👑 CHAPITRE 30 👑

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Il ne fallut attendre que le lendemain pour voir apparaître progressivement dans le brouillard, quelques silhouettes. Avec les efforts combinés de Nora, Kaïen et Bérénice ayant parcouru probablement toute la province en un temps record, une centaine de personne arrivèrent au château. Des femmes. Des hommes. Des adolescents. Des personnes de tout âge, tout bord, tout horizon et tandis qu'ils s'approchèrent progressivement, un sourire satisfait m'échappe tandis que j'échange un rapide coup d'oeil avec Roxan.

- Ce n'est pas une armée, crache-t-il refusant d'admettre son tort.

- Non et ça n'en sera jamais une. Ce ne sont pas des soldats. Ce sont simplement des gens.

- Jamais ils ne seront formés à temps.

- Et ce n'est pas ce que je demande. Je vous ai demandé d'apprendre à ces gens le minimum. Le strict minimum. Apprenez leur tout ce que vous pouvez leur apprendre afin qu'ils sachent se défendre.

Un soupire lui échappe et je le vois lever les yeux au ciel tandis que nous sortons tous les deux du bâtiment pour aller à leur rencontre. A sa vue, la majorité des gens fit un pas en arrière. Je n'en attendais pas moins. Cet homme est la première raison pour laquelle ces gens ont tout perdu, mais il sera aussi la dernière personne étant en mesure de les empêcher de perdre jusqu'à leur vie.

- Votre Altesse !

Quand certains regards se posèrent ensuite sur moi, tous se courbèrent devant moi. Pour la première fois de ma vie, j'étais considérée pour celle que je suis. Pour la première fois de ma vie, tous ces gens ne dépendaient plus que de moi. De ce que j'allais décider, faire, dire. Et enfin, pour la première fois de ma vie, je fis moi-même un pas en arrière en trouvant cette soudaine responsabilité tout à fait terrifiante. Malheureusement, revenir en arrière ne nous était guère possible. Renoncer n'est pas envisageable.

- Je vous remercie d'être venus aussi rapidement. Vraiment.

Je ne savais pas quoi leur dire de plus. Quoi rajouter pour les rassurer. Je n'ai jamais eu l'âme d'un leader, ni même celle d'un commandant d'armée. J'aurais volontiers laissé ce rôle à des personnes taillées pour ça. Notamment deux en particulier à qui je ne cesse de penser depuis que je suis arrivée ici. Malheureusement, je ne peux m'offrir le luxe d'avoir l'esprit ailleurs.

- Est-ce vrai, Votre Altesse ? Est-ce vrai que la guerre est à Celestia ?

- Je vous mentirais si je vous disais «non», mais ce conflit qui menace n'est pas le vôtre et je comprendrais, après que je vous ai tout expliqué, que vous décidiez de rentrer. Néanmoins, si vous restez, dites-vous bien que je vous en serais éternellement reconnaissante car je ne pourrais jamais ô grand jamais affronter ce qui arrive sans votre aide. Celestia est votre terre. Vos ancêtres avaient jadis fait fleurir cette province en puisant dans ses richesses terrestres et la Monarchie vous a tout prit. Absolument tout. Vous m'en voyez navrée. Pour en rajouter à votre peine, le Ruler Game a fait de vos maisons un terrain de jeu. Pendant que vous souffriez en silence, sans aide, gouvernée par une enfant dès plus incapable, certains riaient et mangeaient à leurs fins. Voilà la réalité. En outre, je ne vous demande pas...ni ne vous demanderais de vous battre pour moi. Je ne vous demande pas d'entrer dans les querelles d'une famille disfonctionnelle. Tout ce dont j'ai besoin de vous c'est que vous soyez à présent assez fort pour réclamer Celestia et son indépendance. Reprenez vos droits, vous le méritez et quiconque viendra se mettre en travers de votre chemin ne connaît alors rien de votre force car oui, pour affronter tout ce que vous avez eu à affronter, pour survivre et pour tenir bon, il faut être fort. C'est une force qui n'est malheureusement pas présente chez tous les Nettiviens. Je n'ai rien pu faire pour vous et je vous demande de faire quelque chose pour moi...Quelle ingrate je fais, n'est-ce pas ?

Je leur enviais cela c'était certain. Cette capacité de résilience qu'ils avaient, tous autant qu'ils étaient. Je leur enviais cette détermination et cette folie qu'ils partageaient à faire face à absolument tout tandis que moi, je me contentais de m'appitoyer sur mon sort, attendant bêtement qu'une main vienne se poser sur mon épaule et me tire. Toujours, j'ai attendu.

Mais plus maintenant.

Maintenant, je dois me débrouiller seule. Faire face seule et me battre seule.

Maintenant plus que jamais.

- Que deviendrons-nous si nous gagnons notre indépendance ?

- Vous ne serez plus sous la tutelle de la Capitale, lâche Roxan, Vous serez libre de faire ce que vous voulez.

- Mais nous n'avons plus rien, quel intérêt que de se couper du peu d'aides que nous recevions ?

- C'est là que vous vous trompez, poursuit ce dernier en sortant un papier froissé de sa veste, Voici ce sur quoi j'ai récemment mit la main !

- Une carte ? relevé-je

- Un plan. Le plan d'une ancienne mine de diamants non exploitées, mais plus vieille que le Royaume lui-même. Cette mine se trouve très précisément sous les fondations du château ici présent.

A son regard et son léger sourire, je devine alors ses intentions.

- Ce plan sera à vous si vous faites ce qui est nécessaire de faire.

- Ah oui ? Vous êtes le premier à avoir pris nos enfants ! Nos maris ! Vous êtes le premier à avoir exporté des esclaves vers des pays voisins !

- C'est là...que vous vous trompez. Vos enfants et autres parents ont passés la frontière, certes, mais tous travaillent honorablement de l'autre côté des montagnes. Chacun aspirant à une vie meilleure, ils ont fuit cette province condamnée à périr. Je n'ai fais que leur donner les moyens d'arriver à leurs fins. Donc posez vous les bonnes questions : Qui a eu raison ? Eux en cherchant à faire quelque chose de leurs vies de merde ou bien vous restant là à patauger dans votre boue ? Vous avez l'occasion de reprendre ce qui était vôtre, allez vous vraiment laisser passer votre chance ?

Ils se regardent tous, chuchotent tandis que Roxan, fier, me jette un rapide coup d'oeil tandis que je reste là, les bras croisés, observant leurs réactions.

- On se battra. Pour la Princesse qui a su nous montrer une autre voie et pour récupérer ce qui fut à nous autrefois.

- Je n'en attendais pas moins, rit-il visiblement satisfait, Mettons-nous au travail car nous avons du pain sur la planche. Princesse !

Il me jette un petit dispositif que je détail bien curieusement.

- Le château est tout à vous. Appuyez sur ce bouton si vous voulez une surprise. C'est un cadeau laissé par le Baron. Lors de la venue du couple royal. Il m'a dit de vous dire «C'est mieux que Noël» et que vous comprendriez.

Étonnée, je me rappelle de cette fois où j'ai été confinée dans ma chambre en attendant le procès concernant mon implication dans la mort de la Reine. Je me rappelle effectivement de ces mots qu'il m'a soufflé sans pour autant les comprendre. Alors curieuse, j'appuie sur le bouton tandis qu'un champ de force se redresse autour du château telle une bulle, l'enveloppant sur un kilomètre autour.

- Mieux que Noël...effectivement. Combien de tours as-tu dans tes manches Valerian ?

Parfois, j'ai l'impression que malgré les apparences, ce dernier fait preuve d'un grand génie ayant toujours quelques coups d'avance. Non pas de quoi se faire remarquer, mais juste de quoi nous sortir des situations les plus improbables. J'aurais présentement aimé avoir ce génie là près de moi, mais on dirait bien que je vais devoir apprendre à me débrouiller. Nous allons tous devoir apprendre à nous débrouiller. Nous n'avons pas d'armée, pas de moyens sophistiqués, mais nous avons définitivement quelque chose que ma sœur aînée n'a pas : Pleins de petits gens ayant chacun leur propre talent.

The Ruler Game - T2 (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant