ce que je t'ai dis ? Certes, je reconnais avoir été cassant et froid.

- Non, tu as été vrai. Au fond, tu m'as rappelé Ambrose.

- Je me doute que tu dois au moins avoir mille questions pour moi dans ce cas. Avec tout ce que tu as appris récemment.

- A dire vrai ? Pas du tout. Tu vois Cybele, je suis dans une phase où j'ai honnêtement envie de fermer les yeux, détourner les talons et tourner le dos au Royaume et...à tout ça. C'est d'un ridicule et d'un grotesque. Sommes-nous obligés d'être continuellement dans le conflit ? Que préservons-nous ainsi ? Par un tel procédé de sélection en sachant que ce dernier se répétera dans une trentaine d'années. En fait, j'ai seulement l'impression d'être coupée en deux. A nouveau. Une part de moi veut s'enfuir et une part de moi veut se battre.

- Te battre ? Mais pourquoi ? Qu'est-ce que tu veux faire ? Bien que je crains avoir la réponse à cette question, je ne peux que te déconseiller de faire quelque chose d'imprudent comme tu l'as fait par le passé. Pourquoi n'en profites-tu pas pour faire profil bas ? Pour te détendre et être traitée ici comme une véritable princesse ?

- Tu sais aussi bien que moi que je n'ai jamais été traitée comme une princesse pour commencer. Je sais...Je sais que je suis jeune, ignorante sur beaucoup de choses et vous me cachez tous des choses. Chacun d'entre vous. Le Duc de Norlia avait lui-même sa part de secrets et bien que la découverte de certains d'entre eux au grand jour ait faillit compromettre notre alliance, nous avons vu ce que cela fait que d'avoir des secrets les uns pour les autres. Cela vous ronge de l'intérieur. Cela vous fait vous remettre en question. Et puis soudain, personne ne semble être en mesure d'être digne de détenir ce dernier également.

- Il est là tout le but du secret Magda. Moins il a de geôliers, mieux il est gardé. Crois-moi, si tu me le demandais, je...

- Non. Si je te demandais de me répondre, et ce, avec la plus grande des honnêtetés, je sais que tu détournerais le regard. Kybele et toi êtes nés dans le mensonge. Vous le créé et le détournez à votre guise ce qui vous a valu votre surnom «Jumeaux Fake News». C'est votre truc de détenir des informations que personne d'autres ou juste une infime poignée détient.

Jamais encore Cybele et moi avions pris le temps de discuter. De discuter réellement. Nous échangions des services détournés, des faveurs ou parfois des appels à l'aide. Les jumeaux ont été mon refuge pendant un bonne partie de mon enfance, me cachant d'Ivory ou de la Reine Calice. Ils étaient une sorte de bulle dans laquelle je me suis toujours sentie bien ou tout du moins en sécurité. Puis les choses ont évoluées et aujourd'hui, j'ai peur de ne plus être en mesure de les utiliser comme je le faisais jadis. Je n'ai plus de bulle protectrice. Plus de zone de confort. Rien.

- Puis-je tout de même te poser une question ? lui demandé-je

- Quoi donc ?

- Comment as-tu su ce que tu devais faire ? Par là, j'entends...

- Pour tout te dire, je n'en sais rien. Mais je crois que ça part comme ça. En ne sachant pas. Pas vraiment. On est tous motivés par quelque chose de différent, des rêves, des objectifs ou bien même des passions et pendant longtemps on se demande quoi en faire, quoi devenir. En fait, il n'y a rien de plus humain que de se chercher un but, une utilité dans le fonctionnement de notre monde sinon à quoi bon vivre tu me diras ? J'ai trouvé cette voie là un peu par hasard et je ne doute pas que tu trouveras la tête. Tu as toujours été une petite fille brillante Magdalena. Pas très intelligente, mais ingénieuse. Il y a juste des choses dont une fille de quinze ans doit apprendre à se protéger et la guerre en fait malheureusement partie. Je ne veux pas t'encourager dans cette voie là et je ne le ferais pas. Tu n'auras d'ailleurs aucun soutien de ma part si vraiment tu souhaites te battre contre Ivory.

- Alors pourquoi me dire tout ça ? Pourquoi m'aider quelque part ?

- Parce qu'une part de moi te connaît et sait que rien ni personne ne peut se mettre en travers de ton chemin quand tu t'es décidé. Je sais que tu feras quelque chose de stupide et que cela tournera mal. Je le sais car tu as cette gentillesse et cette bonté d'âme qui s'est perdue. Tu joueras dans les règles, mais pas tes adversaires et tu sais mieux que quiconque ce qu'ils sont capables de faire.

- Suis-je censée me laisser malmener alors ? Fermer les yeux et attendre ?

- Non. C'est ton droit le plus strict que de vouloir frapper à ton tour, je le respecte. Mais tu gagneras pas cette guerre. Pas dans cet état. Néanmoins, je ne peux pas non plus te laisser partir sans rien alors prends au moins ce conseil : Sois à ton tour sans foi ni loi.

Laissant Cybele m'embrasser sur le front, ce dernier quitte la pièce en abandonnant derrière lui ces derniers mots.

J'en avais conscience. Conscience que je ne gagnerais pas dans une bataille équitable. Dès le départ tout jouait contre moi et tous avaient pariés contre moi. Pourtant, à chaque fois que l'on m'a fait poser un genou à terre ou mit la tête sous l'eau, je me suis redressé. A chaque fois que l'on voyait mon échec, je réussissais à m'en sortir d'une façon ou d'une autre.

Que ce soit contre Byron. Contre Roxan. Contre Calice. Contre Ivory.

J'ai réussi. Alors ce n'est pas aujourd'hui que je dirais «c'est fini». Ce n'est pas aujourd'hui que j'abandonnerais, et ce, malgré ma certaine envie. Aujourd'hui et demain, je me battrais. Aujourd'hui et demain, j'apprendrais encore et toujours à me relever.

On ne m'a pas abattue hier, on ne me battra pas demain.