Chapitre 4

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Gaïa arriva à l'aéroport, gelée.

Estimant que lors d'un déplacement professionnel, la doudoune Canadian Goose n'était pas de mise, elle avait ressorti son long manteau noir léger ceinturé. Elle s'était réveillée sous une tempête de neige et avait décidé de se munir de son béret noir pour éviter que ses cheveux ne soient trempés.

La Française rejoignit l'équipe du cabinet du Premier ministre dans le hall en claquant des dents. Joshua la salua, une lueur moqueuse au fond de l'oeil.

« T'en fait pas, il y a un petit temps d'adaptation », lui intima-t-il.

Ils prirent la direction du tarmac où l'avion du Premier ministre les attendait. Le vent glacial fouettait le visage de Gaïa qui serrait les dents pour ne pas que sa mâchoire ne se déboite sous l'effet des violents grelottements de son corps. Dernière à monter dans l'engin, elle avisa Justin Trudeau déjà en train de travailler tout au fond du cockpit, la mine concentrée. Il releva le visage pour saluer la compagnie qui s'installait progressivement sur les sièges libres. Il n'étaient que sept du cabinet à participer au voyage. Deux hommes assis autour de la table du Premier ministre pianotaient sur leur portable.

Gaïa posa son sac sur le dernier siège restant, situé sur la rangée à côté de lui. Il releva une seconde fois la tête vers elle, comme perdu dans ses pensées, et son front se plissa légèrement.

« Criss, t...vous avez les lèvres toutes violettes! », s'exclama-t-il en tournant son buste vers elle.

« Joshua m'a dit qu'il y avait un temps d'adaptation », répondit-elle, embarrassée.

« Un temps d'adaptation ou bien des vêtements chauds. L'un et l'autre se valent. Il avisa son béret et un petit rire grave s'échappa de ses lèvres. Vous être une vraie ambassadrice de la France! Mais il va falloir accepter de piocher dans la garde-robe canadienne si vous ne voulez pas finir congelée ». Lorsqu'elle comprit à quoi il faisait référence, ses joues s'empourprèrent instantanément. Amusé, il reporta son attention sur ses documents. Rouge de honte, elle s'assit enfin, tentant de calmer les battements de son coeur. Il se moquait d'elle, et elle lui faisait pitié. Voilà qui était prometteur. Il devait la prendre pour une fanfreluche férue de mode, omnibulée par son style et l'image qu'elle renvoyait, refusant catégoriquement de porter des vêtements chauds. Elle se maudit pour ses premiers faux pas.

L'avion se mit en route et Gaïa enfonça ses ongles dans la chair des accoudoirs. Trois heures de vol l'attendaient jusqu'à Winnipeg.

« J'ai lu votre discours », dit-il soudain alors que l'engin quittait la terre ferme. La jeune femme tourna son visage vers lui et son souffle se coupa sous l'effet combiné du mouvement de l'avion et de la proximité qu'elle partageait avec lui. Il avait les yeux braqués sur elle, et une lueur étrange y ondoya furtivement. Le pouls de Gaïa se mit à accélérer furieusement. C'était le moment de vérité.

« Et je dois dire que... Je suis conquis! On voit vraiment votre touche flamboyante française, à travers la rigueur, le style, le ton et le vocabulaire. Il va falloir qu'on y aille graduellement, j'ai remis un peu de notre patois, mais je pense qu'un dépoussiérage ne pourrait pas faire de mal! », finit-il en plaisantant.

« Je comprends, oui. Contente que ça vous plaise »

« Vous avez une belle plume »

« Merci », chuchota-t-elle, comme-ci elle refusait la légitimité de ce compliment.

Justin Trudeau se remit au travail et le voyage passa à la vitesse lumière. Toute l'équipe descendit de l'avion et fut acheminée en voitures jusqu'à l'hôtel de ville de Winnipeg. Alors que Gaïa regardait défiler les rues de la capitale du Manitoba, elle repensa aux informations qu'elle avait lu sur le sujet de leur visite.

L'Etat et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant